#MeTooInceste : sur les réseaux sociaux, des milliers de victimes brisent le tabou
S’ils se comptaient par centaines ce week-end, ils sont désormais des milliers. Depuis le 16 janvier, le hashtag #MeTooInceste déferle sur les réseaux sociaux.
Dix jours après la publication de La familia grande (Seuil) de Camille Kouchner, où elle accuse son beau-père, l’universitaire et politologue Olivier Duhamel, d’inceste sur son frère jumeau alors qu’il n’avait que 14 ans, d’autres victimes prennent la parole à leur tour.
Lancé par #NousToutes
La vague de hashtags #MeTooInceste a émergé d’une campagne lancée par le collectif féministe #NousToutes, en réaction à l’affaire Duhamel, qui a provoqué le lancement d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris pour « viols et agressions sexuelle sur mineur de 15 ans, par personne ayant autorité ».
Caroline De Haas, militante au sein du collectif, explique au Monde que le hashtag #MeTooInceste devait être lancé simultanément par 180 personnes, samedi 16 janvier, dans le but de créer un élan, et donc, une libération de la parole.
Cette initiative fait suite au premier témoignage, apparu le 14 janvier : « J’avais 5 ans. En une soirée, ce frère de ma mère a bouleversé ma candeur et assombri le cours du reste de ma vie. En une seconde, j’avais 100 ans. #MetooInceste. »
L’élan pour aider à témoigner
En quelques minutes, puis quelques heures, les témoignages s’intensifient, #metooinceste fait son entrée dans les « Top tendances Twitter ». Brefs et percutants, ils racontent en quelques mots le calvaire subi par les victimes.
L’ampleur confirme le chiffre révélé par une enquête Ipsos sortie en novembre 2020 : un Français sur dix a déjà été victime d’inceste. La preuve également que « les personnes qui commettent le crime d’inceste viennent de tous les milieux », a estimé #NousToutes auprès de l’AFP.
Frère, père, cousin, grand-père… Les victimes pointent du doigt ceux qui les ont violées :
« J’avais 13 ans, lui 26. C’était mon oncle. Officier dans la Marine. La justice l’a condamné à 1an avec sursis. Il est maintenant coach agile (c’est de mauvais goût), père d’une petite fille de 13 ans et vit sa meilleure vie. #metooinceste », « J’avais 6 ans, puis 7, 8 et enfin 9 ans lorsque mon frère m’a violé. Tout ce que je fais aujourd’hui, c’est pour me réconcilier avec l’enfant que j’étais et que j’ai si souvent l’impression d’avoir abandonné… Regarde ce qui se passe aujourd’hui. C’est beau non ? #metooinceste » », « Mon père me disait que c’était normal de savoir comment le corps de sa fille évoluait #MeTooInceste », « J’avais 6 ans et tout s’est envolé dans un grenier. Feuille morte #metooInceste ».
Mon père me disait que c’était normal de savoir comment le corps de sa fille évoluait
Parmi ces témoignages, figurent aussi ceux de certaines personnalités publiques, comme Geneviève Garrigos, conseillère de Paris et ancienne présidente d’Amnesty International France : « J’avais 5 ans. 40 ans d’amnésie traumatique #MeTooInceste ».
Dans un long message publiée sur son compte Instagram, l’activiste Femen Sophia Antoine révèle avoir été violée par sa grande-tante, pendant plusieurs années, jusqu’à ses 14 ans. « Il a fallu longtemps pour que je puisse réaliser qu’être une femme traversée par des pulsions homosexuelles ne justifiait en rien des actes pédocriminels sadiques d’exhibition sexuelle, d’agression et de pénétration sur une petite fille. Je te trouvais des excuses. Des circonstances atténuantes. Il a fallu longtemps pour que j’accepte qu’être une femme n’excusait rien. »
https://www.instagram.com/p/CKBYDWagnzd/
Multiplications de soutiens
D’abord utilisé par les victimes, #MeTooInceste a très rapidement été repris par de nombreux internautes pour afficher leur soutien à ceux qui ont osé parler.
De nombreuses publiques ont salué leur courage, à l’image de l’actrice Alexandra Lamy : « #metooinceste pour les personnes qui ont le courage de parler, celles qui n’osent pas, qui ont peur, se sentent, seul(e), isolé(e). On vous écoute, on vous croit. »
Chaque témoignage #metooinceste abat le mur de silence.
Des personnalités politiques, issues de différents partis, aussi. « Chaque témoignage #metooinceste abat le mur de silence. En finir avec le tabou, c’est permettre aux victimes de sortir de la honte, la peur, l’impunité. De revivre et non seulement survivre », écrit Clémentine Autain, députée La France Insoumise.
« La vague #MeToo ne marquait pas l’entrée dans le puritanisme, mais l’émancipation par la parole de structures de domination insupportables. Elle atteint aujourd’hui la plus infernale de ces oppressions: l’inceste. Soutien à toutes celles, tous ceux qui s’expriment. #metooinceste », poursuit Raphaël Glucksmann, député européen.
Le gouvernement interpellé
Alors qu’aucune réaction gouvernementale n’a émergé ce dimanche 17 janvier, #NousToutes interpelle : « Leur silence en dit long. Leur mépris est sidérant. » « À quand la loi, Adrien Taquet ? », demande sur Twitter Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des familles.
« On peut s’exprimer sur des faits prescrits, cela aide d’autres personnes qui ont pu être victimes de prédateurs », a souligné sur LCI, dimanche 18 janvier Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté. Elle a affirmé son soutien à la future proposition de loi de la députée Alexandra Louis (LREM), souhaitant interdire tout acte sexuel sur un mineur de moins de 15 ans.
Adrien Taquet a finalement réagi sur Twitter : « Je salue les victimes pour leur courage. Cette libération de la parole est indispensable, et doit s’accompagner de mesures fortes pour mieux protéger les victimes, mieux les accompagner, mieux réprimer les agresseurs. »
Une commission sur l’inceste et les violences sexuelles subies pendant l’enfance, créée en décembre dernier, devra proposer ses premières solutions courant 2021, alors que sa présidente, Elisabeth Guigou, proche d’Olivier Duhamel, a démissionné la semaine dernière.
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