Le bonheur au temps du Covid, c’est possible ?
Depuis un an, la succession de restrictions imposées aux Français pour lutter contre le Covid a bouleversé notre quotidien, altéré nos projets et limité nos libertés. Comment être heureux dans un tel contexte ? Certains y parviennent, et, à l’occasion de la journée mondiale du bonheur, le 20 mars, ils nous dévoilent leurs secrets.
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En 1991, William Sheller voulait « être un homme heureux ». Aurait-il chanté le même refrain en 2021 ? Depuis plus d’un an, le monde entier vit au rythme des restrictions liées à la pandémie du Covid-19. Pour limiter les contaminations et le nombre de décès, les Français se plient aux mesures radicales prises par le gouvernement. La fermeture des lieux culturels, des bars, des restaurants, des boîtes de nuit, mais aussi l’annulation des concerts et des rassemblements, le manque de relation sociale et l’exposition à un avenir incertain, sont autant de facteurs qui rendent encore plus difficile l’accession au bonheur.
Selon Nathalie Rapoport-Hubschman, médecin psychothérapeute, le bonheur repose sur un équilibre entre nos plaisirs et ce qui donne du sens à notre vie en accord avec nos valeurs. Au sens strict, il se traduit par la présence d’émotions positives et agréables. Jonathan Lehmann, créateur des « Antisèches du bonheur », déclare que le bonheur est tout simplement une absence de souffrance. S’il n’existe pas de clés à proprement parler ouvrant la porte vers le bonheur, il se travaille et se pratique. « C’est important de ne pas attendre qu’il arrive de l’extérieur. Quand on prend conscience qu’on le cultive soi-même, c’est un premier pas important », explique Nathalie Rapoport-Hubschman.
« Faire en sorte que chaque jour soit un renouveau »
Cultiver le bonheur, c’est ce à quoi s’attèle Gabrielle*, infirmière de 50 ans. Pour elle, « être heureux, c’est trouver de la satisfaction et du bonheur dans ce qu’on réalise, ce que l’on vit et ce que l’on partage. » Depuis le début du couvre-feu, elle s’aère un maximum avant la fin de la journée et prend le temps de lire, de faire de la peinture, du jardinage et de tester de nouvelles recettes de cuisine. Elle arrive à apprécier davantage les moments de détente. Selon elle, malgré le contexte actuel, il est important de « vivre intensément en conscience chaque jour » mais également de « faire en sorte que chaque jour soit un renouveau et donc lâcher au maximum la routine ».
Mais cultiver le bonheur n’est pas chose aisée pour tout le monde car il faut s’efforcer à voir le positif, parfois même dans des choses minimes et futiles. « Le cerveau humain dispose d’un biais de négativité, il a tendance à se concentrer sur ce qui ne va pas. Mais, pour être heureux, il faut davantage essayer de porter son attention sur ce qui va bien », explique Nathalie Rapoport-Hubschman. Au vu de la situation actuelle, il est particulièrement important de porter le projecteur sur tout ce qui est positif et « de cultiver les liens que l’on a avec les autres, de les entretenir même à distance », continue-t-elle. La Covid-19, qui crée un climat de peur, nous prive de nombreux plaisirs et de relations sociales, met à mal notre bonheur. « Le virus nous pousse à une réadaptation », affirme Jonathan Lehmann. Mourad, chercheur, 26 ans, refuse de laisser les restrictions « saboter [sa] quête du bonheur ». Parmi les plaisirs qui viennent illuminer son quotidien : prendre des nouvelles de ses parents au Maroc. Gabrielle, elle, s’assure de rester régulièrement en contact avec les amies auxquelles elle ne peut pas rendre visite.
« Ne pas se laisser avoir par le biais de négativité »
Selon Nathalie Rapoport-Hubschman, pour limiter l’impact de la pandémie sur notre quotidien et notre état d’esprit, il faut essayer de « renforcer son optimisme, ne pas se laisser avoir par ce biais de négativité et limiter son écoute des informations qui peuvent être toxiques ». Floriane, manager commerciale de 26 ans, ne regarde plus les informations et se réfugie dans sa passion pour l’équitation. « Mes chevaux me permettent de lâcher prise après le travail et de me vider la tête. Dans l’écurie, il n’est jamais question de Covid ou de politique, ça fait du bien ! », s’enthousiasme-t-elle. « Chaque jour, il faut se programmer des choses qui nous feront du bien comme le sport, écouter de la musique ou discuter avec des amis », conseille Nathalie Rapoport-Hubschman. Jonathan Lehmann assure que le déterminant numéro un pour accéder au bonheur, c’est le sommeil. Selon lui, prendre soin de son corps, bien s’alimenter, faire de l’exercice, connecter son corps et ses émotions participent également au sentiment de bien-être et de sérénité.
Pour mieux gérer ses pensées négatives et cultiver l’optimisme, la méditation, la pleine conscience et la gratitude peuvent être des outils précieux. « Ça peut permettre un meilleur rapport avec les dizaines de milliers de pensées qui nous passent par la tête chaque jour », indique le créateur des « Antisèches du bonheur ». Gabrielle a plus de temps pour l’introspection, pour se recentrer et réfléchir à ses vrais besoins. Elle se « réinvente un mode de vie plus serein ». Et, lorsque le blues s’installe, elle évite de le laisser s’installer trop longtemps en tentant de trouver une alternative, sinon elle pratique la méditation qui lui permet de lâcher le mental. Ces pratiques n’éliminent, toutefois, pas la douleur de nos vies puisqu’elle fait partie de l’expérience humaine, mais il est possible d’éliminer la souffrance, à savoir « la couche mentale supérieure qu’on ajoute à notre douleur », détaille Jonathan Lehmann. « L’accès au bonheur, c’est de comprendre que la douleur fait partie de l’expérience humaine et qu’on a ce pouvoir de ne pas rajouter de la souffrance à la douleur », ajoute-t-il.
« Une source de réveil et de changement d’approches au monde »
Loin d’avoir mis en berne le moral de tous les Français, « pour beaucoup, la Covid est aussi une source de réveil et de changement d’approches au monde. Certains ont découvert une connexion à la nature, une nouvelle intériorité, de nouvelles passions », déclare Jonathan Lehmann. Pour Nicolas, surveillant scolaire de 29 ans, le contexte actuel lui permet de se consacrer à des activités comme la lecture et les jeux vidéo, pour lesquelles il n’avait pas toujours le temps avant. Loin de se laisser abattre par l’impossibilité d’aller au cinéma, au bar, ou de rester chez des amis, il préfère se projeter et établir « une liste mentale de choses à faire quand tout ira mieux ». Mourad, lui, se contente des petits plaisirs encore possibles comme les balades au bord de la Seine, les soirées « Netflix and chill », aider son entourage ou encore faire une bonne séance de jogging.
Si l’accession au bonheur est un objectif légitime pour tous, Nathalie Rapoport-Hubschman et Jonathan Lehmann s’accordent tous deux pour dire qu’il n’est en aucun cas obligatoire d’être heureux. C’est une question de choix individuels. Cependant, « il est primordial de savoir que l’on peut tous être heureux si on le souhaite », affirme la psychothérapeute. « Si on pense qu’on ne peut pas être plus heureux, on ne sera pas plus heureux. »
*le prénom a été changé dans un souci de confusion avec Nathalie Rapoport-Hubschman
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