Pourquoi Hugo Clément a été arrêté par la police en Australie

  • Le numéro de « Sur le front » consacré aux océans est diffusé ce mardi sur France 2 dès 21h05.
  • Lors du tournage d’un reportage en Australie, Hugo Clément et trois membres de l’équipe de l’émission ont été arrêtés par la police. Ils filmaient une action d’activistes écologistes protestant contre la construction d’une mine de charbon à proximité de la Grande barrière de corail.
  • « Notre cas a été débattu au Sénat australien, informe le journaliste. Cela a fait beaucoup de polémiques », a déclaré Hugo Clément lors de la conférence de présentation de l’émission, le 31 octobre.

Dans Sur le front, sa nouvelle émission diffusée ce mardi sur
France 2 dès 21h05, Hugo Clément parcourt le globe à la la rencontre de militants écologistes mobilisés pour la préservation des océans. Sa halte dans l’état du Queensland, en
Australie, aura été particulièrement agitée puisque, comme le montre le reportage, le journaliste, les deux cadreurs et le réalisateur du reportage ont été arrêtés par la police locale. Leur tort : s’être intéressés de trop près au projet Charmichael. Explications.

Qu’est-ce que le projet Charmichael ?

Le projet Carmichael, porté par le groupe indien Adani, pèse plus de 20 milliards de dollars australiens (12 milliards d’euros). Il consiste en la construction d’une grande mine de charbon près de la Grande barrière de corail et devrait permettre la production de 27 millions de tonnes de charbon par an. Les militants écologistes alertent sur le fait que le charbon produit contribuera au réchauffement climatique qui dégrade la Grande barrière. Cette dernière, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, est déjà menacée par les ruissellements agricoles, ainsi que par le développement et la prolifération des acanthasters, des étoiles de mer dévoreuses de coraux. Les défenseurs du projet font savoir que la construction de la mine implique la création de centaines d’emplois. « Adani promet de créer 1.500 emplois, ce n’est pas énorme, mais c’est une région où il y a un très fort taux de chômage, souligne Hugo Clément, lors de la conférence de présentation de Sur le front. En revanche, plus de 100.000 emplois dépendent de la Grande barrière de corail avec le tourisme. »

Dans quel contexte a eu lieu l’arrestation ?

22 juillet 2019. L’équipe de Sur le front est dans l’état du Queensland (Australie) pour suivre un groupe de militants s’opposant au projet Charmichael. Les activistes se sont enchaînés aux rails de chemins de fer pour perturber le transport de charbon. C’est à ce moment que
la police est intervenue et a interpellé Hugo Clément, ainsi que le réalisateur Guillaume Dumant et les cadreurs Victor Peressetchensky et Clément Brelet. Tous les quatre ont été inculpés pour intrusion sur la voie ferrée.

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Ce matin, @clement_brelet, Victor, Guillaume et moi-même avons été arrêtés et placés en détention pendant 7 heures par la police australienne. Nous filmions pour @francetelevisions une action de blocage d’un port de charbon par un groupe de militants écologistes. Ces activistes s’opposent à la construction de l’une des plus grandes mines de charbon de l’histoire dans l’état du Queensland. Selon eux et de nombreux scientifiques, cette mine est une menace supplémentaire pour la grande barrière de corail, déjà fragilisée par le changement climatique. 50% des coraux de ce site exceptionnel sont morts ces 30 dernières années et ils pourraient avoir totalement disparu d’ici 2050. Ce matin, des militantes se sont donc enchaînées près des rails pour bloquer l’exportation du charbon durant quelques heures. Nous les filmions lorsque les policiers sont venus nous arrêter, sans motif. Clément a même été menotté. Nous avons été remis en liberté à condition de ne plus nous approcher des sites appartenant à l’industrie du charbon. Cette intimidation ne nous empêchera pas de continuer à enquêter sur les dangers qui menacent la grande barrière de corail et les océans. Rendez-vous à la rentrée pour notre émission « Sur le front », diffusée en prime time sur France 2 et sur les réseaux sociaux de @francetelevisions.

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Ils ont passé 7 heures en détention. « On nous a remis en liberté à condition de ne plus approcher les sites miniers à moins de 100 mètres et le projet de la future méga-mine de charbon à moins de 20km, déclare Hugo Clément. L’objectif évident était de nous empêcher de réaliser le reportage. »

Comment le tournage s’est-il poursuivi ?

L’équipe de Sur le front a dû surmonter plusieurs obstacles pour mener à bien son reportage. « Nous n’avons pas reçu de menaces physiques, mais quand on a voulu louer un bateau la police a appelé le gérant en lui disant de ne rien nous louer. On a essayé ailleurs, mais la police a alors mis en place une zone d’exclusion militaire autour du port, juste pendant la période prévue pour notre séjour en Australie. Elle se terminait au moment où on a repris l’avion », raconte Hugo Clément. Autre caillou dans la chaussure : la perspective d’un passage devant un tribunal australien début septembre. Cependant le jeudi 25 juillet, l’ambassade de France
a annoncé aux reporters de France 2 que la police avait décidé de lever ses poursuites.

Quel écho a eu cette arrestation ?

Entre-temps, l’affaire a fait grand bruit et pas seulement en France. « Notre cas a été débattu au Sénat australien, informe le journaliste. Cela a fait beaucoup de polémiques. » Au-delà du projet minier, c’est le fait que des journalistes ont été entravés dans l’exercice de leur profession qui a été dénoncé par plusieurs personnalités politiques. « Le sujet de la liberté de la presse est très fort en Australie car de nouvelles lois fédérales permettent de perquisitionner les médias », note Hugo Clément.

Le 21 octobre, plusieurs quotidiens australiens ont ainsi caviardé leurs Unes respectives en guise de protestation. Une campagne pour le droit à l’information qui a été provoquée par des descentes de la police fédérale au sein de la chaîne nationale ABC et au domicile d’une journaliste de News Corp, Annika Smethurst. Celle-ci avait publié deux informations embarrassantes pour le gouvernement. Hugo Clément explique que des journalistes d’ABC devaient témoigner dans son reportage mais qu’au dernier moment « leur direction leur a dit non ». La chaîne ABC, à l’instar des autres médias australiens, n’a cependant pas manqué d’interviewer le Français sur sa mésaventure. Une manière d’évoquer, plus ou moins directement à l’antenne, le projet de mine si controversé.

Verbatims

Tous les propos d’Hugo Clément cités dans cet article sont extraits de la conférence de présentation de Sur le front, à laquelle a assisté 20 Minutes. Celle-ci s’est déroulée le 31 octobre, à la Fondation Goodplanet située au cœur du bois de Boulogne.

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