Que vaut "Pistol", la série sur les Sex Pistols de Danny Boyle, à voir sur Disney+ dès mercredi ?

Disney et les Sex Pistols sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble. La firme de Mickey mariée au groupe le plus enragé et controversé d’Angleterre à la fin des années 70, c’est une contradiction en soi, un oxymore. C’est pourtant sur Disney+ que débarque ce mercredi Pistol, la mini série écrite par Craig Pearce (scénariste de Elvis de Baz Luhrmann) et réalisée par Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionnaire) sur la formation punk explosive qui a marqué au fer rouge l’histoire du rock.

Les six épisodes sont basés en majeure partie sur les mémoires de Steve Jones (Lonely Boy, Ma vie de Sex Pistols, 2016), guitariste et fondateur du groupe. C’est donc sa vision qui est privilégiée, celle d’un ado prolétaire en rupture, fan de Bowie, qui ne sait pas plus tenir une guitare qu’un micro, et que l’ambitieux Malcolm Mc Laren, propriétaire avec sa compagne styliste Vivienne Westwood d’une boutique de mode à Londres, va se mettre en tête de propulser à la tête d’un groupe séditieux censé représenter « la furie de la génération oubliée » au mitan des années 70.

Une caricature de Johnny Rotten

Le chanteur et leader naturel des Sex Pistols John Lydon, alias Johnny Rotten, qui assure n’avoir été ni consulté ni prévenu avant l’annonce officielle du projet de série, n’a visiblement pas apprécié. Au point d’avoir traîné en justice ses comparses pour interdire la série et l’utilisation de la musique du groupe. En vain. « Disney a volé le passé et créé un conte de fées qui n’a que peu de ressemblance avec la vérité« , a-t-il jugé au vu de la bande annonce.

On peut comprendre que Johnny Rotten ne s’y retrouve pas. Anson Boon, qui campe le chanteur dans Pistol, n’est pas un mauvais acteur. Mais il est ici mal dirigé. C’est la première chose qui nous a gênée dans cette série. Johnny Rotten était un personnage outré et cinglant, mais il est ici une caricature sans une once d’humour jetant en permanence autour de lui un regard dur, irascible et fermé (sauf au dernier épisode où il semble respirer un peu), que tout le monde déteste. Il aurait mérité plus de nuances que cet egocentré aux yeux exorbités dans laquelle luit constamment la colère et la défiance (ce qu’il était effectivement sur scène) : c’est inhumain, et donc plus proche d’un personnage de dessin animé. Un point pour le vrai John Lydon.

Les vrais Sex Pistols « Anarchy in the UK »

Une narration un peu plan plan

Les Sex Pistols n’ont commis qu’un seul album, l’incendiaire Never Mind The Bollocks (1977), mais ils ont allumé la mèche punk britannique (le punk était né aux Etats-Unis un peu plus tôt) et ont renversé la table durablement. Ils ont à peine duré trois ans, mais leur épopée furibarde censée dynamiter la société a été intense – provocations, bannissements, excès et dérapages en tout genres, changements de personnel, changements de labels, morts violentes (Sid Vicious et sa compagne Nancy Spungen).

Pour raconter cette histoire explosive, on aurait souhaité un parti pris plus audacieux que cette narration chronologique et plan plan, presque scolaire, certes plutôt conforme aux faits, mais ronronnante, surtout pour les spectateurs familiers des hauts faits d’armes du groupe. Manque souvent l’étincelle.

Femmes et geste punk

A petites touches, la série témoigne du sexisme à l’égard des femmes du mouvement punk: Chrissie Hynde (future Pretenders) recalée par Mick Jones (futur Clash) et jamais prise en compte malgré ses talents de guitariste, autrice et compositrice, mais aussi Vivienne Westwood constatant froidement combien son compagnon Malcolm McLaren vampirise ses idées les plus subversives. C’est un bon point, mais on aurait aimé voir davantage les femmes flamboyantes du mouvement, de Siouxsie Sioux à Poly Styrene de X-Ray Spex par exemple, plutôt qu’un épisode (le troisième) presque entièrement consacré à la jeune femme mentalement perturbée qui inspira à John Lydon la chanson Bodies.

Cependant, le début du second épisode, qui rappelle le geste courageux d’une pionnière punk pour dénoncer l’hypocrisie de la société corsetée de l’époque, compense en partie. Il montre la jeune Jordan, alias Pamela Rooke, (incarnée par l’impeccable Maisie Williams vue dans Game of Thrones) se rendant depuis sa banlieue en vélo puis en train sur son lieu de travail, au cœur de Londres, vêtue d’une robe en vinyle transparent laissant voir sa poitrine nue dans toute sa splendeur, et déclenchant des réactions horrifiées sur son passage. Cette scène en dit plus long à elle seule sur ce qu’était le punk que les six épisodes réunis. « Etre nue est un acte politique« , explique-t-elle à Steve Jones dans la série. « Défiler devant leurs gueules coincées, ces sales hypocrites… C’est censé être un pays libre !« 

Concerts incendiaires bien reconstitués

La reconstitution des concerts incendiaires des Sex Pistols est un gros point fort de la série. Ces scènes live dangereusement borderline, dans lesquelles le faux Johnny Rotten vociférant excelle et où les autres acteurs jouent vraiment de leurs instruments, offrent aux épisodes l’accélération et l’énergie dont ils manquent trop souvent. La scène de concert à la prison de Chelmsford est particulièrement réjouissante mais il y en a heureusement beaucoup d’autres.

L’idée de glisser des images d’archives de la société anglaise des années 70 fonctionne bien, tout comme les quelques flash des vrais Sex Pistols. Si le personnage de Steve Jones est le plus nuancé et le moins caricatural du lot, les acteurs sont plutôt bons dans l’ensemble, en particulier Sydney Chandler en Chrissie Hynde, très présente dans la série, ainsi que Thomas Brodie-Sangster en Malcolm McLaren, insupportable à souhait, avec une mention spéciale pour Louis Partridge en Sid Vicious à la dérive, éruptif et bête à en crever mais néanmoins attachant.

Quant à la musique, elle est supervisée par les vétérans de la techno britannique Underworld et leurs choix sont biens vus, de David Bowie à Sly & The Family Stone, Gainsbourg-Birkin, Modern Lovers ou Betty Davis. Plus que les images, c’est d’ailleurs la musique des Sex Pistols qui imprime le plus durablement le cerveau : de quoi constater que ce groupe éphémère, qui disait aimer avant tout le bruit, a écrit des hymnes – Anarchy in the UK, God Save The Queen, Pretty Vacant, Problems, Bodies, Submission – aussi obsédants qu’impérissables.

« Pistol », minie série en 6 épisodes sur Disney+ est à voir à partir du mercredi 6 juillet 2022 (Cette série est réservée à « un public averti ». Disney a mis en place un contrôle parental renforcé permettant la création de profils verrouillés par un code PIN)

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