Santé : un chirurgien ORL vous dévoile les bons gestes pour prendre soin de vos oreilles !

L’hygiène de nos oreilles tourne parfois à l’obsession ! On vous dévoile les bons gestes et ceux à éviter.

Interview du Dr Olivier Morineau, chirurgien ORL et auteur du Livre noir du coton-tige (éd. Jouvence).

• La majorité d’entre nous utilise des cotons-tiges pour nettoyer ses oreilles. Un réflexe dangereux, dites-vous. Pourquoi ?

Les cotons-tiges rentrent dans nos oreilles. Or, ils n’ont rien à faire là ! Les risques les plus fréquents sont l’apparition de démangeaisons d’oreille puisque la peau a été irritée et la cire protectrice, éliminée. On risque aussi de provoquer une plaie de la peau du conduit auditif. Cette gestuelle contribue aussi à la survenue de bouchons de cérumen puisqu’on le repousse à l’intérieur du conduit. Plus grave, mais plus rare : une perforation du tympan. Heureusement, dans la majorité des cas, un tympan perforé cicatrise. Enfin, l’utilisation de cotons-tiges est susceptible de traumatiser les petits osselets. Conséquences : l’apparition d’une baisse d’audition parfois importante.

• Et si l’on a recours aux cotons-tiges uniquement pour nettoyer l’entrée du conduit auditif ?

Cela ne présente aucun danger, à condition de se limiter à l’entrée du conduit, et de ne pas y faire pénétrer les cotons-tiges. Cela n’est pas simple : nous avons tous été conditionnés à nettoyer nos oreilles en allant au fond du conduit auditif. Beaucoup d’entre nous pensent d’ailleurs que ces dernières ne sont pas propres s’ils n’y enfoncent pas le coton-tige. Ce rituel est d’ailleurs fort agréable pour certains : cela pourrait s’expliquer par le fait que le conduit auditif est très innervé (notamment par une branche du nerf vague, relié d’une part au cerveau et d’autre part aux organes) et que sa stimulation entraîne des sensations de plaisir. Pour bien nettoyer nos oreilles, on peut tout à fait avoir recours à un linge (ou à un mouchoir jetable) humide. Et nettoyer l’entrée du conduit avec un doigt. La fréquence dépend quant à elle de la production de cérumen de chacun : toutes les semaines pour certains, chaque mois pour d’autres. L’oreille est un cul-de-sac naturellement autonettoyant donc évitons une hygiène excessive !

• Comment éliminer un bouchon de cérumen ?

Un bouchon provoque souvent la sensation d’oreille bouchée parfois associée à des acouphènes. Il faut le retirer uniquement s’il entraîne une baisse d’audition (on peut perdre jusqu’à 30 décibels, comme si on avait une boule Quiès dans l’oreille). D’ailleurs un bouchon peut être présent depuis un certain temps sans que l’on ait des symptômes si le conduit n’est pas totalement obstrué. Et pendant une baignade, l’eau parvient à s’infiltrer et le bouchon se retrouve au contact du tympan. Résultat : une baisse d’audition. Dans ce cas, on a recours à des gouttes ou sprays (Audispray®, Stérimar oreille®, Céruspray®, Cérulyse®…) qui ramollissent et dissolvent le cérumen afin de pouvoir ensuite décoller le bouchon. On attend quelques heures. Seconde étape : on effectue un lavage d’oreille avec une poire spécifique (vendue en pharmacie) dans laquelle on met de l’eau savonneuse à 37 °C. Cette technique est en revanche à bannir si l’on est atteint d’une perforation du tympan. Les personnes au tympan fragile ont souvent souffert d’otites à répétition dans l’enfance. Si le lavage avec la poire ne fonctionne pas, consultez votre médecin généraliste. S’il ne parvient pas à retirer le bouchon, il vous orientera vers un médecin ORL. Ce dernier dispose d’instruments spécifiques (petit aspirateur avec canule fine, curette, micro-pince…) pour éliminer le bouchon. Cette opération s’avère parfois un peu douloureuse, la peau du conduit étant très sensible.

• Vous avez dit cérumen ?

Cette sécrétion faite de corps gras protège la peau du conduit auditif. Le cérumen empêche l’eau de rentrer dans l’oreille. Il recèle aussi des éléments antiseptiques et antifongiques qui freinent le développement des bactéries et des champignons.

• D’où vient le bouchon de cérumen ?

La cause principale est l’utilisation d’un coton-tige ! Plus rarement, il peut être dû à une inflammation de la peau du conduit : en cause, une prédisposition génétique, ou le fait d’être atteint d’une dermatose (eczéma, psoriasis…) dont les lésions s’étendent aux oreilles.

• Mimikaki, quèsako ?

Un art ancestral japonais, sophistiqué et codifié, qui consiste à faire nettoyer ses oreilles à l’aide d’instruments, dont le Mimikaki, une longue tige en métal ou bambou, à l’extrémité recourbée en mini-cuillère afin de recueillir le cérumen. D’abord pratiqué en famille ou par un médecin, ce rituel n’est plus considéré comme un geste médical depuis 2005. Depuis, on trouve au Japon des boutiques spécialisées où les clients (surtout des hommes) abandonnent leurs oreilles entre les mains expertes de jeunes femmes à la gestuelle lente et précise. Une séance d’extase par les oreilles, aux accents régressifs et érotiques, qui répond aussi à une recherche de sécurité affective. Il paraît même que certains clients s’endorment pendant la séance…

ÉGLANTINE GRIGIS

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