« Billions », « Industry »…Les séries sur la finance, vues par un ex-trader
- Industry, diffusée ce lundi aux Etats-Unis sur HBO et ce mardi en France sur OCS City en US + 24, suit un groupe de jeunes loups de la finance à Londres.
- Après Billions et Devils, cette série montre l’intérêt grandissant des scénaristes pour le monde de la finance.
- Séries réalistes ou cliché ? Alfonso Lopez de Castro, ex-trader et président de Financia Business School répond à 20 Minutes.
Une plongée dans le monde des jeunes loups de la finance. Industry, diffusée ce lundi aux Etats-Unis sur
HBO et ce mardi en France sur
OCS City en US + 24, suit un groupe de jeunes diplômés, en compétition pour un nombre limité de postes permanents dans une grande banque d’investissement internationale de la City londonienne. Après Billions et Devils, cette série en huit épisodes, créée par les nouveaux venus Mickey Down et Konrad Kay avec aux manettes du pilote et à la production exécutive,
Lena Dunham (Girls), montre l’intérêt grandissant des scénaristes de fictions télé, depuis la crise des subprimes en 2008, pour cette arène assez opaque et peu télégénique. Le monde des traders est-il vraiment sans foi, ni loi comme dans ces séries ? « Il y a beaucoup de fantasmes concernant la finance », lance Alfonso Lopez de Castro, ex-trader et président de
Financia Business School. Représentation réaliste ou cliché ? Fact-check avec l’expert.
« Industry » ou « les process de recrutement anglo-saxons »
Le point de départ de Industry est réaliste : « La série reprend les process de recrutement anglo-saxons. Les stages ou “summer camp” à la fin des études, servent de période d’essai pour l’embauche, cela crée une pression terrible », explique Alfonso Lopez de Castro. « Ces jeunes sont prêts à tout donner », confirme-t-il encore.
Hari, un des postulants d’Industry, s’épuise au travail de jour comme de nuit. « La mise en danger de la santé existe », alerte l’expert, rappelant le décès de
Moritz Erhardt, en stage dans une banque londonienne, après avoir travaillé 72 heures d’affilée. C’est pourquoi, « dans beaucoup d’entreprises anglo saxonnes, l’ordinateur se coupe le soir ou les week-ends pour éviter que ces jeunes-là ne travaillent sept jours sur sept », ajoute-t-il.
Un autre, Robert, tente de concilier vie professionnelle et privée à coups de cocaïne. « Il n’y en a pas plus que dans d’autres métiers », estime Alfonso Lopez de Castro, qui concède au cliché tenace sur la finance : « Il y a eu une époque où il y a eu plus de drogue, parce qu’il y avait beaucoup d’argent et cela a conduit à des dérives ».
Yasmin, quant à elle, tente de se rendre indispensable en apportant cafés et autres déjeuners à ses supérieurs. « J’ai une anecdote à ce sujet : j’ai vu dans des services certains patrons faire “la course au café”, c’est-à-dire que le premier stagiaire qui lui amenait le café avait un bon point et ils leur disaient : “Celui qui a le plus de bons points, je l’embauche” ».
« Devils » ou les « guerres internes pour prendre le pouvoir »
Peut-on faire gagner plusieurs centaines de millions à sa banque d’investissement en une seule journée comme Massimo, le brillant trader de Devils ? « La réponse est oui », répond Alfonso Lopez de Castro. L’exploit de Massimo ? Il a parié à la baisse, c’est-à-dire « shorter » sur les emprunts de l’Etat grec.
« Il y a « long », c’est quand vous achetez et espérez que cela monte, et « short », quand vous pariez sur une baisse », commente l’expert, qui rappelle que le trader George Soros a contraint la banque d’Angleterre à sortir sa devise du système monétaire européen avec une position short de 10 milliards de livres sterling.
En lice pour devenir vice-président, Massimo voit le poste qu’il convoite lui échapper et se livre à une guerre financière contre son mentor, Dominic Morgan. « Il y a constamment des guerres internes pour prendre le pouvoir », constate le spécialiste. Les banques recrutent des gens « qui ont la gagne », ils sont mis « en concurrence, sous pression avec des objectifs à atteindre » et donc « ce sont des gens qui n’aiment pas perdre. Il n’y a pas souvent de solidarité entre les équipes dans les banques, bien au contraire. »
Pas question cependant de rouler en Ferrari ou d’afficher des signes de richesses aussi ostentatoires que dans Devils. « Des déontologues dans les banques interdisent de venir travailler en Ferrari. En termes d’images, c’est négatif. Certains grands établissements financiers ont mis en place des voitures électriques. Si vous venez au bureau en Ferrari, vous partirez en rendez-vous extérieur avec une Zoé et donnerez une image propre et écologique », raconte l’expert.
« Billions » ou « le passage de l’ancien monde au nouveau »
C’est la série Billions, lancée en 2016 et disponible sur MyCanal, qui obtient les faveurs de l’ex-trader. « Billions est une vraie série sur les métiers de la finance. Cette série montre le passage de l’ancien monde au nouveau », souligne-t-il. Le personnage de Taylor Mason et son équipe d’informaticiens s’opposent à la finance à l’ancienne où l’on investissait au « feeling », en essayant « d’obtenir des informations ». « Plus de la moitié des ordres qui sont passés en bourse aujourd’hui le sont par un ordinateur », rappelle l’expert.
« Dans les salles de marchés, on a des analystes et des économistes qui donnent des tendances mais aussi toute une ribambelle d’informaticiens pointus qui vont mettre en place des logiciels qui vont traduire en réalité ces tendances », explique-t-il.
Billions montre le « basculement » de la finance. « Avant, on avait des traders stars, des petits génies qui prenaient des positions très risquées à partir d’informations qu’ils essayaient de corroborer, tout cela n’existe plus. » Et de rappeler que désormais ce ne sont plus les traders mais les analystes risques qui ont la cote. « Avec les scandales, toutes les banques cherchent des techniciens capables de calculer les risques que prend la banque en temps réel sur chaque position », insiste le président de Financia Business School, citant les affaires
Jérôme Kerviel et Nick Leeson.
La crise des subprimes a changé la donne et le « compliance officer », celui qui veille à la conformité légale des mouvements, de Billions a aussi un bel avenir devant lui. « L’information doit être la même pour tous. Les vieilles méthodes d’essayer d’appeler un directeur financier, de copiner… Tout cela est devenu illégal », rappelle l’expert. Le trader star des années 1980 façon
Le Loup de Wall Street, si cliché, n’existera bientôt plus que dans la fiction.
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