"Pavarotti, le génie est éternel" de Ron Howard : derrière le chanteur, la star

C’est l’une des premières scènes du film Pavarotti, le génie est éternel de Ron Howard. L’image est celle d’une vidéo amateur : face à l’objectif, Luciano Pavarotti, dans ses dernières années, dans l’intimité, sans apprêt et sans son sourire habituel. Derrière la caméra, on suppose qu’il s’agit de sa deuxième femme, Nicoletta Mantovani. « Dans cent ans, comment voudras-tu qu’on se souvienne de toi ? », lance la voix en italien. « Professionnellement, comme un homme qui a apporté l’art lyrique aux masses », répond le grand ténor. « Et en tant qu’homme ? », relance la voix, mais il faudra attendre la fin du film pour avoir la réponse. Tout est dit, dans cette séquence, des intentions de ce documentaire de Ron Howard.    

L’homme et la star

Deux heures durant, il nous plongera intégralement dans l’univers du chanteur décédé en 2007, le mari, le père, l’amant, l’ami, le client idéal des médias, la « bête de scène », jusqu’à la véritable rockstar qu’il devient dans les années 1990, bien plus qu’il nous parlera de son empreinte dans l’opéra. Rien ou presque, sur le répertoire, sur les rôles travaillés, sur les grandes maisons fréquentées.

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C’est l’intention affichée de Ron Howard, réalisateur oscarisé – et auteur du documentaire The Beatles : Eight Days A Week – d’aborder le personnage « avec les yeux d’un nouveau venu à l’opéra », pour comprendre comment la voix unique de Pavarotti a irradié bien au-delà des limites de la scène, bien au-delà du classique. Démonstration qui ne manque pas d’intérêt.  

Ah, la voix de Pavarotti !

Le « phénomène » Pavarotti y est brossé rapidement dans le documentaire : comment ce jeune homme, fils d’un boulanger mélomane de la petite ville de Modena (lui-même ténor amateur), parvient en quelques années à peine, à s’imposer comme l’un des maîtres du bel canto. La clé, avec la personnalité généreuse du ténor, est dans la voix. Ron Howard le démontre par l’archive et le témoignage.

Ah, la voix de Pavarotti ! Celle que le chanteur lui-même qualifiait de « prima donna de (son) corps », est la « voix idéale » selon Angela Gheorghiu, la grande soprano roumaine, l’une des 53 personnes interrogées pour ce film. Voix ressentie « au toucher du diaphragme » selon le témoignage en archives d’une autre soprano, Joan Sutherland (avec laquelle Pavarotti fit ses débuts), voix à part car « tout était facile pour Pavarotti », raconte à son tour Placido Domingo. Et le chef Zubin Mehta de conclure : « Pavarotti était le roi du contre-ut », le do aigu si difficile à conquérir pour un ténor.   

Pavarotti et les femmes

L’homme Pavarotti est au cœur du film de Ron Howard : on le retrouve, pleinement, traqueur et optimiste, fier et humble, très catholique et superstitieux. Contradictions toutes italiennes. Simple, mais voyageant avec 28 bagages et une cuisine portable pour préparer ses propres pâtes dans les hôtels… Seul et très entouré. De femmes, en particulier. 

Nicoletta Mantovani, la deuxième épouse, et Luciano Pavarotti.  (ALAMY STOCK PHOTO)

Les femmes de sa famille d’origine et celles du foyer constitué avec Adua Veroni, sa première épouse, image, pour l’Italie, du couple idéal. Poids de l’église et de la petite province d’Emilie–Romagne. Modèle sérieusement écorné à l’annonce du divorce et du remariage avec Nicoletta. Enfin, femmes amies, élèves, collègues, amantes. Comme la soprano Madelyn Renee, dont le récit, poignant, dénote une vérité que possèdent peu de documentaires de ce type.  

Fabrication d’une rockstar

Le film Pavarotti, le génie est éternel est également convaincant quand il explique, témoignages à l’appui, comment s’est constitué le business mondial autour du chanteur italien. A commencer par la fabrication du statut de star grâce à Herbert Breslin, qui fut longtemps son manager. « Pavarotti était un gentil, moi j’étais un ‘salaud’, mais nous voulions la même chose », dit en substance l’homme qui l’incita notamment à quitter quelque peu les plateaux d’opéra pour des scènes de récital. On apprendra pour l’anecdote que ne sachant que faire de ses mains en concert, Pavarotti y prit l’habitude, grâce au conseil de Breslin, d’agiter un mouchoir blanc, geste devenu une de ses signatures scéniques.

D’autres personnalités venues notamment de la scène rock interviennent dans le documentaire, comme Harvey Goldsmith (tourneur entre autres de Bruce Springsteen) ou (en archives) le célèbre Tibor Rudas, celui qui a fait chanter Pavarotti dans les stades.

Le tournant du concert des « Trois ténors » 

C’est lui aussi qui sera à l’origine du concert des Trois ténors (Pavarotti, Domingo, Carreras), véritable tournant dans la vie de Pavarotti. Lui devenait une « global rockstar », et le trio de chanteurs lyriques le groupe le plus connu au monde. Mais le documentaire montre également comment, de l’intérieur, l’aventure restait humaine. « Entre nous trois, la compétition était spontanée et splendide », raconte Carreras, encore ému par la tournure de cette rencontre à trois.

José Carreras, Luciano Pavarotti et Placido Domingo en 1998, réunis pour annoncer leur concert exceptionnel des Trois Ténors au pied de la Tour Eiffel, à l’occasion de la Coupe du Monde de football. (ALAIN BENAINOUS / GAMMA-RAPHO)

Elle annoncera la suite d’une carrière résolument tournée vers le grand public : le concert Pavarotti and friends et les autres spectacles à but caritatif réalisés avec la complicité de Lady Di (avec laquelle Pavarotti noue une relation sincère d’après le film) et surtout de Bono, du groupe U2, dont la parole est récurrente dans le film. 

Le film est projeté en salles du 6 au 10 novembre, avant de connaître une deuxième vie à partir du 27 novembre sur DVD et Blue Ray.

  

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