Pourquoi les confessions intimes de stars se multiplient sur Netflix et cie

  • Après Gims, c’est au tour de Bigflo et Oli de se dévoiler dans un documentaire disponible sur Netflix.
  • Depuis quelque temps, la promo classique dans les médias a laissé place au temps long sur les plateformes de streaming.
  • Une stratégie payante pour les artistes, dont la communication est bien rodée, mais aussi pour les géants de la vidéo à la demande, qui y voient un intérêt marketing.

Bigflo et Oli sur Netflix, Mylène Farmer sur
Prime Video, Billie Eilish sur
Apple TV+, Justin Bieber sur YouTube Premium… Il pleut des stars sur les plateformes de streaming ! Depuis plusieurs années déjà, les personnalités prennent le temps de se confier dans un format qui leur est dédié, comme
Beyoncé en 2013 avec Life Is But a Dream. Mais avec la multiplicité des géants de la vidéo à la demande, les artistes (du monde de la musique en particulier) sont de plus en plus nombreux à s’installer dans nos salons, prendre le thé avec nous et tout nous raconter. Enfin presque.

On ne peut évidemment pas revenir sur une vie entière en une heure et demie. S’imposent alors des choix : quelles choses montrer ? Quels sujets aborder ? Quels thèmes éviter ? « Ça fait forcément partie d’une stratégie globale de communication, note Stéphane Jobert, responsable du pôle Media & Event chez Uprightly, un bureau de conseil stratégique. C’est piloté par la star et elle a un droit de regard dessus, donc elle va valider les éléments qu’elle veut faire diffuser. » Une façon pour les artistes de montrer leur sensibilité tout en en maîtrisant le cadre.

Se confier dans un documentaire, c’est s’inscrire dans une stratégie d’image qui prône l’honnêteté, la fragilité et la ressemblance avec le commun des mortels. « On mélange l’authenticité et le consentement. C’est de l’authenticité consentie, rapporte Fadhila Brahimi, spécialiste en communication et en image pour les leaders. On est aussi dans cette ère où l’on se dit que si on doit raconter quelque chose, “il vaut mieux que ce soit moi qui le dise plutôt que quelqu’un d’autre.” »

La faute aux réseaux sociaux

Le foisonnement récent de ces longs formats qui plongent le spectateur dans les coulisses de la vie d’une star n’est pas anodin. Il découle en fait d’une réalité devenue habituelle aujourd’hui : le partage de son quotidien sur les réseaux sociaux. « Ils permettent de casser la glace, de donner un côté plus humain aux célébrités, indique Stéphane Jobert. Les documentaires vont aussi dans ce sens et poussent la stratégie à ce qu’il y ait moins de distance entre elles et leur public. »

« Il y a cette nécessité de raconter sa vie en continu, en temps réel, on l’a observé avec tous les médias sociaux où l’on partage du off », relate Fadhila Brahimi, coautrice du livre Web 2.0, 15 ans déjà et après ? 7 pistes pour réenchanter Internet. L’émotion spontanée et l’interaction avec le public permises par les réseaux sociaux ont donc soulevé l’envie d’entretenir le temps long. Tout cela avec l’aspect « premium » d’un documentaire, mis en valeur par les plateformes de streaming et dont les moyens de production mettent au même rang les stars américaines et françaises.

L’intérêt « économique et marketing » des plateformes

Choisir Netflix, Prime Video ou Apple TV+ plutôt qu’une bonne vieille chaîne de télévision « c’est du bon sens en termes d’image » selon Fadhila Brahimi. Dans ce système de communication bien maîtrisé par les artistes et leurs équipes, les géants de la vidéo à la demande ne sont pas en reste. « Il y a forcément un intérêt de communication de la part des stars et un intérêt économique et marketing de la part des plateformes, soutient Stéphane Jobert. Il y a d’un côté la célébrité qui permet de communiquer à forte valeur ajoutée sur son image, et de l’autre la plateforme qui se permet d’attirer un public ciblé qu’elle va pouvoir valoriser. »

Avec des documentaires sur Gims ou Bigflo et Oli, Netflix veut attirer un certain public. S’il répond présent et que le succès est au rendez-vous, la plateforme a tout intérêt à renouveler l’exercice avec des artistes similaires. Tous ces éléments deviennent alors des informations utiles à son marketing pour l’avenir.

Et les fans dans tout ça ?

Au final, à qui s’adressent tous ces documentaires ? Aux fans, dans un premier temps, toujours à l’affût d’une anecdote, d’une information sur la vie privée de leur idole ou d’une nouveauté quelconque. Toutefois, afficher ses forces et ses faiblesses reste une belle promesse pour les moins initiés. Quand Mylène Farmer livre les coulisses de son spectacle pendant plus de deux heures, « ce n’est pas pour son audience acquise, c’est pour son audience d’acquisition, analyse Fadhila Brahimi. Elle sent que pour attraper une audience plus jeune, il lui faut ça. »

D’après Stéphane Jobert, « la stratégie est payante dès lors que l’on arrive à capter un public autre que les fans. » Pour cela, il faut que les célébrités acceptent de dévoiler une part d’eux-mêmes dans le but d’attirer un large spectre de spectateurs. L’exemple le plus récent est donné par Gims, qui confesse avoir été membre d’une secte islamiste dans le film qui lui est consacré. Un extrait qui a beaucoup fait parler de lui, et qui a sans nul doute piqué la curiosité des abonnés Netflix.

Un risque persiste autour de l’abondance des documentaires à propos des stars de la chanson : celui d’en dire trop. Quelle relation Mylène Farmer va-t-elle entretenir avec ses fans, elle qui a toujours cultivé le mystère ? Cela ne risque-t-il pas de créer un manque et d’engendrer une frustration ? Heureusement, Gims, lui, n’a toujours pas retiré ses lunettes noires.

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