5 défilés marquants de Thierry Mugler
Il n’est pas rare d’entendre des amateurs de mode de tout âge murmurer que « la mode, c’était mieux avant ». Malgré l’inventivité sans faille des designers d’aujourd’hui, on doit reconnaître que rien n’égale la mode des années 80. La cause ? C’est à cette période que le vestiaire féminin tente toutes les extravagances.
Un créateur résume à lui-seul la fantaisie des eighties, c’est le français Thierry Mugler. Fondateur de la marque Café de Paris en 1973, le strasbourgeois qui rêvait de devenir danseur de ballet ouvre sa maison éponyme en 1974. Mugler arrive dans le womenswear pour imposer un style bien défini : les tailles sont pincées, les décolletés s’alourdissent et les épaulettes des vestes sont mastoques. Un look sensuel que les célébrités comme les anonymes s’arrachent.
« Ma mesure, c’est la démesure » disait-il. Futuristes, érotiques, insolites et parfois insolentes. Les collections de Thierry Mugler s’accompagnaient de spectacles hors normes faisant du couturier un réel metteur en scène.
La preuve en 5 défilés légendaires.
Le défilé Thierry Mugler automne-hiver 1984-1985
Nous sommes le 23 mars 1984. Thierry Mugler ne se fait pas encore appeler Manfred Thierry Mugler et sa maison éponyme fête ses 10 ans. À l’occasion de cet anniversaire, la présentation de la collection Mugler automne-hiver 1984-1985 donne lieu à une grande fête.
Le styliste a l’idée d’organiser son défilé au Zénith de La Villette, mythique salle de concert parisienne. Il ouvre son défilé au public, une première en Europe, et c’est devant pas moins de 6 000 spectateurs que sera présentée cette collection qui fait appel au mystique.
3…2…1…. Le show commence dans la pénombre. Derrière un nuage de fumée apparaît une Vierge auréolée descendue du ciel, littéralement. Elle est vêtue d’une longue robe blanche sertie de pierres formant une étoile bleue sur son abdomen, symbole qui deviendra plus tard la silhouette du parfum Angel de Thierry Mugler. La Vierge s’avance vers la devant du podium avec les bras ouverts, presque prête à accorder une bénédiction divine au public.
Au bout du catwalk, des mannequins ailées enveloppées dans de courtes robes soyeuses n’ont d’yeux que pour la madone. Une miraculeuse pluie de confettis s’abat sur la scène : l’enfant terrible de la mode entérine sa réputation de couturier-metteur en scène.
Le défilé Thierry Mugler automne-hiver 1988-1989
Chaque défilé Thierry Mugler explore une obsession du créateur et transporte l’audience dans un univers surréaliste. Pour sa collection automne-hiver 1988-1989 intitulée Les Infernales, le designer présente une armée de femmes au look machiavélique.
Ce n’est pas une mais plusieurs mannequins qui s’avancent collectivement sur le podium et déambulent aléatoirement sous les crépis des flashs des photographes. Leurs lèvres sont teintées d’un pigment sombre, leurs cheveux sont coiffés de cornes, et le total-look noir est omniprésent. La femme Mugler possède en elle cette pointe de malice qu’on adore détester chez les méchant.e.s au cinéma.
À la seule différence des vilains dans les films, les mannequins dansent sur le podium, rappelant que les shows de Monsieur Mugler sont toujours une fête.
Le défilé Thierry Mugler Haute Couture automne-hiver 1995-1996
En 1995, Thierry Mugler célèbre ses 20 ans au Cirque d’Hiver. Comme pour la décennie précédente, cet anniversaire est célébré comme il se doit : en fanfare.
Ce défilé est une véritable rétrospective de l’univers Thierry Mugler : robes hyper-corsetées au niveau de la taille, combinaisons ajourées grâce à un jeu d’empiècements en tulle transparent, robes de soirée glamour… Ici, on nous rappelle que le vestiaire Mugler est un condensé d’oeuvres d’art.
Parmi la centaine de silhouettes présentées, on retient plusieurs looks mémorables. La robe noire avec une poche qui s’ouvre au niveau des fesses, l’armure robotique, ou encore la robe coquillage inspirée du tableau La Naissance de Venus (Sandro Botticelli). Des pièces qui ont été créées en collaboration avec le sculpteur-plasticien Jean-Jacques Urcun. On pense également au corset en or que Beyoncé portera bien des années plus tard dans le clip de Sweet Dreams.
Toutes les femmes Thierry Mugler sont représentées dans cette collection. Sur le podium, les mannequins professionnels se mélangent aux mannequins d’un jour à l’image d’une Rossy de Palma qui foule le catwalk. Quand on revoit aujourd’hui les images de ce show d’exception, on constate que le couturier avait à coeur de parler à toutes les femmes puisqu’il met en avant dans son casting une belle diversité de morphologies. Le tout sans en faire un argument marketing.
« J’estime que la mode est un spectacle » a un jour dit le designer dans une interview télévisée. « C’est une mise en scène quotidienne donc de là à pousser la chose jusqu’à la mise en scène, c’est logique pour moi. »
Des danseurs se déhanchent en petite culotte autour des mannequins et au moment du final, c’est sur un air de James Brown que le créateur et ses muses saluent le public.
Thierry Mugler Couture Automne-Hiver 1997-1998
Et le vestiaire devint bestiaire ! Encore aujourd’hui, les images de ce défilé Haute Couture errent quotidiennement dans notre esprit. Les Chimères, du nom de cette collection, a révélé aux yeux du monde l’obsession de Thierry Mugler pour la vie sauvage. Si Dieu créa la femme, Mugler créé ainsi la femme-insecte.
La femme-insecte porte la veste de tailleur ceintrée qui dévoile sa taille XXS et arrondie ses hanches. Les vêtements en cuir et les plumes la rendent sensuelle et l’imprimé animal de son manteau étale son côté félin. « Les insectes ont une silhouette ressemblant à une armure avec un design très futuristique. Ils sont en phase avec l’époque, et cette époque est au coeur de mon domaine de recherche » a déclaré Thierry Mugler.
C’est une certaine Adriana Karambeu, métamorphosée en créature venue d’ailleurs plus vraie que nature qui clôt le défilé. La mannequin est habillée d’un corset à écailles serti de cristaux créé avec l’aide du corsetier de légende Mr. Pearl. Tout autour de son armure abdominale, des écailles recouvrent son corps et du crin de cheval borde les manches de cette robe qui fait l’effet d’une seconde peau. C’est la robe Mugler la plus chère au monde.
En 2022, quelques de ces hypnotisantes créations ont été présentées à l’exposition Thierry Mugler, Couturissime au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Le défilé Thierry Mugler automne-hiver 2001-2022
« La mode a été un vrai véhicule émotionnel et artistique dans les années 70, 80 et 90, le look était extrêmement important. C’était un vrai jeu, mais ça ne l’est plus. J’ai poussé la mode à son maximum, mais aujourd’hui, la création est limitée par l’argent, le marketing et le rythme fou des collections. » Après avoir régner sur la mode des années 70-80 et vécu l’âge d’or du prêt-à-porter dans les années 90, les années 2000 changent le cours de la mode.
La raison ? La concurrence se fait rude dans l’industrie et la fast-fashion commence à attirer les masses. Un nouveau phénomène qui pousse les créateurs à changer leurs stratégies de commercialisation.
Nous sommes le 12 mars 2001, durant la Fashion Week de Paris. Dans le contexte de l’époque, Thierry Mugler présente son ultime collection : « Les Fauves ». Comme l’indique son nom, elle donne vie à des créations félines ornées d’imprimé léopard et bordées de plumes.
Les mannequins prennent l’apparence de bêtes sauvages, sans doute pour dire que la femme Mugler est indomptable malgré ce que la société patriarcale dans laquelle nous vivons prétend.
C’est le sourire aux lèvres que Thierry Mugler apparaît à la fin du défilé. Il fait ses adieux officiels à sa maison éponyme mais garde un pied dans la mode puisqu’il se tourne alors vers le métier de créateur de costumes.
Tout au long de sa carrière, le couturier français est resté fidèle à sa volonté de saluer la beauté et le courage des femmes.
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