Detroit (Arte) Un tournage éprouvant pour John Boyega
La réalisatrice de Démineurs reconstitue les émeutes raciales de Détroit, en 1967. Et signe un film choc, qui entre en résonance avec l’actualité et le mouvement Black Lives Matter.
Seule réalisatrice à avoir reçu un Oscar (pour Démineurs, en 2010, sur la présence américaine en Irak), Kathryn Bigelow s’intéresse, avec Detroit, à une autre page sombre de l’histoire américaine : l’assassinat de trois jeunes Noirs, à l’été 1967, pendant les émeutes raciales qui ont embrasé la capitale de l’industrie automobile. La ville, en proie au chômage, est au bord de l’explosion. Une descente de police brutale dans une fête organisée par des Afro-Américains met le feu aux poudres… Bigelow nous plonge au cœur des manifestations, reconstitue, caméra à l’épaule, la guerre urbaine, inclut des images d’archives, multiplie les points de vue, avant de zoomer sur un drame qui se joue à l’écart du chaos : Larry Reed, chanteur du groupe The Dramatics (Detroit est aussi le berceau des studios Motown), et son ami Fred Temple se réfugient à l’Algiers Motel. Avec d’autres jeunes, ils espèrent échapper aux violences de la rue. Leur refuge se transforme en piège mortel lorsque des policiers, à la recherche d’un supposé sniper, investissent les lieux, séquestrent les clients de l’hôtel. Commence alors un terrifiant huis clos.
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Voyage au bout de l’enfer
Detroit ne ménage aucune zone de confort. Kathryn Bigelow radiographie la violence psychologique, verbale et physique exercée par les policiers, montrant la haine et la bêtise. Ce voyage au bout de l’enfer, minutieusement documenté, n’est pas pour autant un film dossier. La cinéaste en donne elle-même la définition : « Comment décrire, par exemple, un drame comme L’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville, sur la Résistance française ? C’est un de mes films préférés : une histoire vraie, avec des caractères sociologiques et historiques, tout en étant viscéralement immersif. J’ai conçu Detroit de la même manière » Bigelow s’est appuyée aussi sur l’enquête de Mark Boal, son scénariste attitré, et le travail du journaliste d’investigation David Zeman, lauréat du prix Pulitzer : ils ont épluché les dossiers judiciaires, rencontré des témoins du drame, dont le chanteur Larry Reed, ainsi que l’avocat des policiers incriminés.
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Un tournage éprouvant
Le film est porté par une troupe de comédiens habités et poussés au bout de leurs limites. Pour dénicher ses interprètes, la cinéaste a mis en place un jeu de rôle et d’improvisation. » C’était très libérateur pour eux, comme au théâtre. Mais le tournage de la séquence de l’Algiers a été très dur. » Certains ont craqué. Will Poulter (Le Labyrinthe) est sidérant dans le rôle du flic raciste et sadique : « J’étais incapable de m’identifier à lui », se souvient-il. Entre les policiers et les victimes s’interpose Melvin Dismukes, un vigile qui tente de limiter les dégâts. Il est incarné par John Boyega. L’interprète de Finn, héros de la nouvelle trilogie Star Wars, se rappelle, lui aussi, d’un tournage éprouvant et de scènes rejouées jusqu’à l’épuisement : « Il fallait qu’on oublie les caméras… » À l’écran, nul besoin de discours sur la ségrégation raciale et le poison de la haine, les images suffisent.
Detroit est diffusé dimanche 27 septembre à 20.55 sur Arte.
Isabelle Magnier
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