Télétravail : mon employeur doit-il me fournir du matériel et rembourser mes frais ?

En France, cette année 2020 aura marqué un tournant dans la mise en place à grande échelle du télétravail. Après un confinement total de presque trois mois, un déconfinement en demi-teinte suivi d’un été et d’une rentrée flous, nous voilà reconfinés pour au moins 1 mois, afin de tenter d’enrayer la deuxième vague de la pandémie de Covid-19.

Depuis l’annonce du reconfinement, les membres de l’exécutif appellent à un télétravail “généralisé” dès que cela est possible. Mais cette généralisation du travail à distance pose question : les employeurs ont-ils des obligations pour garantir sécurité et/ou confort de travail à leurs salariés ?

En télétravail, des obligations de santé et de sécurité envers les salariés

C’est une question très large mais la réponse se base sur un principe simple : l’employeur a une obligation de résultat en terme de santé, pour ses salariés dans le cadre de leur travail. Cela se traduit dans le cas général par le repérage des risques professionnels (physiques et psychiques), la mise en place de mesures de prévention (formations, équipements de protection collectifs ou individuels, temps de pause minimaux, etc)”, rappelle pour débuter le Dr Grégoire Gallet, médecin du travail en Loire-Atlantique/Morbihan. Il insiste ensuite sur les risques inhérents à l’éloignement et l’importance de la mise à disposition d’outils de communication et d’échanges réguliers entre collaborateurs. 

“L’employeur a des obligations de santé et de sécurité envers ses employés, que ce soit en présentiel ou en télétravail. Il doit ainsi pouvoir s’assurer que les personnes sont correctement installés chez eux, leur fournir du matériel informatique adapté, et au besoin, la possibilité d’une aide extérieure pour analyser le confort de ce poste de travail à domicile, si tant est que le salarié accepte d’ouvrir son domicile”, corrobore Caroline André-Hesse, avocate au barreau de Paris. 

Un prime ou indemnité de télétravail au bon vouloir des employeurs

Les règles concernant le télétravail de manière générale s’appliquent-elles dans le cadre de la pandémie et du travail à distance induit et généralisé ? Oui et non. L’experte en droit du travail, Caroline André-Hesse explique qu’il faut “distinguer en premier lieu deux situations : celle du télétravail “dégradé” que l’on a vécu, de manière un peu forcée depuis le confinement en mars et le télétravail classique, mis en place par accord entre l’entreprise et les salariés”.

Alors si le principe général du droit du travail s’applique, et que les employeurs sont de fait tenus de s’assurer de l’ergonomie des installations et que le matériel soit bien adapté pour tous, qu’en est-il de la situation actuelle ? “Au vu de la situation sanitaire qui pousse la plupart des employés à travailler à distance pour des questions de sécurité, il faut faire certaines concessions. Ainsi, un salarié qui a mal au dos par exemple, car son aménagement à domicile n’est pas optimal, et ce depuis mars 2020, sa contestation sera moins audible que dans le cadre d’un véritable accord télétravail”, explique l’avocate. 

Au vu de la situation sanitaire qui pousse la plupart des employés à travailler à distance pour des questions de sécurité, il faut faire certaines concessions.

Dans les faits, le Dr Grégoire Gallet rappelle que si le droit invite les employeurs à mettre à disposition de ses salariés “les outils nécessaires à la réalisation de leur travail”, cela semble varier en fonction des situations, et des chartes et accords établis dans chaque structure. “Certaines participent sous forme de prime forfaitaire à l’achat du mobilier, à la prise en charge de frais divers (électricité, forfait internet, etc) alors que certaines ne fournissent qu’un ordinateur portable et/ou un téléphone”, détaille-t-il.

Avant de rappeler que le guide du télétravail publié par le Ministère du Travail explique bien que “l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui le prévoit”. 

Concernant maintenant la question de « l’indemnité d’occupation », elle ne peut pas être réclamée en tant de Covid car en temps « normal » l’employeur met à disposition des locaux. Pour ce qui est des indemnités de transports, a priori, seuls les salariés qui bénéficient d’un abonnement annuel doivent de fait recevoir 50% de leur dépense. Et enfin pour les repas, les tickets des restaurants sont normalement maintenus en fonction des jours travaillés, mais aucune disposition n’a été apportée concernant celles et ceux qui bénéficient par exemple d’une participation à un restaurant d’entreprise. Une nouvelle fois, cela dépend des accords dans l’entreprise. 

Quels recours possibles pour la prise en charge de matériel ?

Si la loi ne dispose donc pas de prise en charge forfaitaire pour les salariés en télétravail, ni de cadre très clair concernant cet accompagnement, y a-t-il des recours possibles notamment en cas de troubles musculo-squelettiques dus à une mauvaise ergonomie du poste de travail à domicile ? 

Pour Caroline André-Hesse, c’est avant tout une question de dialogue. “Si la situation d’inconfort perdure, le salarié peut tout à fait solliciter ses délégués du personnel, son manager ou le service des ressources humaines afin de savoir comment son entreprise peut l’aider à améliorer son poste de travail à domicile, en remboursant par exemple une partie de son forfait internet ou certaines factures de matériel. Quoiqu’il en soit, il faut pouvoir en parler pour que les personnes en charge se saisissent de ces questions le plus rapidement possible”, conseille-t-elle. 

Le médecin du travail doit rester le premier interlocuteur pour ce qui concerne la santé au travail, les pathologies ayant un impact ou une origine liée à l’activité professionnelle.

Un dialogue nécessaire pour le Dr Gallet qui explique que “le médecin du travail doit rester le premier interlocuteur pour ce qui concerne la santé au travail, les pathologies ayant un impact ou une origine liée à l’activité professionnelle et les aménagements de postes”. Mais qu’il est évidemment toujours “possible pour un salarié de solliciter son correspondant RH pour évoquer ses conditions de travail en général”.

De la nécessité de revoir les accords d’entreprise 

Dans un cadre général, le Dr Gallet confie que dans son activité personnelle, “il n’est plus si rare de solliciter des financements pour des aménagements au domicile des salariés : des fauteuil ergonomiques, des dotations en double-écrans, des rehausseurs d’ordinateurs portables, voir des bureaux spécifiques (assis-debout, bureaux réglables en hauteur)”. 

Une situation qui risque fort de s’intensifier avec cette crise sanitaire et le télétravail généralisé.

Comme le résume Grégoire Gallet, “la question de la prise en charge des frais est clairement active (autant sur le plan du dialogue social que sur le plan juridique avec la jurisprudence) et va probablement renforcer la nécessité de cadrer par des accords et chartes les conditions du télétravail pour les entreprises qui ne l’ont pas encore fait. 

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