Le syndrome de Cushing, une maladie endocrinienne qui touche d’abord les femmes
- Qu’est-ce que le syndrome de Cushing ?
- Des symptômes insidieux, associés à d’autres pathologies
- Une maladie synonyme d’une longue errance médicale
- "J’étais heureuse d’entendre que je n’étais pas folle" : un diagnostic libérateur
- Des traitements plus ou moins efficaces
- La difficulté de composer avec des séquelles handicapantes à vie
Diagnostiqué souvent de manière tardive, le syndrome de Cushing laisse le plus souvent les patient.e.s dans une longue errance médicale. Cette maladie endocrinienne qui revêt différentes formes et touche généralement davantage de femmes que d’hommes, entraîne de lourdes séquelles difficiles à vivre.
Qu’est-ce que le syndrome de Cushing ?
On parle de syndrome de Cushing lorsqu’une personne présente un ensemble de manifestations cliniques qui apparaissent lorsque son organisme a été soumis à un excès durable à deux types d’hormones : le cortisol, une hormone naturelle sécrétée par nos deux surrénales ; les hormones synthétiques (corticoïdes de synthèse).
On distingue le syndrome de Cushing endogène (excès de cortisol), assez rare, du syndrome de Cushing iatrogène/exogène (excès decorticoïdes de synthèse).
Il existe trois causes à la survenue d’un syndrome de Cushing endogène. La première correspond à la formation d’un adénome corticotrope hypophysaire. On parle alors de maladie de Cushing, qui est une des formes du syndrome en question.
Les deux autres causes que sont la sécrétion ectopique d’ACTH (hormone fabriquée dans une petite glande située à la base du cerveau, l’hypophyse et dont le rôle est de stimuler les glandes situées sur chaque rein à sécréter du cortisol) et les tumeurs surrénaliennes (les surrénales sont les glandes situées au-dessus de chaque rein)n’ont en revanche pas de noms propres.
Des symptômes insidieux, associés à d’autres pathologies
L’augmentation du taux de cortisol provoque des effets symptômes parfois difficiles à identifier et qui peuvent être à tort associer à d’autres pathologies. Parmi eux :
- Une obésité facio-tronculaire
C’est ce qui a alerté Sophie, 39 ans, et l’a poussé à consulter. « Tout ça m’interrogeait beaucoup, car j’ai une sœur jumelle à qui je ne ressemblais presque plus ! », nous confie-t-elle.
- Une fragilité de la peau et des capillaires avec hématomes, rougeurs, ecchymoses, purpura, vergetures pourpres sur l’abdomen, les flancs et les seins, de l’acné
- Une ostéoporose avec des douleurs rachidiennes et des fractures faciles
- Une hypertension artérielle
- Un arrêt de croissance chez l’enfant
- Des troubles de l’humeur
Pour Thérèse, 40 ans, le symptôme le plus marquant a été le stress : « J’avais peur de tout, je ne pouvais pas sortir de chez moi ou rester seule. Le Cortisol est l’hormone qui gère le stress et le mien était multiplié par 12 à cause de la tumeur dans l’hypophyse ! Tout était compliqué, je n’étais pas autonome et je ne comprenais pas pourquoi. J’ai d’abord arrêté d’exercer mon métier, puis on a vendu la maison. Je me suis séparée de mon compagnon et coupée de tous mes amis. Mes parents m’ont prise en charge et se sont occupés de moi à temps complet pendant 4 ans. »
- Une mycose des ongles
- Une aménorrhée (absence totale de règles) chez la femme et une impuissance chez l’homme
- Des signes de virilisation chez les femmes : chute des cheveux, hypertrophie du clitoris, hirsutisme, modification de la voix… Cette virilisation fut particulièrement difficile à vivre pour Caroline, 43 ans : « Cette transformation, cette masculinisation m’a profondément affectée. »
La plupart des cas ne sont pas hérités. Cependant, ce syndrome peut survenir en raison d’une prédisposition génétique au développement de tumeurs dans les glandes endocrines, surrénales et hypophysaires.
Une maladie synonyme d’une longue errance médicale
Il est fréquent d’observer un retard de diagnostic à cause d’une installation progressive des signes cliniques non-spécifiques à la maladie de Cushing.
Thérèse a vécu un cauchemar : huit ans de souffrance durant lesquels les symptômes se multiplient, anxiété, dépression, surpoids, sans qu’aucun médecin n’identifie ce qu’elle avait. C’est pourquoi elle a eu l’idée d’écrire un livre : Poisson lune – témoignage sur une maladie rare, à destination des étudiants en médecine. « L’objectif était de proposer un ouvrage accessible et drôle sur mon parcours pour faire connaître la maladie et motiver les médecins à être à l’écoute des patients. »
« Avant le bon diagnostic, on m’a proposé un palmarès de traitements psychiatriques : antidépresseurs, antipsychotiques, anxiolytiques, Valium… J’ai tout pris pendant des années sans amélioration. Au moment du diagnostic, j’étais presque en train de mourir. La maladie avait atteint mon système immunitaire et mes poumons étaient très abimés », nous explique-t-elle.
Le Cushing, on n’y pense jamais tellement c’est rare.
Sophie, elle, a consulté de nombreux nutritionnistes et autres spécialistes. « Ils concluaient tous en disant que j’étais trop stressé, ce qui est normal puisque le cortisol est appelé l’hormone du stress. »
Si la maladie touche avant tout les femmes, elle n’épargne pas pour autant les hommes. Mais là encore, les médecins passent souvent à côté du bon diagnostic. Marc, alors âgé de 65 ans au moment de la découverte de la maladie, a ainsi multiplié les rendez-vous médicaux pour de multiples fractures vertébrales spontanées et une embolie pulmonaire, sans penser une seule seconde que la maladie de Cushing en était à l’origine.
« Comme me disait mon entourage médical, le Cushing, on n’y pense jamais tellement c’est rare », nous indique-t-il.
« J’étais heureuse d’entendre que je n’étais pas folle » : un diagnostic libérateur
Deux méthodes de diagnostic peuvent être utilisées voire combinées par les médecins afin de déceler un syndrome de Cushing :
- Un diagnostic étiologique : qui repose que la biologie et l’imagerie (prise de sang mesurant le taux de cortisol et IRM/scanner hypophysaire ou rénal)
- Un diagnostic différentiel : qui repose sur les signes cliniques non-spécifiques (obésité, dépression, troubles de l’humeur, insomnie, visage lunaire, présence de rougeurs sur la peau…)
« J’ai été diagnostiquée en 2017 par une endocrinologue que j’étais allée consultée pour perdre du poids, nous explique Sophie. Depuis plusieurs années, je grossissais et je pensais que cela était dû aux nombreux traitements hormonaux que je prenais pour tomber enceinte. Nous avions tourné la page d’un second enfant avec mon mari et je voulais un regard médical qui aurait pris en compte ces perturbations.
Après m’avoir auscultée, la spécialiste m’a dit que j’avais un physique ‘spécial’ et m’a prescrit des analyses médicales dont le dosage du taux de cortisol dans le sang. Mes résultats ont montré un taux très supérieur à la norme. J’ai alors recherché les causes en attendant mon second rendez-vous et suis tombée sur une image représentant une personne atteinte de la maladie de Cushing. J’avais toutes les caractéristiques physiques illustrées : visage bouffi, membres (jambes et bras) fins, tronc épais…J’avais également de nombreux symptômes décrits pour cette maladie : anxiété, dépression, insomnies, troubles de la fertilité, troubles digestifs, sensation de faim omniprésente, infections cutanées, essoufflement constant.
Tout s’est ensuite enchaîné assez vite : j’ai été hospitalisée dans le service d’endocrinologie du CHU de Caen pour réaliser des tests complémentaires et l’on m’a fait une IRM qui a révélé un adénome hypophysaire. Le diagnostic définitif a pu être posé. »
Et si l’annonce d’une maladie est généralement source d’angoisse, de peur et de colère, dans le cas du syndrome de Cushing, mettre un nom sur les maux des patients s’avère en général libérateur.
Pour Caroline, ce fut un véritable soulagement : « Je n’étais pas responsable de mon état, il y avait enfin une ‘raison’ à tout cela. » Malade sans le savoir, elle avait lutté pendant des années contre sa prise de poids jusqu’à s’en rendre malade, pensant que son alimentation et son hygiène de vie en étaient à l’origine.
« J’avais été internée à plusieurs reprises en psychiatrie et on m’avait dit que je serai handicapée à vie, raconte Thérèse. Donc, j’étais heureuse d’entendre de la bouche d’une médecin que je n’étais pas folle, et soulagée d’avoir enfin des perspectives de guérison. Aujourd’hui, j’ai une reconnaissance infinie pour cette médecin qui me suit toujours. »
Des traitements plus ou moins efficaces
Le but d’un traitement du syndrome de Cushing est de reprendre le contrôle sur la sécrétion excessive de cortisol.
Puisque la maladie est le résultat d’une tumeur, on a recours aux traitements par chirurgie (ablation de l’adénome dans l’hypophyse, surrénalectomie, etc.) radiothérapie et chimiothérapie. Lorsqu’il est impossible d’éradiquer totalement la tumeur causale, on peut avoir recours à des médicaments inhibiteurs de cortisol (anticortisoliques) ou inhibiteurs de l’hormone ACTH. Cependant, leurs effets secondaires peuvent être sévères, à commencer par le risque d’insuffisance surrénale.
Pour Marc, le premier traitement envisagé a été l’ablation de l’adénome de l’hypophyse après quelques mois de régularisation de l’excès de cortisol par des médicaments appropriés : « Dans mon cas, les images de l’adénome à l’IRM n’étant pas très évidentes, ce qui semble arriver dans un certain nombre de cas. Le chirurgien m’a clairement dit que l’opération avait 50-60% de chances de réussir. En connaissance de cause, j’ai donc subi cette intervention et, hélas, je suis tombé dans les 50% d’échecs ! Pour le moment, on se contente d’un traitement médicamenteux. Après plusieurs essais, avec plusieurs médicaments, on a enfin trouvé un équilibre et un bon contrôle de ma maladie. Néanmoins, cela reste suspendu au fait que le traitement marche au long cours. Si cela n’est pas le cas, la solution ultime sera la surrénalectomie bilatérale (enlever les deux glandes surrénales, ndlr) avec ensuite un traitement substitutif. Je dois dire que je temporise et crains un peu cette solution qui me mettrait en insuffisance surrénale à vie. »
L’adénome de Sophie étant quant à lui situé en partie dans la paroi des sinus caverneux, il a été difficile à extraire complètement. « J’ai subi deux opérations de l’hypophyse, en 2017 et 2018, avec une nette amélioration des symptômes à chaque fois. On m’a proposé de suivre un protocole de protonthérapie qui est une technique encore assez nouvelle pour traiter les tumeurs du cerveau et protéger le plus possible les tissus environnant l’adénome. Après 30 séances, les effets des rayons étant attendus en moyenne au bout de 2 ans, on m’a proposé un traitement médicamenteux pour réduire le taux de cortisol. »
Ce qui a eu un réel impact sur la maladie pour Caroline ? L’ablation de l’adénome. « Peu à peu, mon taux de cortisol a diminué et mon état s’est amélioré. Ce qui a été le plus marquant, c’est la fin de ma dépression. Depuis que j’en suis sortie, plus jamais je n’ai vécu à nouveau les mêmes difficultés psychiques. Pourtant, elle a été très profonde. Malheureusement, le neurochirurgien n’a pas réussi à retirer la totalité de l’adénome et lorsque je suis tombée enceinte en 2012, Cushing a refait des siennes. Ma fille est née par césarienne et j’ai eu beaucoup de difficulté à cicatriser, ce qui a entraîné une infection avec derrière la nécessité de ré-opérer. En trois mois, j’ai pris 15 kilos. Je suis retournée voir mon endocrinologue, car je savais qu’il y avait un problème médical et que je n’en étais pas responsable. Et j’ai eu raison, le diagnostic était là : récidive de la maladie. »
Il faut vivre avec cette maladie et ne pas vouloir absolument revenir à notre état antérieur.
Nous avons commencé par un essai d’un médicament spécifique : le Pasiréotide, par injection, deux fois par jour. Ce traitement n’a que 30% de réussite, car seuls certains adénomes y réagissent. De plus, c’est un traitement très difficile qui rend malade. Je n’ai pas répondu favorablement au traitement. Nous avons tenté une augmentation des doses injectées, mais c’était pire et mon taux d’ACTH restait élevé. Il était impossible de réopérer l’adénome résiduel, donc j’ai dû faire un choix.
On me proposait une radiothérapie (5 semaines de rayons, 5 fois par semaine) ou la surrénalectomie bilatérale (ablation des glandes surrénales). Ce choix était compliqué à faire, mais je voulais essayer d’avoir un deuxième enfant. La radiothérapie ne me le permettait pas, car ses résultats sont à long terme et que le traitement, touchant l’hypophyse, pouvait avoir une incidence sur la thyroïde et les hormones sexuelles en touchant des parties saines de la glande. Enlever les surrénales m’engageait dans une vie en insuffisance, mais le médecin était rassurant comme il existe des traitements à prendre pour vivre avec cette pathologie.
En juin 2014, on m’a donc retiré les surrénales. La radiothérapie a été repoussée à plus tard parce que, de toute façon, il fallait que je la fasse. J’ai donc pu avoir une deuxième fille, née en janvier 2016. En décembre 2017, après la naissance de mon troisième enfant, nous avons constaté que l’adénome avait à nouveau grossi, doublé même, lors d’une IRM. J’ai alors fait le choix de la radiothérapie. En septembre 2019, j’ai donc eu une séance de rayons. Depuis, on constate que l’adénome se réduit doucement. »
La difficulté de composer avec des séquelles handicapantes à vie
Comme l’explique Caroline, « la maladie de Cushing est une lutte de longue haleine. » Et de poursuivre : « J’ai une dépense énergétique de base diminuée à cause de la fonte musculaire. En même temps, j’ai énormément de difficulté à me re-muscler à cause de l’insuffisance surrénalienne qui entraîne une grande fatigue. Mon champ visuel est diminué, car l’adénome a appuyé sur les nerfs optiques. Dans mon quotidien, je dois toujours composer avec les risques et les difficultés de l’insuffisance surrénalienne. Je dois toujours être sous contrôle : avoir les médicaments constamment sur moi, l’injection d’urgence aussi. Si je fais une activité particulière, je dois l’anticiper pour réguler mon traitement. Depuis 2014, j’ai vécu beaucoup d’épisodes de décompensation. C’est difficile à gérer, mais j’ai appris beaucoup de choses et je progresse dans la gestion de ma maladie. J’essaie d’avoir une vie la plus stable, la plus ritualisée possible. C’est très difficile d’admettre combien une maladie peut influencer vos choix. J’organise ma vie autour d’elle. »
Je suis professeure des écoles. Pourtant, depuis janvier 2017, je n’ai pas pu retrouver de classe. La fatigue a été trop intense, j’ai dû être arrêtée. Depuis septembre 2019, j’ai repris un poste adapté. Et je vais pouvoir avoir la possibilité de tester, bientôt, dans des conditions adaptées et spécifiques, si je peux à nouveau envisager l’enseignement. Je suis en plein questionnement. Je me rends bien compte que je n’arriverai jamais à reprendre à temps plein en tant que professeure. Ma santé ne me le permettra pas. Alors, je me heurte à une réalité : je suis handicapée. »
Avec le syndrome de Cushing, une guérison totale n’est malheureusement pas envisageable. Comme nous l’explique Marc, « il faut vivre avec cette maladie et ne pas vouloir absolument revenir à notre état antérieur. Une telle maladie, chronique, invalidante parfois, remet les pendules à l’heure. Par contre, il faut vivre en bonne intelligence avec elle, ne pas y penser en permanence, adapter son rythme de vie et d’activités en conséquence, et profiter de l’instant présent. On finit toujours par trouver une solution et, sauf cas exceptionnel, ce n’est pas une maladie a priori mortelle comme le serait un cancer. »
Je me heurte à une réalité : je suis handicapée.
Même si la maladie laisse de nombreuses séquelles avec lesquelles il faut apprendre à composer, des « miracles » sont toutefois possibles. En mai 2020, Sophie a par exemple appris une très heureuse nouvelle : elle est tombée enceinte, alors même qu’elle suivait un traitement médicamenteux pour réduire son taux de cortisol.
« J’ai déjà un garçon de 9 ans que j’ai eu grâce à un traitement de stimulation ovarienne. Je ne suis donc jamais tombée enceinte naturellement et lorsque l’on m’a proposé de suivre un protocole de radiothérapie, on m’avait prévenu que si je voulais un autre enfant, un traitement serait nécessaire. En résumé pour moi ce n’était pas possible et plus dans nos projets. J’ai été très perturbée par l’annonce bien que cela signifie que mon corps allait mieux ! Ma grossesse est très suivie tant d’un point de vue physiologique que psychologique par une équipe médicale très complète (endocrinologue, gynécologue, psychologue et psychiatre). Mon taux de cortisol demeure un peu trop élevé mais n’augmente pas alors que je ne peux pas poursuivre mon traitement pour le contrôler. Je suis parfois épuisée et déprimée du fait de toutes ces perturbations hormonales mais quand je sens le bébé bouger, ça va mieux », nous confie-t-elle avec enthousiasme.
- Maladie de Crohn : « Il faut accepter d’être malade à vie »
- Le lipœdème, la maladie complexante des « jambes poteaux »
Source: Lire L’Article Complet