La Charente dit adieu à la Charentaise
Coup dur pour le made in France, le fabricant des chaussons traditionnels de Charente entre en liquidation judiciaire.
C’est une annonce qui vient mettre un croc à une madeleine de Proust de bien des enfances françaises. En Charente, La Manufacture Charentaise à Rivières, vient d’entrer en liquidation. Un couperet de fin ordonné par le tribunal de commerce d’Angoulême ce vendredi 15 novembre qui voit se fermer la dernière maison traditionnelle des Charentaises.
La mort lente de la manufacture Charentaise
« C’est un coup de massue. Il n’y a plus d’entreprises, plus de salariés », se désolait Florence Rebeyrol, couturière et déléguée syndicale Force ouvrière de la Manufacture Charentaise. Fin de semaine dernière, le tribunal de commerce d’Angoulême a rejeté l’unique offre de reprise porté par l’investisseur Pascal Becker qui proposait de ne maintenir que 38 emplois. D’ici une quinzaine de jours, les 104 salariés -dont la plupart âgés de plus de 50 ans- recevront leur lettre de licenciement. Un coup dur pour eux, mais aussi pour le patrimoine régional.
Pourtant, avant d’être placée en redressement judiciaire le 25 juillet dernier, l’entreprise avait de quoi séduire. Créée au printemps 2018 par Renaud Dutreil, La Manufacture Charentaise regroupait quatre enseignes mythiques du secteur à l’instar de Degorce et Rondinaud. D’importantes aides publiques avaient d’ailleurs été débloquées afin de relancer la production des « silencieuses », nom donné au Moyen-âge à ces chaussons portés par les valets histoire de se déplacer sans bruit dans la chambre de leur maître. Mars 2019, ce savoir-faire charentais avait même bénéficié d’une « indication géographique » délivrée par l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Mais rien n’y a fait. Brouilles internes et erreurs stratégiques ont mis un terme à l’entreprise implantée à Rivières, petite ville située au nord-est d’Angoulême. Selon une source de l’AFP, la société aurait vu son chiffre d’affaires baisé de 13 à 7 millions en 2018.
Quel avenir pour le made in France ?
C’est le cheval d’assaut du gouvernement français depuis le début des années 80. Le made in France, label qui est sensé gonflé la fabrication française aux yeux de ses habitants et reflète une volonté de consommer de manière plus locale et équitable, est pourtant mis à mal par la réalité économique du pays. Selon le rapport 2019, l’INSEE explique que si 81 % de la consommation des ménages est fabriquée dans l’Hexagone, le secteur de l’habillement ne concerne que 16 % d’entre eux.
Si on peut se désoler de la perte d’emplois, c’est également la disparition d’un patrimoine et d’un savoir-faire qui est en jeu. Créée au 17ième siècle, la Charentaise était un chausson à glisser dans les sabots créés à partir de laine et de feutre via la technique particulière du « cousu-retourné » selon laquelle la semelle est cousue et montée à l’envers, puis retournée. Désormais, malgré leur nom, il faudra se rendre en Dordogne que seront fabriquées les Charentaises. Une nouvelle qui trouve une résonance manifeste avec la mise en faillite de la marque Sonia Rykiel il y a quelques mois à peine.
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