Violences sexuelles et gynécologiques : une information judiciaire ouverte à l’encontre du professeur Daraï

Certaines patientes le qualifient de « boucher ». Le professeur Daraï, spécialiste de l’endométriose à l’hôpital Tenon situé à Paris, est visé par 21 plaintes. Le 3 janvier 2022, une information judiciaire a été ouverte à son encontre pour « violences par personne chargée d’une mission de service public », précise Le Parisien.

Après de nombreuses plaintes pour viols et une enquête interne, il a été démis de ses fonctions de chef de service et de responsable pédagogique. Mais Émile Daraï continue d’exercer à l’hôpital Tenon en tant gynécologue-obstétricien.

Demande de suspension le temps de l’instruction

Mardi 8 mars 2022, journée internationale des droits des femmes, la manifestation organisée à Paris s’empare de cette affaire. Le cortège va terminer son parcours devant l’hôpital Tenon

« Nous allons demander la suspension du professeur Daraï le temps de l’instruction et dans le respect de la présomption d’innocence », indique Sonia Bisch, fondatrice et la porte-parole du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (VOG).

« Il continue à exercer sans problème, alors qu’il est visé par au moins 21 plaintes pour viols [sur mineur, en réunion et violences aggravées, ndlr] », poursuit la militante citée par Le Parisien.

L’avocate de 18 plaignantes, My-Kim Yang-Paya, affirme que ses clientes « prennent très mal le fait qu’Émile Daraï exerce toujours ». Selon elle, « deux autres [plaintes, ndlr] seront déposées dans les prochains jours. »

Dénoncé par des internes en médecine

Avec son #StopOmerta lancé sur Twitter, le collectif VOG a permis la libération de la parole de nombreuses patientes du professeur Daraï. En commençant par les témoignages de jeunes internes en médecine qui ont assisté à des scènes de violences inouïes.

« Sans prévenir, il l’insère [le spéculum, ndlr] dans le vagin de la dame. D’un coup. Elle se crispe sous la douleur. Ses muscles se contractent et font ressortir l’instrument. Le médecin le renfonce, plus fort« , racontait une étudiante. « Arrive le toucher rectal fait brusquement, sans prévenir, alors que la patiente avait pourtant dit non ! », rapportait un autre.

Ces étudiants se sont dit dépassés par les évènements, ne sachant souvent pas comment réagir. « J’ai envie de pleurer parce que je réalise que je viens d’assister à un viol et que je n’ai rien dit« , témoignait une étudiante sur Twitter.

Plusieurs externes et internes en médecine avaient pourtant déjà signalé ces agissements à des médecins de service, sans résultat.

Un « boucher »

Pour beaucoup de femmes atteintes d’endométriose, le professeur Daraï était considéré comme un véritable espoir contre leur maladie. Le spécialiste était recommandé par ses paires et les associations de patientes.

Il bénéficiait donc d’une grande reconnaissance, et d’une figure d’autorité qui a rendu la libération de la parole compliquée.

« C’est tellement un grand ponte que beaucoup de patientes se disaient qu’elles ne pourraient pas être entendues. C’est quelqu’un qui était recommandé par les associations de patientes. Elles attendaient six mois pour avoir un rendez-vous avec lui. Certaines le voyaient comme le messie. Elles comptaient sur lui pour réduire leur douleur ou pour avoir un enfant », explique Sonia Bisch. 

En septembre 2021, FranceInfo récolte des premiers témoignages de patientes du Pr Daraï. Certaines le qualifient même de « boucher ».

Agnès (le prénom a été modifié) raconte une agression sexuelle en 2014 : « il arrive et insère directement un spéculum de manière extrêmement violente, sans lubrifiant. Je pousse un cri, je sens la fissure que j’ai à ce moment-là qui se déchire, je sais que je suis en train de saigner. Il dit alors qu’il va procéder à un toucher rectal. Je lui dis : ‘non, non, pas de toucher rectal, je viens d’être opérée d’un abcès de la marge anale.’ Il ne me regarde pas. Il insère deux doigts dans mon anus, et je sens toutes les sutures qui craquent, les cicatrices qui explosent, j’ai une douleur absolument fulgurante, je me débats dans les étriers, je hurle. »

Elle ne sera pas la seule à rapporter des faits de violence similaires.

Les 2/3 des patientes précisent qu’on ne leur a pas demandé leur accord.

Mais, le rapport de la commission à l’AP-HP et Sorbonne Université publié en décembre 2021 « ne retient aucune connotation sexuelle alors que certains manquements ont été relevés dans le recueil du consentement à certains gestes ».

En effet, le consentement n’était pas toujours recueilli par le spécialiste. Comme le précise le rapport : « les 2/3 des patientes précisent qu’on ne leur a pas demandé leur accord. Certaines précisent que le Pr Daraï formule une phrase telle que ‘Je vais vous examiner et/ou je vais vous faire un toucher rectal’ mais l’examen débute avant que la patiente ait pu formuler un refus, comme si le consentement de la patiente était implicite ».

Le professeur Daraï conteste tous les faits qui lui sont reprochés.

« Malgré les plaintes et la médiatisation de l’affaire, il exerce toujours », déplore Sonia Bisch. « En France, nous avons encore énormément de mal à remettre en cause la figure du médecin qui fait autorité. Il y a aussi une grande confraternité dans le milieu médical et encore beaucoup d’impunité. »

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