Gustave Kervern se voit en parfait « pigeon sur Internet »

  • Dans « Effacer l’historique », Gustave Kerven et son complice Benoît Delépine s’en prennent aux dérives du numérique.
  • Blanche Gardin, Corinne Masiero et Denis Podalydès sont victimes d’Internet dans cette comédie grinçante récompensée à Berlin.
  • Gustave Kerven avoue être un « illettré du numérique » et c’est son expérience qui l’a inspiré pour créer les personnages du film.

Gustave Kervern et
Benoît Delépine s’en prennent au numérique dans Effacer l’historique, couronné par l’Ours d’argent à Berlin l’hiver dernier. Le duo s’est bien entouré. 
Blanche Gardin en victime d’un chantage à la sextape, 
Corinne Masiero en conductrice de VTC mal notée, et
Denis Podalydès en père dont la fille est harcelée, les aident à brocarder l’ère du tout numérique.

Leurs « fidèles » Vincent Lacoste,
Michel Houellebecq et
Bouli Lanners se sont joints au duo pour ce dixième film, toujours aussi drôle et encore plus abouti, sur des « Don Quichotte » en guerre contre le Capitalisme. Gustave Kervern s’est confié à 20 Minutes sur sa phobie du numérique qui a partiellement inspiré cette comédie irrésistible.

A titre personnel, qu’effaceriez-vous de votre propre historique ?

Rien ! Je suis payé depuis 25 ans pour écrire des bêtises à la télé pour Groland, j’ai un excellent ami avec qui faire des films et entraîner des stars dans nos délires, j’ai dirigé Gérard Depardieu, mes personnages ont séduit Catherine Deneuve et Vanessa Paradis. Dans la vraie vie, j’ai une femme merveilleuse, des enfants magnifiques. Je ne verrais pas quoi enlever. Je n’ai rien en commun avec les personnages d’Effacer l’historique si ce n’est que, comme eux, je suis perdu dans l’ère du numérique.

Vous n’avez pas quelques dossiers compromettants qui traînent ?

Même pas ! J’ai fait pas mal la fête mais je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit dont j’aurais honte. Désolé pour les paparazzis, mais il n’y aura pas de Kervern-gate ! Sauf si on me choppe en train d’essayer de changer mon forfait téléphonique car là je n’y comprends tellement rien que j’ai l’air d’un vrai crétin. Je suis frappé par ce qu’on appelle l’illectronisme, l’illettrisme numérique. Il n’existe pas pire pigeon que moi sur Internet. On peut m’arnaquer comme on veut.

Comment expliquez-vous cela ?

Je n’ai pas l’esprit cartésien et je me perds dès qu’on me parle technique. Mes enfants en profitent. Un jour où il était furieux contre moi, mon fils a bloqué mon téléphone et il a fallu que je le supplie pour qu’il me le remette en marche. J’ai aussi dû faire appel à ma fille pour répondre à un message sur Twitter. C’est le seul réseau social auquel je participe et uniquement quand j’ai un film à défendre. Je n’ai rien à dire le reste du temps, désolé.

Tout est-il bon à jeter dans Internet ?

Je reconnais que j’y puise des informations quand j’ai à écrire notamment mes sketches pour Groland. Dans ce domaine, je me sers d’Internet comme tout le monde. Le problème est souvent de faire le tri dans tout ce qu’on y apprend. On y lit tout et son contraire. C’est incroyablement anxiogène. Il est aussi dangereux d’être surinformé que de ne l’être pas assez. L’addiction à la Toile peut rendre dingue.

Alors pourquoi consacrer un film au numérique ?

Pour pouvoir montrer des gens qui sont encore plus largués que moi ! Nous sommes tous happés malgré nous par ce système auquel personne ne peut plus échapper. Aujourd’hui, on est contraint de s’y mettre dans toutes les circonstances de la vie. J’ai toujours l’impression que les autres se débrouillent mieux que moi, qu’ils ont de meilleures combines, de meilleurs forfaits. Quand j’ai essayé de faire baisser mes factures, j’ai frôlé le burn-out tellement j’étais paumé.

Le confinement ne vous a pas aidé à vous améliorer ?

Pas vraiment mais il a confirmé le pouvoir des Gafa, les géants du Web ! Tout le monde s’est retrouvé encore plus connecté entre les livraisons, les contacts virtuels et les plateformes qui proposent des programmes non-stop. Tout cela est terriblement chronophage. Les salles de cinéma sont en danger maintenant que les gens ont compris qu’ils pouvaient avoir des programmes à volonté pour une poignée d’euros.

Vous ne vous laisserez jamais séduire par les plateformes ?

En fait, peut-être bien que si car je ne suis pas à une contradiction près. Benoît Delépine et moi envisageons d’écrire une série. Il est plus que temps de nous renouveler après dix comédies sociales. Pour l’instant, le sujet est aussi flou dans nos têtes que la situation après la pandémie. Nous savons juste que nous ne voudrions n’y diriger que des Belges.

Vous restez donc optimiste pour l’avenir ?

Pour le mien, je suis serein. Je viens de jouer un rôle romantique dans Poissonsexe d’Olivier Badinet qui sort le 2 septembre ce qui tend à prouver que les meilleures choses peuvent arriver. Je suis plus inquiet pour le futur de la planète. Le réchauffement climatique me fait encore plus flipper que les dérives d’Internet.

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