Jeudi à We Love Green, Gorillaz et Jorja Smith ont lancé en beauté l'édition 2022

Gorillaz a fait d’une pierre deux coups jeudi soir sur la pelouse du bois de Vincennes : le groupe a donné à la fois le coup d’envoi du festival We Love Green et lancé le volet européen de sa tournée mondiale. Celle-ci a démarré fin avril en Amérique du Sud, après un passage remarqué au festival américain Coachella, auquel est souvent comparé We Love Green.

De fait, après deux ans d’empêchement dû au Covid, cette édition marque une nouvelle montée en puissance du festival éco-responsable, dont cette soirée d’ouverture jeudi, bien qu’en jauge réduite à 25 000 personnes (contre 40 000 prévues samedi et dimanche), donnait un premier aperçu. Le site n’est plus tout à fait le même, bien qu’on y retrouve tous les ingrédients qui ont fait son succès, et annonce un de ces évènements boulimiques où l’on ne sait plus où donner de la tête et où le festivalier est souvent condamné à suivre les concerts par écrans géants interposés tant la foule déborde.

Gorillaz a aligné vingt ans de tubes

Pour autant, Gorillaz n’a pas offert un concert à moitié ce jeudi soir au motif que c’était une date en festival : le groupe a tout donné pendant plus d’une heure trente. La formation scénique, impressionnante, a pris de l’envergure ces dernières années et se monte désormais à une quinzaine de personnes, dont cinq choristes, emmenés par Damon Albarn. La troupe a offert un show visuel et musical joyeux, la setlist d’une vingtaine de morceaux enchaînant les tubes, et balayant en une vingtaine de morceaux toute la discographie de Gorillaz, du premier album éponyme de 2001 à Song Machine paru en 2020, avec notamment M1A1 en ouverture, Strange Timez, Tomorrow Comes Today, On Melancholy Hill, Last Living Souls, Kids with Guns ou Clint Eastwood en final. L’occasion de montrer une belle continuité sur deux décennies et surtout une fraîcheur et une énergie jamais démenties pour le groupe de l’ancien Blur.

Il faut dire que Damon Albarn, 54 ans, curieux de toutes les sonorités, à commencer par les africaines qu’il a explorées avec son projet Africa Express, est un infatigable passeur dont la musique est le reflet. A cet égard, la venue sur scène de la chanteuse malienne Fatoumata Diawara sur le réjouissant Désolé aura été un des temps forts du show. Autres invités, désormais familiers des concerts du groupe et auxquels Damon offre ainsi une visibilité et un job d’appoint non négligeable : Posdnuos de De La Soul, dont les rimes illuminent Feel Good Inc. et Superfast Jellyfish, ainsi que l’ancien rappeur des Pharcyde Bootie Brown sur Stylo et Dirty Harry. Plus étrange, la venue pour un interlude parlé (auquel on n’a rien compris) de l’acteur australien Ben Mendelsohn.

Il est loin le temps où le groupe « virtuel » constitué de personnages animés imaginés par le dessinateur et complice de toujours Jamie Hewlett donnait un concert à La Cigale en ombres chinoises, dissimulé derrière un drap ! Jeudi soir, le show de Gorillaz rassasiait autant la vue que les tympans. La sono hyper puissante était parfaitement réglée (les riverains du Bois de Vincennes ont peut-être moins apprécié) et les visuels mélangeaient clips animés hauts en couleurs de notre quatuor virtuel préféré (2D, Murdoc, Noodle et Russel), films et images en temps réel, pour un résultat euphorisant et sans temps mort. D’autant que Damon servait de fil rouge, se démultipliant avec le sourire, un coup aux claviers, un coup au micro, un coup à la guitare, un coup au mélodica (un harmonica), sans oublier d’aller serrer quelques mains de fans dans la fosse au premier rang, en tenue rose fluo.

Jorja Smith a envoûté sans forcer après la tornade Nathy Peluso

Plus tôt, cette même scène de La Prairie avait été inaugurée par la bomba latina Nathy Peluso, star en Amérique du Sud. En début de soirée, alors que le jour n’était pas encore tombé, la chanteuse et musicienne argentine, entourée de sept musiciens dont deux cuivres, a régalé la pelouse en mode salsa muy caliente à coups de déhanchés aussi lascifs que sportifs. Cette halte parisienne de son Calambre Tour a permis de découvrir une artiste à la personnalité explosive qui mélange plusieurs genres avec doigté dans son shaker high energy, de la salsa au rap et à la pop.
On ne l’oubliera pas.

Pourtant, dès 21h15, sous le nouveau chapiteau de La Clairière, on n’avait d’yeux que pour Jorja Smith. La nouvelle reine de la soul, dont c’était l’unique date en France cet été, a offert un set voluptueux, envoûtant l’assistance de sa voix à la fois puissante et ultra expressive. La toute première fois qu’on a vu Jorja Smith sur scène c’était en 2018 à We Love Green, sur la scène adjacente, la modeste Canopée, une semaine avant la sortie de son premier album, l’acclamé Lost & Found. Elle impressionnait déjà durablement. La dernière fois, c’était à Rock en Seine en 2019. L’Anglaise d’ascendance jamaïcaine avait pris de l’assurance et perdu du poids au point de nous faire craindre un début de formatage. Trois ans plus tard, on constate avec soulagement qu’il n’en est rien.

Jorja Smith ne fait aucune concession et semble mûrir en grâce. Elle a depuis monté son propre label FAMM et a signé les jeunes chanteuses Mychelle et Enny, mais aussi sorti il y a tout juste un an un très beau EP, Be Right Back, constitué de huit nouvelles chansons un peu plus expérimentales, qu’elle a décrit comme « la salle d’attente » de son second album attendu depuis quatre ans. Rien ne saurait presser Miss Smith.

Sur scène jeudi, radieuse dans sa robe moulante immaculée qui contraste avec sa longue chevelure de jais, nimbée de lumière bleue, elle ondule voluptueusement, bouge peu, mais chante avec un engagement de tous les pores. Incarnation de la sensualité, elle est loin de tout artifice et ses sourires disent aussi les épreuves. Entourée de quatre musiciens, dont une batteuse, et trois choristes, elle enfile les pépites de son premier album telles Teenage Fantasy, February 3rd, Where did I go, ou l’incontournable brûlot politique Blue Lights, repris en chœur par le public à qui elle tend le micro en souriant. Elle joue également le plus récent Addicted et termine sur l’énergique single On My Mind, un titre de UK Garage de ses débuts, dont les basses font trembler une dernière fois ce soir le chapiteau de la Clairière.

Après une pause vendredi, We Love Green se poursuit samedi et dimanche (complet), avec une cinquantaine de concerts et notamment les têtes d’affiche SCH, Phoenix, Laylow, Angèle, PNL, Disclosure, Juliette Armanet, Charlotte de Witte, Selah Sue, Clara Luciani, Ibeyi et Dinos.  Consultez le programme.

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