Quand le couple doit faire face à la maladie
Quand surgit un ennui de santé, la vie à deux se retrouve souvent bouleversée. Entre le malade et son conjoint, l’équilibre devient instable. Chaque histoire est unique comme le montrent ces confidences.
Chloé, 22 ans, Lille, étudiante en communication : « il s’est montré compréhensif »
« La maladie de Crohn m’est tombée dessus il y a quatre ans. A mes boutons d’acné se sont ajoutés les diarrhées chroniques, les gaz et la perte de poids. Tout ça n’était pas très glamour ! J’étais une ado pas très bien dans mon corps et j’appréhendais les flirts. Et puis il y a eu Tom. Ça a été le coup de foudre. A notre rencontre, j’étais très angoissée. C’était gênant d’aller aux toilettes souvent et d’y rester longtemps. Comme je tenais à lui, j’ai préféré lui expliquer. Il s’est montré compréhensif. Depuis six mois, on vit ensemble. Il est là, à mes côtés, sans préjugés, même si, au quotidien, il reste toujours des moments gênants… »
Eric, 56 ans, Avignon, architecte d’intérieur : « son dévouement a tué notre relation »
« Quand j’ai perdu la vue à la suite d’une infection virale, mon compagnon a arrêté de travailler pour s’occuper de moi. Il gérait l’intendance, cuisinait et préparait les injections de médicaments. En se transformant en infirmier, nous ne pouvions plus avoir de relation de couple. Il a fini par se perdre dans son dévouement. Un jour, je lui ai demandé de partir. Il fallait qu’il s’envole. Nous avons commis l’erreur de tout mélanger. Nous aurions dû demander l’aide d’un professionnel. »
Isabelle, 47 ans, Clichy, secrétaire : « J’ai découvert sa face sombre »
« Je suis en dépression après un burn-out professionnel. Depuis mon arrêt de travail, il y a cinq mois, le quotidien avec mon époux est tendu. Je découvre, au bout de seize ans de mariage, un homme radin et désagréable. Toutes les discussions tournent autour de l’argent, car les indemnités journalières affectent notre train de vie. C’est un reproche permanent. En prime, je devrais astiquer la maison et lui mijoter des plats, puisque, selon lui, je ne fais rien de mes journées ! Et mon état ? Apparemment, il s’en fiche. Pour lui, je dors, je pleurniche et je paresse. J’aimerais le quitter, mais je n’en ai pas l’énergie. »
Charles, 70 ans, Saint-Mandé, commerçant à la retraite : « Nous vivons une nouvelle histoire »
« Après trente-six ans de mariage, deux enfants, trois petits-enfants, mon épouse faisait presque partie des meubles ! J’étais comblé par mon nouveau rôle de papy et je n’avais pour elle que peu d’attentions. La flamme de notre si lointaine jeunesse semblait éteinte. Et puis il y a eu mon infarctus. A l’hôpital, j’ai lu dans le regard de ma femme que je pouvais compter sur elle. On a eu si peur tous les deux. Cette peur, ça a été le déclic. La puissance de nos sentiments s’est alors réveillée. Moi, j’avais oublié combien je l’aimais. Depuis, on écrit ensemble une autre histoire pleine de tendresse et de complicité retrouvée. »
Sandra, 45 ans, Nevers, agente d’accueil : « Il n’a pas assumé mon handicap »
« Pendant une dizaine d’années, j’ai vécu dans une sorte de déni avec ma sclérose en plaques. Avec mon conjoint, on pratiquait un sport, on voyageait et nous étions complices. Et puis mon état s’est dégradé. Plus possible alors pour moi de partager toutes ces activités avec lui. Il n’a pas supporté. Il m’appelait « Robocop » à cause de ma démarche et disait que j’étais fatiguée sans raison. Ses paroles blessantes me faisaient souffrir. J’ai été hospitalisée pendant six jours et je n’ai pas reçu le moindre signe de sa part. Pour me préserver, j’ai mis fin à dix-neuf ans de vie commune. Ça n’a pas été simple côté financier, mais j’y ai gagné en sérénité. »
3 questions à Catherine Adler-Tal*, Psycho-oncologue et sexologue
Comment analyser les bouleversements de la maladie sur le couple ?
Chaque contexte est différent… Voilà pourquoi on rencontre de multiples réactions : regain d’amour, sentiment d’impuissance, difficulté à exprimer ses émotions, déni de la maladie… Quand le couple est solide, le conjoint reste, car il a peur pour sa moitié. On peut aussi s’interroger sur les motivations de ceux qui partent : manque de maturité ? Résurgence d’un ancien traumatisme ? Egoïsme ? Il arrive que la rupture soit initiée par le patient. La maladie sert alors de prétexte. En somme, elle agit comme un révélateur. Elle ne sépare ni ne rapproche, mais révèle la nature de la relation.
Quels conseils donneriez-vous ?
Le malade doit exprimer ses besoins et ceux-ci doivent être entendus. En effet, un conjoint trop paternaliste risque d’étouffer l’autre. A l’inverse, s’il se montre trop distant, le malade se sent alors renié dans sa souffrance. Le plus difficile est donc de trouver la bonne distance entre maternage excessif et pseudo-indifférence. Le dialogue favorise l’entente et évite d’accumuler rancœurs et émotions. Par ailleurs, accompagner l’autre, c’est aussi savoir se préserver. C’est pourquoi le conjoint valide doit s’octroyer des moments pour lui, sans culpabiliser. Enfin, il est nécessaire de conserver des projets à mener ensemble, même de petites choses simples du quotidien. Si la situation est douloureuse, ne pas hésiter à faire appel à un psy spécialisé.
Quels sont les impacts d’un corps abîmé sur la sexualité ?
Un corps douloureux a du mal à recevoir du plaisir, il est nécessaire de s’adapter. On peut manifester son amour par de la tendresse, des caresses et de la sensualité. Le lien tactile demeure essentiel et doit être conservé. Par ailleurs, la maladie provoque souvent des troubles de l’image corporelle et une perte d’estime de soi. Les femmes craignent de ne plus être désirables et les hommes redoutent de ne plus être à la hauteur. Afin d’éviter un repli sur soi, il faut en parler ensemble.
* Elle exerce à l’Institut Rafaël et est vice-présidente de l’association Etincelle.
Où s’adresser ?
• Aux associations de malades spécialisées dans une pathologie, elles offrent un soutien psychologique et certaines proposent des groupes de parole.
• A des groupes de parole organisés par les hôpitaux, ils permettent de s’exprimer autour de la difficulté du couple et d’échanger avec d’autres malades.
• A l’Association française des aidants. Elle organise des rencontres (Café des aidants) animées par un travailleur social et un psychologue. aidants.fr.
>A découvrir également : De la jolie lingerie pour se sentir féminine après un cancer du sein
Source: Lire L’Article Complet