Le look d'Édouard Philippe : le grand brun à la chaussure marron

Son style est rassurant, son allure décevante, son attitude timide… Portrait stylistique d’un ex-premier ministre, qui ne faisait pas d’ombre au président.

La dernière fois qu’on avait vu un premier ministre aussi grand, c’était Dominique de Villepin*. À l’époque, le président était petit, aussi. Édouard Philippe mesure 1,90 m. Emmanuel Macron, 1,68 m – c’est ce que l’on dit. Édouard Philippe est un sportif, un footeux, un boxeur. C’est important de montrer qu’un politique est dans l’action. Ses costumes sont sobres et ajustés, ses chaussures en cuir, et ses chemises dans des couleurs déjà oubliées, parce que très ordinaires. «C’est quelqu’un qui avait tout pour plaire en termes de prestance, de physique, mais qui semble très mal à l’aise dans son hexis corporelle», attaque le sociologue Jamil Dakhlia. L’hexis, ce terme inventé par Pierre Bourdieu pour «définir la forme visible qu’un individu revêt sur la scène sociale». «Ce qui pourrait expliquer son allure dégingandée et son attitude timide», continue le sociologue, par ailleurs auteur de Politique People (éd. Bréal, 2015).

« Un type de sa génération »

Édouard Philippe au Havre, le 2 mai 2002.

Durant tout son mandat à la plus haute fonction de l’exécutif, en mai 2017 et juillet 2020, le maire du Havre n’a, effectivement, pas montré toute l’étendue – éventuelle – de son charisme. En réalité, personne n’a parlé de lui en dehors de son discours de politique générale et des quelques jours de polémique autour de sa barbe. Barbe qui, certes, n’avait pas été portée par un premier ministre depuis Paul Ramadier en 1947, mais qui, selon Nathalie Rozborski, «est largement rentrée dans les codes mainstream depuis les hispters».

En arborant une barbe semi-touffue, Édouard Philippe «ne veut pas montrer qu’il est négligé ni qu’il est cool», décrypte la prescriptrice, «mais qu’il assume pleinement être un type de sa génération». Des propos que rejoint Pascal Monfort, patron du cabinet de conseil en marketing des tendances REC : «On dit parfois qu’il s’est fait pousser la barbe pour se vieillir et être plus crédible dans sa fonction, mais je crois que c’est juste un homme dans l’air du temps.» N’allez pas croire néanmoins qu’Édouard Philippe est une incarnation du «bobo», «ce serait démenti par ses cheveux plaqués, voire gominés, qui renvoient plus à Chirac qu’à une ultra-modernité.»

Les tops et les flops de la « fashion politique »

Édouard Philippe, Emmanuel Macron et Gérard Collomb au ministère de l’Intérieur, Paris, le 6 septembre 2017.

Costumes savamment ajustés mais boutons de manchette un chouia ringards, chemises à poignets mousquetaires mais souliers châtaigne… En brouillant ainsi les pistes, Édouard Philippe serait presque stylistiquement inclassable. Là où Bernard Cazeneuve était «grand seigneur», François Fillon «papa bourgeois» et Emmanuel Macron «feu golden boy», l’ex-premier ministre normand serait un peu de tout et de rien. «Il a les codes statutaires et le savoir-être des gens de droite, tout en ayant une attitude plus nonchalante et une forme de liberté inhérentes à la gauche», décode Nathalie Rozborski. «À l’ère Macron, il a le costume de l’emploi, synthétise le patron du cabinet de conseil Pascal Monfort. Il est loin des traditions de lignées, d’héritage dans le milieu de la politique, loin des signes distinctifs du comprendra-qui-pourra – les chaussettes Gammarelli de Fillon, les tailleurs confidentiels de Cazeneuve…» Non, Édouard Philippe est dans l’efficacité. Dans le pragmatisme. «Il ne cherche pas à s’imposer, explique Jamil Daklhia. Grâce à sa taille et sa prestance, il pourrait facilement dominer Emmanuel Macron ; or, à côté de lui, il fait tout petit.»

*Cet article initialement publié le 28 septembre 2017 a été mis à jour.

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