Comment les rappeuses LGBT bousculent les codes mode (et plus encore) du rap

  • Les femmes dans le rap, une place sous haute surveillance
  • La bad bitch ou garce comme figure d’empowerment
  • Quand les rappeuses LGBT renversent les codes
  • Lala &ce, l’inclassable qui fait entrer le rap dans une autre dimension

Évoluant dans un milieu décrié pour son hyper-virilité, les rappeuses sont parvenues progressivement à imposer leur flow. Grâce aux faits d’armes des pionnières : Lil Kim, CaseyLady LaisteeKeny Arkana, Queen Latifah, les voix féminines y sont désormais multiples.

Parmi elles aujourd’hui, Lala &ceMykki Blanco, Chika… Des rappeuses qui content avec éloquence un récit queer. Une nouveauté car jusqu’ici, rap et communauté LGBT ne partageaient pas le champ des possibles. Cette parole nouvelle est amplifiée avec brio par des artistes à la personnalité détonante et au style qui s’affranchit du modèle strictement binaire. Décryptage.

Les femmes dans le rap, une place sous haute surveillance

Non, les femmes dans le rap ne se comptent pas sur le bout des doigts. Si les rappeuses Nicki Minaj, Cardi B, Chilla, et autres Shay occupent avec succès l’espace dit mainstream, elles sont loin d’être des miraculées dispersées çà et là dans l’histoire du genre musical.

Si le rap a toujours été considéré sexiste, les femmes sont bien présentes dans l’industrie depuis les années 90. Pourtant on dépeint une vision biaisée du genre musical qui, en réalité, n’est pas plus misogyne que la société dans laquelle on vit. Dolorès Bakela, journaliste indépendante basée à Paris, explique : « La place des femmes dans le rap, c’est la place des femmes comme dans toute l’industrie musicale, c’est-à-dire qu’elle est compliquée à conquérir. »

Avant de leur laisser un accès à nos playlists, on va sur-examiner leur potentiel et définir leur crédibilité. Et ça, bien plus qu’on ne le fait pour leurs homologues masculins. Dolorès Bakela :« On va moins tolérer le fait qu’elles puissent être très explicites dans leurs paroles. Non pas qu’on le tolère chez les hommes, mais ça pose la question de qui à le droit de parler de quoi. On voit assez clairement que c’est beaucoup plus compliqué pour une femme d’être sexuellement suggestive ».

Le look des rappeuses est lui aussi très observé. Il y a deux manières dont la société critique leur apparence : soit elles sont perçues comme des « garçons manqués », soit elles sont jugées trop sexy. Comment ne pas penser à Diam’s qui s’était métamorphosée entre les sorties de « Premier Mandat » et « Brute de Femme », ses deux premiers albums. Dolorès Bakela : « Dans mes souvenirs, pour Diam’s, il y avait question de la “féminiser”. C’est-à-dire que même si elle avait un style sportswear, il y avait cette idée d’en faire « une miss » : cheveux courts plaqués, créoles, et maquillage. »

Cardi B, autre figure du genre, est de son côté critiquée parce qu’elle affiche un look très sexy, auquel elle est régulièrement ramenée, comme pour mieux faire disparaître son talent artistique. En 2019, elle devient pourtant la première femme à remporter un Grammy’s dans la catégorie « meilleur album rap ». Mais son succès ne suffit pas à faire bouclier au slut-shaming. Labellisée vulgaire, la rappeuse originaire du Bronx est épinglée pour son passé de strip-teaseuse, qu’elle assume pourtant avec fierté. En musique comme en société, on ne sépare pas la femme de l’artiste.

La bad bitch ou garce comme figure d’empowerment

La nouvelle génération de rappeuses s’est approprié les stéréotypes pour mieux renverser la vapeur. Vive les “certified freak” et les “bad bitches” sans vergogne. Megan Thee Stallion, Ivorian Doll, et autres City Girls en sont la preuve : ce vent d’émancipation est désormais ancré dans la culture anglo-saxonne.

Côté francophone, l’équation reste complexe. Venue de Belgique, Shay veut standardiser le fait d’être une « jolie garce », c’est d’ailleurs le titre de son premier album sorti en 2016. Ce nouveau modèle serait une adaptation française de la bad bitch donc une femme : “qui a des atouts, qui les montre, mais qui en même temps a un vrai discours sur son indépendance notamment financière, sur ce qu’elle fait et ce qu’elle ne veut pas avec les hommes », précise Dolorès Bakela. À noter que cette figure d’empouvoirement n’est pas forcément hétérosexuée.

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En tout cas pour Shay, la jolie garce brille en collectif, entourée d’autres jolies garces aussi puissantes qu’elle. Pas étonnant que sa force de caractère ait tapé dans l’oeil de Ricardo Tisci. En 2019, elle participe à la campagne « Burberry Festive » de la maison britannique.

Pourtant, Shay par exemple, est systématiquement ciblée par les critiques pour son image jugée trop sexy. En 2018, un déferlement d’insultes vient suivre la sortie du clip de son morceau Jolie. En cause ? Les cinq secondes où la belge « twerke » en sous-vêtements.

Shay est l’une des premières sur la scène francophone à être venue avec un style propre à elle, qui n’était pas le cliché de ce qui était attendu d’une rappeuse auparavant. -Kevin Layno

Ces injonctions, liées à l’apparence et au franc-parler des rappeuses, ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà au milieu des années 90, les paroles ultra explicites et les looks sulfureux de Lil Kim, première reine du rap (bien avant Nicki Minaj), en ont choqué plus d’un. À la sortie de son album Hard Core en 1996, la rappeuse originaire de Brooklyn se voit accuser de pervertir les plus jeunes qui l’écoutent.

Avant d’entamer sa carrière, Lil Kim fait partie de la Junior M.A.F.I.A. Un groupe composé de ses amis de Brooklyn, dont les légendaires Notorious B.I.G et Lil’ Cease. Dans le clip de leur morceau culte Get Money, elle est entourée d’hommes-objets, une manière d’inverser les rôles et de prendre une revanche sur toutes ces fois où les femmes ont été objetisées, notamment par le biais des video vixens, ces figurantes que l’on retrouve très fréquemment dans les clip de rap.

Dans les années 90, la video vixen est synonyme d’apparitions secondaires et superficielles. Elle se pavane autour du rappeur, incarne sa petite amie ou sa maîtresse. Bien trop souvent à cette époque, il n’est pas considéré choquant de lui attribuer un rôle dégradant pour l’image de la femme. En 2003, le rappeur californien Snoop Dogg arrive sur le tapis rouge des MTV Awards avec, « comme accessoires », deux femmes qu’il tient en laisse.

Le style de Young M.A

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Le style de Lala &ce

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Le style de Lala &ce

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Le style de Lala &ce

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Le style de Chika

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Le style de Chika

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Le style de Chika

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Le style de 070 Shake

Le style de Quay Dash

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Le groupe Yo! Majesty

Le style de 070 Shake

Le style de 070 Shake

Le style de la chanteuse allemande Kim Petras

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