Face à la haine, Eddy de Pretto ne voulait « pas écrire sur cette merde-là »
- CRASH CŒUR, le troisième album studio d’Eddy de Pretto sort ce vendredi.
- « Je suis allé à Los Angeles pour chercher des producteurs et de la créativité, un nouveau souffle, explique l’artiste de 30 ans à 20 Minutes. J’ai pris conscience de l’importance de la santé mentale. J’ai décidé de ne plus me mettre de pression sur le fait de devoir décortiquer la société, poser un regard dessus. »
- Eddy de Pretto se dit travaillé par le temps qui passe. « Je ne trouve pas ça terrible de voir des chanteurs vieillir. C’est toujours un peu triste. Ça m’étonnerait que je fasse une Charles Aznavour. »
En milieu d’entretien, parce qu’il partage un duo avec Juliette Armanet sur son nouvel album, on se hasarde à demander à Eddy de Pretto ce qu’il a pensé de la polémique sur Les Lacs du Connemara. Il nous assure ne pas en avoir entendu parler. Il paraît sincère, mais on le soupçonne de bluffer – il est bon comédien. On lui fait quand même le résumé de l’emballement médiatique. On sent bien qu’on aurait dû garder notre question pour nous, qu’il n’a pas envie de s’exprimer là-dessus. « Si je donne des interviews, c’est pour partager ma musique. Je veux parler de ce que je propose, recentre-t-il. Maintenant que tout le monde sort des albums, on a l’impression que c’est jeté comme ça et hop, au prochain ! Non, dans mes disques, il y a des choses à décortiquer, énormément de matière. » Effectivement, son troisième album, CRASH CŒUR, qui sort ce vendredi, malgré son apparente légèreté pop, gagne à être approché au scalpel.
Votre précédent album se concluait par cette phrase : « Faites bien des écoutes d’avance, le troisième, j’y arriverais peut-être pas. » Qu’est-ce qui vous a permis d’y arriver ?
Un gros processus de changement de mood [d’humeur]. Je sortais d’une tournée très compliquée avec ces histoires de Covid qui ont nécessité de programmer certaines dates quatre fois. Il y a eu des rendez-vous manqués. Il y avait aussi une équipe avec laquelle j’arrivais au bout. Le procès sur le cyberharcèlement s’est ajouté à cela. Je suis allé à Los Angeles pour chercher des producteurs et de la créativité, un nouveau souffle. Tout ça a modifié la vision que j’avais de moi, de ma façon de gérer le quotidien. J’ai pris conscience de l’importance de la santé mentale. J’ai décidé de ne plus me mettre de pression sur le fait de devoir décortiquer la société, poser un regard dessus. Je n’en avais pas les épaules, ni la force, ni la légitimité à ce moment-là. J’avais besoin d’un pas de côté alors j’ai tenté d’écrire sur cette quête de l’amour et du bonheur de tous les jours.
Vous parliez du procès. Onze personnes ont été condamnées il y a un an pour des messages homophobes et des menaces de mort à votre égard. Quand vous avez donné votre concert à l’église Saint-Eustache (Paris 1er) où vous aviez été convié à chanter, vous attendiez-vous à ce que cela génère de telles réactions ?
On ne s’attend jamais à ça. C’est pour cela que j’ai rebondi assez rapidement. En ayant vu la haine aussi radicalement et clairement dans le tribunal, je me suis dit qu’il fallait que je change d’optique. Je n’allais certainement pas écrire sur cette merde-là, mais sur la recherche d’un positivisme, d’un bonheur.
Depuis, arrivez-vous à vous protéger de ces attaques haineuses ?
Non, c’est la vie… On ne peut jamais se protéger de la méchanceté ou de la haine des gens, sinon ça voudrait dire qu’on reste cloîtré chez soi, et encore, même sur les réseaux on peut être touchés par des choses. Il faut davantage d’éducation, aller plus loin dans la lutte contre le cyberharcèlement. C’est pour cela que j’ai porté plainte. Il faut mettre des réponses en place pour que cela soit de moins en moins systématique.
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Il y a dans ce nouvel album une tonalité plus légère, ensoleillée, même si les sujets abordés ne le sont pas…
A chaque album, on me dit ça… Il est résolument pop, assumé, c’est peut-être ça qui lui donne ce côté enlevé. J’avais la volonté puissante de pouvoir faire danser, même si les textes sont mélancoliques. Ce disque est plein de ruptures. Il y a l’espoir, la lumière, mais ça retombe dans la solitude extrême comme dans les chansons maison, personne pour l’hiver… A quoi tient le bonheur ? C’est la question de l’album.
D’ailleurs le mot « crash », qui apparaît dans le titre de l’album et dans celui de deux morceaux, n’est pas celui qui a la connotation la plus positive…
Le clip de LOVE’n’TENDRESSE résume ça. La boucle infernale du crash. Pour moi, c’est l’allégorie d’une vie. Peu importe la rupture, ce qu’on se prend dans la gueule, le mur, eh bien, on tente tout de même de se relever au quotidien. Le fait de pouvoir mettre les choses derrière soi, de tenter de trouver des explications, d’être parfois dans le déni, de se relever crash, après crash… C’est exactement la sensation que je voulais exprimer dans l’album.
Il s’agit de votre troisième album studio. Pour vous, un disque, est-ce un projet à part ?
J’aime l’idée de sortir des albums, qu’ils soient travaillés, qu’ils existent pour eux-mêmes mais puissent être en lien les uns avec les autres. CRASH CŒUR est pensé, réfléchi, comme un bonbon, une sucette cœur qu’on déballerait. Il est pensé pour être impactant, direct, comme un punch de mélodie. J’aime ouvrir des projets, surligner, mettre en lumière des époques de ma vie.
Avez-vous eu les coudées franches pour cet album ?
La seule limite que je me suis donnée est qu’il soit un album droit, qui apporte un souffle et permette de regarder ailleurs. Cela a été un vrai travail pour moi qui ai été éduqué dans le « contre », dans le fait de montrer le négatif. J’ai dû bosser pour changer de vision, d’état d’esprit.
Dans la chanson « R + V », vous citez de nombreuses figures LGBT telles que Raimbaud, Verlaine, Elton John, RuPaul ou Franck Ocean. Composent-ils votre Panthéon personnel ?
Ce sont surtout des gens qui ont une voix, des discours libres et ont ouvert des chemins qui n’existaient pas. C’est ce que je voulais mettre en avant sur cette chanson et c’est ce que j’essaie de faire, modestement, dans ma musique. Je tente de créer des chemins inédits, d’amener des gens qui n’ont peut-être pas la même pensée que moi à se poser des questions. Kid a été jusqu’à l’Assemblée nationale au moment du débat sur l’interdiction des thérapies de conversion. L’association de danse du petit Lucas a dansé sur cette chanson pour lui rendre hommage après son suicide… La chanson, à ce moment-là, me dépasse, et devient politique, elle transmet un message plus fort que le mien et c’est ça pour moi la musique.
Vous jouez avec la (typo) graphie des titres des chansons en faisant des clins d’œil aux codes des SMS ( « pApA $ucre », « être biennn », « CRASH <3 »…). Pourquoi ?
Parce que ça me plaisait d’apporter un sourire, d’esquisser un truc de plus pop. Ça va bien avec les années 2000. Comme dans le disque il y a des influences du R’n’B de ces années-là, ça s’y prêtait. Cela me rappelle quand, ado, j’écoutais Leslie, Jalane et Timbaland.
Si cet album avait une chanson clé, ce serait laquelle ?
heureux :))), la dernière. Il y a le paradoxe de tenter d’aller bien, de la manière la plus cynique possible, avec une injonction à avoir le moral coûte que coûte alors que le précipice est si proche. C’est la fine ligne que je veux représenter dans ce disque, cet entre-deux constant, comme celui des équilibristes qui se tiennent à peu de chose et peuvent basculer d’un côté ou d’un autre.
Êtes-vous heureux ?
(Il marque un temps) L’équilibriste… Ce sont des phases. C’est aussi bête que ça. On croit tous à un éternel bonheur et je crois qu’il est inexistant. Désolé, pour tout le monde.
Vous avez atteint cette année le cap de la trentaine. Cela a-t-il été une formalité pour vous ?
Le temps qui passe joue beaucoup sur mon écriture. Il est toujours là. J’ai écrit des chansons qui en parlent, de ça et de la trentaine, mais je ne les ai pas mises dans l’album.
Le temps qui passe vous fait-il peur ? Ou vous dites-vous que c’est bien de mûrir ?
Je ne trouve pas ça terrible de voir des chanteurs vieillir. C’est toujours un peu triste. C’est ce qui vient me chercher un peu. C’est complexe de vieillir chanteur.
Vous ne vous imaginez pas à 70 ans sur scène ?
Je ne sais pas, je ne pense pas. Aujourd’hui, je n’en ai aucune idée. Mais ça m’étonnerait que je fasse une Charles Aznavour.
Mais vous resteriez quand même dans la musique ?
A voir…
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