Miss France 2023 : des élèves d'un lycée professionnel ont dû travailler de nuit pour créer les robes du concours

Lors de l’élection Miss France 2023 qui s’est déroulée le 17 décembre dernier, cinq des robes arborées par les participantes au concours de beauté ont été créées par de jeunes couturiers en devenir. Scolarisés au lycée professionnel de la mode et des métiers d’art Octave-Feuillet à Paris, ces élèves ont réalisé le rêve de plus d’un couturier : voir ses créations mises en avant sur une chaîne télévisée regardée par des millions de téléspectateurs.

Mais avant de goûter à ce prestige, les élèves du lycée professionnel parisien ont subi le pire en coulisses. 

Des élèves soumis à « un rythme de travail trop soutenu » pour créer les robes de Miss France

Ils sont pour la plupart mineurs et ont dû supporter des conditions de travail qui vont à l’encontre du règlement scolaire. En vue du concours Miss France 2023, des apprentis du lycée Octave Feuillet ont travaillé de jour comme de nuit pour réaliser cinq robes pour les finalistes du concours de beauté. Selon les informations soulevées par Mediapart, « les élèves, dont la plupart n’habitent pas dans le XVIe arrondissement de Paris où se trouve le Lycée Octave Feuillet, n’ont pas pu rentrer chez elles et ont dû coudre tissus, strass et plumes une bonne partie de la nuit, les jours précédant l’évènement. »

Le média précise que ces jeunes filles ont dû dormir dans l’établissement, « la tête posée sur leurs bras croisés, à même la table de l’atelier ».

Ces conditions alarmantes, additionnées à une charge de travail bien trop lourde, ont déclenché de l’angoisse et des pleurs chez les couturières en herbe. Et si l’affaire n’éclate que maintenant grâce aux révélations de Mediapart publiées ce 25 janvier, le rectorat de Paris a eu vent de la situation la semaine des faits.

« Cette année, ce projet a conduit, en raison notamment de contraintes de livraison de fournitures, à exposer quelques élèves de l’établissement à un rythme de travail trop soutenu dans les derniers jours précédant la manifestation. » a déclaré le rectorat de Paris interrogé par Mediapart. Pour autant la société de production de Miss France a informé le journal que ses consignes artistiques ont été données à l’établissement « 6 à 7 semaines » à l’avance.

Mediapart spécifie que c’est cette boîte de production qui fournit la matière première au lycée dans le cadre d’une convention.

C’est seulement la veille de la soirée de l’élection diffusée sur TF1 que « la directrice s’est vu sommée de ne plus faire travailler d’élèves la nuit au lycée », a rapporté un membre de l’équipe pédagogique du lycée parisien à Médiapart.

Pour sa part, le rectorat de Paris soutient avoir apporté des « solutions d’hébergements à proximité » aux élèves.

Des couturières en herbe saluées en public mais négligées en coulisses

La situation de ces élèves du Lycée Octave Feuillet est d’autant plus critique lorsqu’on sait que, quelques semaines plus tôt, la classe a eu un autre projet artistique d’envergure à réaliser : le défilé des Catherinettes. « Entre ce défilé, qui a lieu en novembre, et les Miss France mi-décembre, les élèves sont prises dans un étau maximal, une pression énorme, même si beaucoup sont très fières et contentes de participer à ces projets » rapporte le même membre de l’équipe pédagogique cité plus haut.

« C’est d’ailleurs ce que disent les professeures, souvent issues elles-mêmes d’ateliers de haute couture : quand les élèves seront diplômées, elles devront travailler très dur, donc autant s’habituer. Mais on ne peut pas normaliser dès le lycée le fait de s’exonérer du Code du travail et de la protection de la santé ».

Le problème vient de là, et il est bien connu dans les écoles de mode. Cette culture du travail acharné, cultivée par les adultes qui font figure d’autorité, conduit parfois à une surexploitation des aspirants couturiers et stylistes qui n’a pas lieu d’être. D’autant que bien souvent, le fruit du travail de ces artisans de l’ombre n’est même pas crédité.

Des suites de l’élection Miss France 2023, les élèves du lycée professionnel Octave Feuilet ont toutefois été couvertes d’éloges de la part de plusieurs représentants du milieu de l’éducation sur les réseaux sociaux. 

De son côté, le compte Twitter officiel du lycée professionnel a cité une phrase qui aurait été prononcée par une élève dénommée Pauline affirmant que cette semaine de travail a été « la plus belle semaine de [sa] vie au lycée ».

Un tweet publié le 19 décembre qui aujourd’hui fait office de cache-misère.

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