Mode : les dessous du kilt
La tenue plissée d’origine écossaise a soulevé au fil du temps des sentiments très contrastés.
Au XVIIe siècle
En Écosse, les hommes ont pour habitude d’ajouter sur leur tunique une large étoffe de laine, le feileadh mor, drapée sur les épaules et ceinturée aux hanches. Ce plaid de plusieurs mètres, héritage probable des Vikings, protège du froid et, à l’occasion, sert de couverture lors de bivouacs. Avec ses motifs à carreaux de diverses couleurs, il se porte pour faire valoir son appartenance d’abord à une classe sociale et plus tard à un clan.
1720
La version moderne, celle que nous connaissons, pointe son tartan dans les années 1720. Jugeant le feileadh mor peu pratique, un industriel anglais installé en Ecosse, Thomas Rawlinson, l’aurait transformé en une jupe, droite devant et plissée à l’arrière. Ce feileadh beag (petit kilt) se verra ensuite accompagné de veste en tweed, ceinturon, épingle et sacoche.
1746
En représailles à la rébellion des Ecossais, notamment des Highlanders engagés dans la bataille de Culloden, l’Angleterre victorieuse promulgue en 1746 le Dress Act. Cette loi sur l’habillement interdit le port du kilt, sauf aux militaires. Et gare aux récalcitrants, menacés de prison. Abrogée trente-six ans plus tard, elle aura conduit tout un peuple à transformer cette pièce de laine en un vêtement identitaire, dès lors arboré avec fierté.
1848
Après les gambettes de ces messieurs, celles des bambins se couvrent de tartan à partir de 1848. Cette année-là, la reine Victoria et le prince consort Albert passent leurs vacances au château de Balmoral en Ecosse. Une première qui les décidera à faire de ce lieu la résidence d’été prisée des souverains britanniques. Par souci d’unité nationale, le couple habille sa progéniture du costume traditionnel local. Cela ne fera pas un pli : la mode est lancée. Parangons ultimes du chic britannique, jupettes écossaises et chaussettes à pompons envahissent les vestiaires BCBG.
1970
Transgressif : c’est ainsi que le kilt tire son épingle du jeu dans la seconde moitié du XXe siècle. Et il le doit aux punks. Dans sa volonté de caricaturer la société, ce mouvement culturel anticonformiste, né dans les années 1970, s’amuse à détourner les symboles pour en faire les éléments remarqués de leur « uniforme ». Insignes militaires, chaînes sadomasochistes, bas résille troués et chaussures de travail Doc Martens se retrouvent en première ligne, associés à la traditionnelle tenue à rayures. La créatrice et styliste des Sex Pistols, Vivienne Westwood, en fait même un incontournable de ses collections – après l’avoir copieusement affublée de clous.
2000
Qui l’aurait cru ? Après le kilt viril des lanceurs de poids écossais des Highlands Games, celui sans faux plis des bonnes familles ou méchamment subversif des punks, la jupe à carreaux se fait polissonne. Les années 1950 ont ouvert la voie quand les jeunes femmes, s’affranchissant des usages, s’autorisent à la porter, effrontément raccourcie au-dessus du genou. Plus pop que jamais, la voilà désormais parée d’un haut potentiel érotique, à la taille des héroïnes des mangas japonais.
Retour en grâce
Dans le droit fil du Men’s Dress Reform Party engagé pour libérer, au siècle dernier, les hommes de leur carcan vestimentaire, les couturiers dépoussièrent le kilt. Ils le font au nom d’une mode androgyne et mixte, variée et confortable. Mais contrairement aux années 1980 quand, avec son défilé Et Dieu créa l’homme, Jean Paul Gaultier faisait sensation avec ses jupes, celles du XXIe siècle, signées notamment Howie Nicholsby, n’ont rien d’incongru. Elles sont même tendance, jouissant des faveurs des podiums.
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Article paru dans le numéro Femme Actuelle Jeux Histoire n°14 juillet-août 2020
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