Dans "Jurassic World 3" des dinosaures arborent enfin des plumes, mais sont-ils réalistes ?

Ving-neuf ans après le premier Jurassic Park de Steven Spielberg, qui révolutionna le regard du grand public sur les reptiles géants, l’épisode final de la saga Jurassic World : le monde d’après propose une révolution. Pas dans son scénario, qui a déçu les critiques, mais dans sa représentation de certains dinosaures qui y apparaissent pour la première fois ornés de vraies plumes (dans Jurassik Park 3, les velociraptors avaient été affublés de maigres plumes sur le crâne). Si les nouvelles découvertes scientifiques faites ces dernières années accréditent l’idée qu’un grand nombre de reptiles géants étaient couverts d’un plumage, Hollywood n’avait pas encore sauté le pas dans sa représentation des sauriens. C’est désormais chose faite et on a demandé plus globalement à Florent Goussard, paléontologue au Muséum d’histoire naturelle, si les nouveaux dinosaures à plumes sont crédibles dans le dernier opus de la série. 

De nouvelles preuves que les dinosaures portaient des plumes

Dans le troisième et dernier Jurassic World, réalisé par Colin Trevorrow, plusieurs dinosaures apparaissent avec des plumages assez exubérants, tel le féroce pyroraptor aux plumes rouges hérissées sur le crâne et le corps. « Depuis la sortie du premier Jurassic Park, on a beaucoup de preuves que les dinosaures portaient des plumes. On a d’abord pensé que cela ne concernait que les carnivores théropodes, mais aujourd’hui on élargit. On pense qu’en réalité beaucoup de dinosaures portaient des plumes« , dit Florent Goussard. 

Dans Le monde d’après, le pyroraptor qui tente de dévorer Chris Pratt et DeWanda Wise sur la banquise est représenté de manière assez fidèle aux reconstitutions faites par les scientifiques à partir des fossiles mis à jour, même s’il n’existe pas de preuve formelle qu’il possédait un plumage. 

Avant l’épisode 3, les seuls spécimens qui portaient des plumes dans la saga étaient les velociraptors dans Jurassic Park 3. « C’était un peu en avance sur son temps sachant qu’à l’époque il n’y avait aucune raison de penser que velociraptor en possédait, juge Florent Goussard. Entretemps, les idées ont évolué et à la sortie de Jurassic World, le choix a été fait de revenir à l’esthétique des deux premiers films avec des velociraptors dépourvus de ces ‘plumes’. Du coup, le film a même été critiqué par certains pour ce ‘retour en arrière’, alors même qu’il n’y avait toujours pas de preuves flagrantes de l’existence de ce type d’ornementation chez velociraptor mais on connaissait alors de plus en plus de dinosaures à plumes. »

Le cas du velociraptor a beaucoup agité les fans. Les paléontologues n’ont, à ce jour, pas retrouvé d’empreintes de plumes à côté de fossiles de velociraptors. « Les seules preuves de l’existence de plumes chez des dinosaures de la famille des raptors correspondent à de petites marques sur un os du bras, le radius, similaires à celles observées chez les oiseaux actuels et qui correspondent à des traces d’insertion de plumes », explique Florent Goussard. 

« Jurassic World 3 » transforme des herbivores à plumes en carnivores

Le therizinosaurus, un dinosaure bipède représenté dans le film avec d’immenses griffes et un long cou, est vu comme un prédateur, alors qu’il était plutôt un paisible végétarien. « On voit le therizinosaurus tuer une biche dans la forêt, mais l’instant d’après se pencher plutôt vers des feuilles pour s’en saisir avec son ‘bec’. D’un côté on comprend donc que l’animal serait plutôt végétarien, mais de l’autre il est vrai qu’on se demande alors pourquoi il s’en prend à cette biche, puis à l’héroïne (Claire, jouée par l’actrice Bryce Dallas Howard) qui s’enfuit en se cachant sous l’eau. Pour autant l’ambiguïté de ce comportement reste tout de même intéressante en cela qu’elle soulève la question du régime alimentaire exact de ce dinosaure, effectivement débattu dans la communauté scientifique », réfléchit Florent Goussard.

Certaines reconstitutions scientifiques représentent le therizinosaurus avec des plumes sur les avant-bras. Dans le film, il arbore plutôt ce qui ressemble à un pelage. 

Les plumes des dinosaures ne ressemblaient pas forcément à celles des oiseaux 

Sur le grand écran, Hollywood veut des dinosaures spectaculaires. Même lorsqu’ils sont ornés de plumes, les reptiles géants restent terrifiants avec par exemple des membres postérieurs mi-pattes mi-ailes chez le pyroraptor. Pourtant, les plumes des dinosaures ne ressemblaient pas exactement aux plumes des oiseaux qui peuplent la Terre aujourd’hui. 

« Les plumes sont apparues chez les dinosaures, mais pas sous la forme qu’on connaît chez les oiseaux aujourd’hui. Elles ne leur servaient pas à voler, mais à réguler leur température. Chez les dinosaures, il y a d’abord eu des protoplumes qui ressemblaient davantage à un duvet ou à des filaments », analyse le paléontologue Florent Goussard. Le célèbre tyrannosaure portait ainsi peut-être une sorte de duvet. Mais dans Jurassic World 3, comme dans les précédents opus, le T-rex a la peau couverte uniquement d’écailles. 

Le plumage aux teintes écarlates de pyroraptor tel qu’il est montré dans le nouveau Jurassic World représenterait lui le stade ultime des plumes chez les dinosaures.

La filiation entre les dinosaures et les oiseaux n’est pas exagérée. Les merles ou les pies qui piètent dans nos jardins descendent directement des terribles théropodes. Les oiseaux, aussi appelés « dinosaures aviens », dérivent directement de ces dinosaures et plus précisément des… raptors. Archéoptéryx, vieux de 150 millions d’années et considéré comme le plus vieil oiseau connu, réunit ainsi des caractères autant de dinosaures (une mâchoire munie de dents, des doigts griffus aux mains) que d’oiseaux actuels avec de grandes ailes munies de plumes aptes au vol.

Des fossiles d’archéoptéryx vieux de 150 millions d’années ont été découverts. Ces animaux tropicaux sont considérés comme les oiseaux les plus anciens connus. « Les découvertes d’archéoptéryx ont largement contribué à l’assise de la théorie la plus courante de l’histoire évolutive des oiseaux à savoir que les oiseaux descendent des dinosaures de l’ordre des théropodes », peut-on lire dans l’Encyclopædia universalis.

Les dinosaures à plumes pouvaient-ils vivre dans un climat polaire ? 

Dans Jurassic World 3, plusieurs séquences se déroulent dans un environnement enneigé. Le réalisateur Colin Trevorrow met en scène des dinosaures qui vivent dans les hautes latitudes de notre planète, loin du climat tropical habituel de Jurassic Park, dont la faune iconique est en fait issue de la période du crétacé (et non du jurassique), une ère géologique qui se termine avec la disparition des dinosaures. 

Est-ce que les dinosaures et plus particulièrement ceux à plumes pouvaient supporter de telles conditions ? « Il y a 70 millions d’années au crétacé supérieur le climat était globalement plus chaud aux hautes latitudes. Mais au crétacé inférieur il y a 120 millions d’années, il a pu y avoir des climats tempérés plus froids, caractérisés par des hivers rigoureux tels qu’on en connait aujourd’hui et donc avec de possibles chutes de neige. Donc certains dinosaures ont en effet pu évoluer sous des climats plus froids que d’autres, et notamment en Chine où l’on connait justement le plus de dinosaures à plumes », juge Florent Goussard. 

« Jurassic World : le monde d’après » est actuellement à l’affiche au cinéma. Il s’agit du sixième opus de la saga Jurassic Park. 

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