Un sommeil fragmenté pourrait bien vous faire mourir précocement

Si un sommeil de qualité est l’une des clés de la bonne santé, on pourrait désormais calculer notre espérance de vie, selon la façon dont nos nuits se déroulent. 

C’est en tout cas ce qu’argue une nouvelle étude, publiée le 22 juillet 2022 dans le journal scientifique npj Digital Medecine

L’équipe de chercheur.ses du département de médecine de l’Université de Stanford ont ainsi fait émerger un nouvel indicateur santé : l’âge du capital-sommeil

“L’âge de sommeil est un âge projeté, en corrélation avec la santé d’une personne, en fonction de la qualité de son sommeil. Par exemple, si vous analysez les caractéristiques du sommeil de dizaines de personnes de 55 ans et faites la moyenne, vous aurez une idée de ce à quoi ressemble le sommeil à cet âge. Par exemple, quelqu’un qui a 55 ans et qui dort profondément toute la nuit avec des cycles REM (sommeil paradoxal, ndlr) de bonne qualité pourrait, théoriquement, avoir un âge de capital-sommeil de 45 ans”, explicite la journaliste scientifique Emily Moskal, dans un article publié sur le site de la prestigieuse université. 

Les perturbations du sommeil, un indicateur santé négligé

Pour en venir à leurs conclusions, les scientifiques ont évalué 12 000 études portant sur les caractéristiques des individus pendant leur sommeil, notamment les “mouvements du menton et des jambes, la respiration et le rythme cardiaque”, précise l’étude.

“Leur objectif était de développer un système de mesure qui attribue un âge de sommeil à chaque personne, en identifiant les variations du sommeil les plus étroitement liées à la mortalité”, rapporte The Independent

En effet, depuis des années, les chercheur.ses s’attèlent à faire la lumière entre la qualité du sommeil et la bonne santé des individus. Et comme le rappellent ces travaux récents, nombreuses sont les études qui désignent le changement des habitudes de sommeil comme un des premiers indicateurs d’une santé qui se dégrade

« Par exemple, environ cinq ou dix ans avant que d’autres symptômes n’apparaissent chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, une perturbation spécifique du sommeil se produit au cours de laquelle le patient agit violemment en rêvant, crie ou donne des coups de poing dans un mur », peut-on lire dans l’étude.

À long terme, un sommeil fragmenté est un danger pour la santé 

Interrogé par Emily Moskal, le Pr Emmanuel Mignot, instigateur de l’étude, explique pourquoi cet “âge de sommeil” est un indicateur à prendre en compte, afin de prévenir le développement de pathologies mortelles.

“Lorsque vous dormez, vous êtes déconnecté des ‘entrées sensorielles’ – vous n’êtes, idéalement, pas dérangé par le monde extérieur bruyant ou les lumières vives. Pendant le sommeil, ce n’est pas seulement le cerveau qui suit un programme automatique, mais la fréquence cardiaque et la respiration changent également, et leurs variations peuvent être des signes précoces d’un trouble de la santé. Nous passons environ un tiers de notre vie à dormir, c’est donc un élément important de notre bien-être général”, répond-t-il.

Ainsi, selon l’expert, la découverte majeure de son équipe est la suivante : la fragmentation du sommeil – « lorsque les gens se réveillent plusieurs fois au cours de la nuit pendant moins d’une minute et sans s’en souvenir », précise-t-il – est « le meilleur signe avant-coureur de mortalité ».

« Les chercheurs rapportent que ce type de perturbation du sommeil est différent du moment où une personne se rend compte qu’elle se réveille, comme cela est rapporté dans les troubles du sommeil comme l’insomnie et l’apnée du sommeil », souligne The Independent

Calculer l’âge de sommeil pour prévenir les risques de crise cardiaque, d’AVC et d’Alzheimer

Pr Mignot a également partagé la méthode utilisée par son équipe pour calculer cet « âge de sommeil ».

« Nous avons utilisé un programme d’apprentissage automatique pour prédire l’âge de sommeil en introduisant des données d’étude sur le sommeil et l’âge de chaque personne dans ces programmes. Cela nous indique à quoi ressemble un sommeil moyen à un âge donné. L’algorithme reconnaît les modèles dans les données et utilise ces informations pour déterminer un âge de sommeil. Une fois l’algorithme construit, nous pouvons l’utiliser pour attribuer des âges de sommeil supplémentaires. Pour certaines personnes, leur âge de sommeil semble beaucoup plus ancien que leur âge chronologique », rapporte-t-il dans l’étude.

« Nous pouvons utiliser la différence entre leur âge chronologique et leur âge de sommeil pour prédire la mortalité, en partant de l’idée qu’un âge de sommeil plus avancé est un indicateur d’un problème de santé. Et, en effet, nous avons constaté que les personnes dont l’âge de sommeil est plus avancé par rapport à leur âge réel courent un risque accru de mortalité, en fonction du sommeil des patients décédés plus tard », poursuit-il. 

Pour autant, l’expert admet que pour le moment, « on ne sait pas comment un mauvais sommeil cause, exacerbe ou résulte de ces conditions« . Afin d’éclairer les zones floues, l’Université de Stanford poursuit ses recherches afin de prévenir l’apparition future de crises cardiaques, d’accidents vasculaires cérébraux et de la maladie d’Alzheimer « qui causent la mortalité », en étudiant les schémas de sommeil.

De l’importance d’une hygiène de sommeil personnalisée

Car, si le travail des chercheurs est essentiel, c’est parce que l’individu seul ne peut calculer l’âge de son sommeil.

« Il y a énormément de choses à prendre en compte. Même si vous avez un âge de sommeil plus avancé que votre âge chronologique, cela ne signifie pas que votre risque de mortalité sera plus élevé. Vous voyez des gens fumer et boire de l’alcool à la chaîne à 90 ans et vous vous demandez : ‘Comment cette personne survit-elle si longtemps ?’. Il y a toujours d’énormes variations naturelles. Se coucher et se réveiller à des heures régulières est une clé pour améliorer son sommeil. Cela signifie ne pas trop dormir mais s’assurer que vous êtes complètement reposé. Mais la durée de la nuit parfaite n’est pas la même pour tout le monde« , souligne-t-il. 

Ainsi, les chercheurs insistent : si vous avez tendance à vous réveiller la nuit, votre santé n’est pas forcément en danger. L’important est de se sentir reposé.e.

« Il faut avant tout mettre en place une hygiène de sommeil qui nous convient. Et soigner son sommeil, comme son alimentation par exemple. S’exposer à la lumière – de préférence avec la lumière extérieure – pendant la journée, garder l’environnement de sommeil sombre la nuit, faire de l’exercice régulièrement mais pas trop près de l’heure du coucher, ne pas boire d’alcool et de caféine à l’heure du coucher et éviter les repas lourds la nuit contribuent tous à une bonne nuit. Et, bien sûr, assurez-vous que tout trouble du sommeil est traité », recommande le spécialiste, auprès du blog de Stanford.

Comme le martèle l’étude, un changement dans les habitudes de sommeil doit alerter et conduire à une consultation médicale.

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