Avec « Le temps des secrets » Christophe Barratier dans les pas de Pagnol
- Derrière la caméra dans l’adaptation du roman de Marcel Pagnol « Le temps des secrets », Christophe Barratier nous raconte sa relation avec l’auteur provençal.
- Entre anecdote de tournage, jeu avec les enfants et ajout contemporain, le réalisateur des « Choristes » nous raconte son « temps des secrets ».
À l’ombre du Garlaban, massif autour duquel Marcel Pagnol a tressé les récits de ses souvenirs d’enfance, Christophe Barratier (Les Choristes, La Nouvelle guerre des boutons…) réalisateur du Temps des secrets qui sort en salle ce mercredi, nous reçoit. Depuis ces collines qui dominent Marseille et Aubagne où il a tourné, il répond à 20 Minutes.
Nous nous souvenons des deux premiers volets de la trilogie d’enfance de Marcel Pagnol réalisés en 1990 par Yves Robert, vous inscrivez-vous dans une certaine continuité avec le Temps des secrets ?
J’ai découvert La gloire de mon père et Le château de ma mère bien avant, grâce à ma grand-mère qui était comédienne avant-guerre au théâtre et qui avait beaucoup joué les textes de Pagnol.
Je me rappelle que sa maison était constellée de photos de Fernand Charpin ou de Fernandel, avec qui elle avait joué. Donc, quand on m’a proposé Pagnol, j’ai plutôt eu l’impression de revivre l’époque où ma grand-mère me montrait à la télévision ses films. Il fallait que je regarde d’un bout à l’autre.
J’ai alors davantage eu l’impression de renouer avec mon enfance qu’avec Pagnol. Avant de faire une chose par admiration pour un auteur, il faut que ça trouve un écho intime en nous. Et je me suis rendu compte que ces échos intimes, beaucoup les partagent chez Pagnol, parce que c’est un grand auteur qui nous rend les choses très accessibles.
Et qui justement reste en un sens très contemporain. Comment, 100 ans plus tard, Marcel Pagnol reste d’actualité ?
Parce qu’il ne s’est pas intéressé seulement à des traditions, il s’est intéressé à la manière dont on vit avec. Et je ne pense pas que ce soit de la nostalgie. J’ai vu les deux enfants acteurs, à quel point ils se sont emparés de leur personnage. Au bout d’un moment, c’est eux-mêmes qui allaient dans les collines jouer au combat de bâton ou fabriquer des petits pièges. Dans Pagnol, on a cette coexistante entre les urbains et les citadins, et j’ai eu la chance que Léo (qui joue le petit Marcel) soit un pur Parisien, alors que Baptiste (Lili des Bellons) est né à Aubagne, comme Marcel Pagnol.
Pourquoi ce film maintenant ?
C’est vraiment des rencontres. La productrice est venue me le proposer, je n’y pensais pas. Je l’ai lu, je me suis dit que c’était réellement bien. Ça parle d’une période, l’adolescence, où les amitiés peuvent commencer à se briser. Et puis, Le temps des secrets, ce n’est pas seulement ceux des enfants, car c’est l’âge où on s’aperçoit que les parents aussi peuvent avoir des secrets.
Il y a des ajouts dans le film avec le développement d’arcs narratifs qui n’existent pas dans le livre. Pourquoi ça ?
Oui. Toutefois, je dirais que ce ne sont pas des ajouts, mais des choses que j’ai musclées. Par exemple, le personnage d’Augustine, la mère, tel que dans le bouquin, est une maman qu’on voudrait avoir dans la vie, mais qui manque un peu de relief pour le cinéma. J’ai lu qu’il y avait la tante de Pagnol qui s’occupait d’une association pour le droit des femmes, cause qui était encore balbutiante à l’époque. Dans le roman, ça tient en deux lignes. Je me suis dit : « tiens, je vais en faire une sous intrigue ».
Et qui s’inscrit très bien dans l’aspect contemporain.
Exactement, mais qui date quand même de cette époque. J’ai dû malgré tout muscler tous les conflits. C’est-à-dire que dans le bouquin, il ne se fâche pas vraiment avec ses parents, ni avec Lili, il fait moins attention à lui, mais Lili ne lui en veut pas. Et tout ça, je l’ai un peu musclé, car je pense qu’aujourd’hui on a l’habitude des choses un peu plus dans l’excès, la dramaturgie. Alors, j’ai noirci un peu le tableau pour que, peut-être, à la fin, la résolution n’en soit que d’autant plus émouvante.
Avez-vous une anecdote de tournage très pagnolesque. Un moment où vous vous êtes dit, « là, on y est » ?
Il y a l’endroit où je voulais faire la source, mais il n’y avait pas d’eau.
Donc on a appelé des chevriers qui nous ont donné une bonne idée. Ils ont fait appeler des muletiers et on s’est retrouvé comme à l’époque. Ils nous ont apporté à peu près deux tonnes d’eau en haut d’une colline avec des tuyaux, comme on pouvait le faire à l’ancienne. Et d’un coup, on était près de notre caméra, on a entendu : « Eeeh Ooooh ». Soudainement, l’eau a jailli et on a pu la filmer pendant un quart d’heure.
Qu’a-t-il été le plus difficile dans la réalisation ?
Sans doute la gestion du temps. Quand tu tournes avec des enfants, tu ne peux pas tourner huit heures d’affilée. Par exemple, il y a une scène de dîner au début du film où on est dans l’heure magique, avec une lumière rose orange. Et pour l’avoir le temps d’un dîner qui fait 3 minutes dans le film, il a fallu revenir trois soirs de suite, à attendre la même teinte.
Aussi, l’été est une belle période à raconter, mais pas à filmer. Parce que la lumière zénithale du mois d’août est terrible. On ne peut pas filmer entre midi et 15 heures, tout le monde plisse les yeux. Nous avons filmé en septembre.
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