"Je travaille la matière sonore comme un sculpteur" : Nicolas Godin de Air publie l’album "Concrete and Glass" inspiré de l’architecture
Fils d’architecte et ancien étudiant en architecture, Nicolas Godin, moitié du duo parisien Air, est un musicien à part, qui s’est toujours montré plus proche d’un architecte sonore que d’une pop star. Dès ses débuts, il évoquait le travail de Le Corbusier pour parler de sa musique. Sa première composition, parue sur la compilation Source Lab en 1995, s’intitulait Modulor. Elle était inspirée d’une notion architecturale inventée par le concepteur de la Cité radieuse de Marseille.
Aujourd’hui, cinq ans après Contrepoint, un premier album solo en hommage à Jean-Sébastien Bach, il revient à ses premières amours avec Concrete and Glass publié vendredi 24 janvier. Tout est parti du projet Architectones de l’artiste Xavier Veilhan, une série d’installations in situ dont Nicolas a composé les bandes-son. Durant un an et demi, ce projet les a emmenés autour du monde, dans de remarquables maisons d’architectes, notamment celles des Américains John Lautner et Pierre Koenig, celle du Russe Constantin Melnikov ou de l’Américain d’origine allemande Mies Von der Rohe.
Lorsque j’ai commencé l’album, j’avais pour point de départ tous les morceaux composés pour les expos avec Xavier Veilhan. Mais je n’arrivais pas à les transformer, j’étais perdu. Mon manager m’a présenté Pierre pour tenter de débloquer la situation. Nous avons commencé à travailler sur un premier titre, et enfin je n’étais plus seul avec mes problèmes. Ça m’a fait un bien fou ! Pierre a fait un travail de producteur, nous avons réfléchi ensemble. Il s’y connaît beaucoup en synthétiseurs. Et en matière d’épure, il est encore plus zen que moi. J’adore « la ligne claire » d’Hergé et j’ambitionne de faire la ligne claire musicale. Beaucoup de groupes entassent des sons les uns sur les autres. Alors que moi, si je mets quelque chose dans la chanson, on doit l’entendre.
Comment avez-vous choisi les invités au micro ?
J’avais prévu de travailler sur cet album avec la génération après la mienne. J’adore Paradis, mais de toute façon je n’aurais pas pris un producteur de mon âge. Pour les invités c’était pareil, je voulais faire quelque chose de sexy, avec des gens plus jeunes. J’ai contacté quasiment tous les chanteurs et chanteuses présents sur le disque via les réseaux sociaux. Je leur ai laissé carte blanche pour les paroles mais je voulais des voix peu connues pour qu’on n’ait pas l’impression d’être sur le disque d’un autre, un écueil rencontré lorsque Beck avait chanté sur The Vagabond (sur l’album 10 000 Hertz de Air en 2001 NDLR).
Le problème avec Air, c’est qu’on a déjà fait de la super musique, alors comment faire mieux ? Je suis un peu bloqué par rapport à ça. Par contre, pour faire des concerts je n’ai aucun souci, ça me manque de tourner. Or, faire un album avec Air reculerait d’autant une tournée, alors que là j’ai plutôt envie d’être sur scène et de jouer les morceaux. J’ai vu Jean-Benoît (Dunckel, moitié de Air NDLR) la semaine dernière et j’ai l’impression qu’on se dirige plutôt vers une tournée sans album, après celle de mon album solo. Je garde un excellent souvenir de la tournée qu’on a faite ensemble il y a deux ans. Les gens ne se rendent pas compte, mais on tourne régulièrement dans le monde entier.
C’est un de vos meilleurs souvenirs de tournée ?
Oui. Parce qu’avec Air nous sommes restés longtemps dans un no man’s land en terme de notoriété : nous n’étions plus des nouveaux venus mais nous n’étions pas encore devenus des classiques. Or, il y a deux ans, nous étions enfin passés dans la case « groupe classique ». Du coup quand on montait sur scène, l’excitation des gens était incroyable, c’était merveilleux ! Là tu te retrouves à jouer Kelly Watch The Stars ou Sexy Boy et tu te dis, putain c’est ma chanson quand même ! En plus avec Air nous avons toujours fait de la musique de manière innocente, sans compromis et avec ce que nous dictait notre cœur, et là c’est un peu comme si on tirait les marrons du feu : les morceaux ont super bien vieilli et je crois que ça rend tout le monde heureux finalement, nous qui jouons les morceaux et les gens qui les écoutent. Le monde en ce moment n’est que mauvaises nouvelles et de vivre ces moments de communion entre êtres humains, c’est une belle aventure. D’autant plus que, détestant l’école et trouvant la société difficile, j’ai souvent utilisé la musique comme un refuge pour me protéger. Finalement je m’aperçois que la musique m’a aidé à me reconnecter avec les autres, c’est un peu comme un conte de fées. J’ai l’air d’un niais en disant ça mais je peux témoigner que c’est vrai.
L’album Concrete & Glass de Nicolas Godin (Because) sort vendredi 24 janvier 2020
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