Mental sur France TV Slash : "déstigmatiser les adolescents sur les troubles mentaux"
A l’occasion du Festival de la fiction de La Rochelle, rencontre avec l’équipe de « Mental », nouvelle série de la plateforme numérique de France Télévisions mise en ligne ce vendredi 25 octobre.
Disponible ce vendredi 25 octobre sur la plateforme France TV Slash, Mental est une libre adaptation d’un format finlandais, Sekasin (2016). Pour Augustin Bernard, producteur, « c’était une des conditions pour toute l’équipe d’avoir le maximum de libertés pour adapter ce format, qui était assez particulier à l’origine puisqu’il faisait 15 épisodes et avait un montage très spécial. Mais il y avait un concept intéressant qui nous a beaucoup plu : déstigmatiser le psychique chez les adolescents en prenant leur point de vue, et non celui du personnel soignant. Les producteurs finlandais nous ont fait confiance et donné une totale liberté pour adapter le projet.«
Pour Sened Dhab, directeur de la fiction numérique de France Télévisions, qui se distancie volontiers de la dénomination « websérie » pour leurs créations, le 26′ est un format TV, mais aussi le format de prédilection de la comédie dramatique. « Nous plébiscitons ce format car il y a quelque chose de très moderne dedans; ce sont des récits qui ne s’allongent pas articifiellement, et peuvent provoquer des ruptures très fortes entre le drame et la comédie. Nous sommes assez fiers du ton qui s’en dégage. »
Déstigmatiser les adolescents touchés par les troubles mentaux
Pour Victor Lockwood, l’auteur de Mental, « nous n’avons gardé de la série de départ que le cadre de l’institution psychiatrique et les quatres jeunes qui s’y rencontrent. » On y retrouve aussi une certaine tonalité par rapport au format d’origine, ajoute Marine Maugrain-Legagneur, sa co-autrice, « et une ambition de désangoisser les adolescents autour de la question des troubles mentaux.«
Dans leurs recherches documentaires au moment de l’élaboration de la série, une étude de l’OMS datant de 2017 les marque particulièrement : 50% des adolescents présenteraient des troubles et des souffrances psychiques et, sur ces 50%, la moitié n’en parle pas, par honte, et accède encore moins à un recours médical. « Il y a quand même un tiers d’une classe d’âge de la population qui traverse ces souffrances psychiques absolument seul. Nous avons voulu à travers cette série déstigmatiser, et dire qu’il n’y a pas de mal à aller mal, la première chose à faire étant de pouvoir en parler. C’est ce qui nous a servi de point de départ« , selon Victor Lockwood.Or plus tôt ces troubles sont adressés, plus les chances de dépasser ces problèmes et de les voir disparaître à l’âge adulte sont fortes : « dès le plus jeune âge, qui est justement celui des audiences qu’on touche chez France TV Slash. »
Dans Mental, chaque personnage suit le parcours du malade classique, passant d’abord par une phase de déni, puis de confrontation progressive à son mal-être, avant d’accepter enfin de se soigner. Pour se préparer à leurs rôles de patients, les comédiens ont été coachés par des pédopsychiatres qui leur ont donné des « grilles de lecture » des personnages aux comédiens, explique Louis Peres, qui interprète le rôle de Simon. « Nous ne voulions pas faire de contresens ou donner de fausses idées« , déclare Marine Maugrain-Legagneur. « Par contre, nous nous sommes autorisés quelques licences, de petits détails qui peuvent nous être reprochés par les soignants comme le fait par exemple qu’ils tutoient les patients dans la série. Ça nous paraissait plus naturel en terme de fiction, alors qu’en réalité les soignants vouvoient les jeunes patients.«
S’éloigner des stéréotypes de l’intenerment psychiatrique
« Deux membres de ma famille sont borderline« , explique Louis Peres. « Quand les pédopsychiatres m’ont expliqué ce qui pour elles caractérisait cette pathologie, j’avais vu autre chose pendant de nombreuses années ! On voit que d’une personne à l’autre, une pathologie est différente, et évidemment que tout le monde ne se reconnaîtra pas dans le personnage de Simon, mais j’ai essayé d’être le plus juste possible.«
« Ce que j’ai beaucoup travaillé pour le personnage d’Estelle, c’était de développer un côté enfantin, plus doux et plus calme, mais aussi changer le timbre de ma voix« , raconte Lauréna Thellier (révélée dans Ma Loute de Bruno Dumont et Fleuve Noir d’Eric Zonka.) « J’ai lu le livre « Demain j’étais folle » d’Arnhild Lauveng sur la schizophrénie, qui m’a beaucoup servi, mais le vrai point de départ a été la rencontre avec les pédopsys. » Alicia Hava (vue dans Plus Belle la vie) renchérit : « Je crois que le meilleur conseil qu’elles nous aient donné, c’était de rester le plus simple possible, et de ne pas caricaturer. Même le film Happiness Therapy de David O. Russell était trop cliché pour elles ! Les personnages de Mental restent des adolescents, avec des problématiques d’adolescents. J’ai pris le personnage de Mélodie comme une fille simple, avec des questionnements rattachés à son âge. »
Les auteurs ont également tenu à se distancier de l’imaginaire collectif habituellement rattaché à l’univers de l’hôpital psychiatrique : « Vol au-dessus d’un nid de coucous par exemple, dans ce que ça dit de la représentation de l’HP comme d’un lieu effrayant. On a voulu dire que l’aide existe quand on a mal, et qu’il est possible d’aller la chercher. On peut aller de l’avant dans ces centres-là », selon Victor Lockwood.
Mental s’efforce enfin de ne pas cloisonner les personnages : « dans la réalité, les pédopsychiatres ne posent pas de diagnostic sur les adolescents car les pathologies évoluent » explique le réalisateur Slimane-Baptiste Berhoun (Les Engagés). « C’était aussi un défi de ne pas mettre d’étiquette sur les choses, parce qu’en termes narratifs c’est plus facile, mais cela ne correspondait pas à la réalité« , souligne Victor Lockwood. Par ailleurs, on a plus tendance à parler de maladie mentale chez des adultes où les pathologies sont plus enracinées, tandis qu’elles sont encore muables chez de jeunes patients – d’où la volonté de ne pas les enfermer dans des cases aux yeux des spectateurs. « On a voulu éviter de mettre une distance entre les fous et les « normaux », il y a souvent une barrière très prononcée dans les films entre ces deux « types » de patients que nous avons tenté d’effacer » explique le producteur. « On a tout fait pour éviter le spectaculaire, aussi bien dans le texte que dans la réalisation, pour rester au plus près du quotidien de ces milieux-là. On ne voulait pas de gros cliffhangers qui tachent, faire du drame pour du drame… On a essayé d’être au plus près de l’humain« , conclut Victor Lockwood.
Mental est disponible en intégralité sur Francetvslash. Découvrez la bande-annonce :
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