Gucci ne présentera plus que deux collections par an

Après Saint Laurent en avril, c’est à Gucci – également détenu par le groupe Kering – de se retirer du calendrier officiel. Hier, la maison italienne a annoncé sous forme d’extraits de journal de bord de son directeur artistique, Alessandro Michele, qu’elle ne présenterait plus que 2 collections par an et sortait du cadre saisonnier établi par la mode.

Gucci, hors saison

C’est une décision qui marque déjà l’avenir de l’industrie. Le dimanche 24 mai, la maison Gucci a publié sur son compte Instagram plusieurs entrées du journal d’Alessandro Michele qui donnent un aperçu des changements qu’il compte mettre en place et la manière dont il envisage le futur de la mode.

J’abandonnerai le rituel usé des saisonnalités et des défilés pour retrouver une nouvelle cadence, plus proche de ce que je veux exprimer

Dans l’une des 6 lettres publiées, écrites en anglais et en italien, le designer déclare : « J’abandonnerai le rituel usé des saisonnalités et des défilés pour retrouver une nouvelle cadence, plus proche de ce que je veux exprimer. Nous nous réunirons deux fois par an pour partager les chapitres d’une nouvelle histoire. Des chapitres irréguliers, joyeux et absolument gratuits, qui seront écrits en mélangeant des règles et des genres, en se nourrissant de nouveaux espaces, de codes linguistiques et de plateformes de communication ».

Ce lundi 25 mai, se tiendra une conférence de presse durant laquelle le label italien explicitera les changements qu’il compte mettre en place.

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5/6 • “I believe that we can build our tomorrow also starting from a renewed capacity of denomination. Here comes the desire to baptize our new encounters by naming them after a language that has marvelously ancient roots: classical music language. Accordingly, there will be symphonies, rhapsodies, madrigals, nocturnes, overtures, concerts and minuets in the constellation of my creative path. Music, after all, has the sacred power to produce reverberations and connections. It travels beyond the borders, reconnecting the fragility to the infinity.” A new path in fashion that leaves behind the paraphernalia of leitmotifs that colonized our prior world, according to @alessandro_michele in ‘The Sacred Power of Producing Reverberations’, his diary entry for May 3, 2020. #AlessandroMichele Read his diary through link in bio.

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Le BFC et le CFDA pour un changement drastique de la mode

Alessandro Michele n’est pas le premier à remettre en cause le calendrier de la mode et à vouloir lui donner un nouveau souffle. Il y a eu Saint Laurent bien entendu, mais aussi des designers et professionnels du secteur à l’instar de Dries Van Noten, Tory Burch ou encore ACNE qui ont signé une lettre ouverte pour modifier le calendrier et donc changer les dates des soldes.

Le 21 mai dernier, ce sont le British Fashion Council et le Council of Fashion Designers of America, les chambres de la mode britannique et américaine, qui ont annoncé faire front commun estimant qu’il est « possible de repenser et de réinitialiser la façon dont nous travaillons et montrons nos collections ». Dans leur communiqué, le BFC et le CFDA encouragent leurs membres à ralentir. « Pendant longtemps, il y a eu trop de livraisons et trop de marchandises générées. Avec l’accumulation des stocks existants, les concepteurs et les détaillants doivent également regarder le cycle des collections et être très stratégiques sur leurs produits et comment et quand ils ont l’intention de les vendre », peut-on lire. 

Ensemble, nous recommandons fortement aux designers de se concentrer sur deux collections principales par an

À l’instar du « groupe de Dries Van Noten« , les deux conseils appellent aussi changer la cadence des livraisons de manière à ce qu’elle s’approche des saisons auxquelles les consommateurs en ont réellement besoin. « Ensemble, nous recommandons fortement aux designers de se concentrer sur deux collections principales par an, pas plus », dit encore le communiqué, arguant qu’il est temps de redonner aux talents de l’industrie le temps nécessaire pour renouer avec leur créativité et leurs savoir-faire et améliorer leur santé mentale.

Pour toutes les collections non-principales, à l’instar des pre-Fall ou des Croisières, le BFC et le CFDA insistent pour qu’elles soient dévoilées en showroom et non lors de défilés. D’ailleurs, les deux conseils s’annoncent prêts à aider les marques qui ne voudraient présenter leurs collections que virtuellement pour la saison printemps-été 2021 qui doit se tenir à partir de septembre prochain.

Une prise de conscience environnementale ?

Tout comme le souligne Alessandro Michele dans son texte, la pandémie de coronavirus semble avoir accentué les engagements de la mode auprès de la cause environnementale. Dans la note intitulée « We Turned Out To Be So Small » ou « Nous sommes apparemment si petits », écrite le 29 mars dernier, il écrit : « Nos actions imprudentes ont brûlé la maison dans laquelle nous vivons ».

Le designer de Gucci, l’une des premières maisons à avoir stoppé l’utilisation de fourrure au sein de ses collections, ajoute : « Nous nous sommes perçus comme séparés de la nature, nous nous sommes sentis rusés et tout-puissants. Nous avons usurpé la nature, nous l’avons dominée et blessée. Nous avons incité Prométhée et enterré Pan. Tant de hauteur nous a fait perdre notre fraternité avec les papillons, les fleurs, les arbres et les racines. Tant de cupidité scandaleuse nous a fait perdre l’harmonie et le soin, la connexion et l’appartenance. Nous avons ravagé le caractère sacré de la vie, négligeant d’être une espèce. À la fin de la journée, nous étions à bout de souffle ».

Des propos qui trouvent écho dans le projet défendu par le British Fashion Council et le Council of Fashion Designers of America puisqu’ils appellent les marques à se concentrer sur les capitales de la mode occidentale soit New-York, Londres, Milan et Paris pour présenter les collections « afin d’éviter la pression sur les acheteurs et les journalistes qui voyagent constamment. Cela aussi a exercé une pression énorme sur l’industrie et a considérablement augmenté l’empreinte carbone de chaque individu ». Leur lettre s’achève sur l’idée que la sortie de moins de produits permet de se concentrer sur la qualité, la créativité et augmentera leur temps de vie. 

Un avenir pour le moins flou

Pour l’instant, nombreuses ont été les voix à appeler au changement. Malgré tout, un front uni semble difficile à mettre en place au sein de cette industrie globalisée qui compte en ses rangs autant de grandes maisons de mode, que de marques de luxe fermement installées et de jeunes labels.

Comme le font remarquer le BFC et le CFDA : « La nécessité de s’aligner en tant qu’industrie mondiale à cette époque est devenue plus apparente ». Malgré tout, les deux conseils précisent que s’ils continueront à travailler de manière collaborative, ils restent indépendants et que chacun développera ses propres initiatives. Pour l’instant, la Fédération de la Haute Couture et de la mode ainsi que la Camera Nazionale della Moda Italiana ne se sont pas encore prononcées quant à ces appels à changer le calendrier global. 

Reste à savoir qu’elles autres marques ou acteurs de l’industrie viendront gonfler les rangs des réformateurs. Notons d’ailleurs qu’LVMH, le groupe de luxe qui détient entre autres les maisons de mode Louis VuittonFendi, Dior et Céline n’a, à ce jour, pas non plus pris la parole.

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