Pourquoi la Trilogie marseillaise de Marcel Pagnol est-elle culte ?
Des personnages mythiques, un décor ancré dans nos imaginaires, un souvenir d’enfance en noir et blanc mais joyeux. Pour quelles raisons regardons-nous encore la trilogie de Marius, Fanny et César ? Et si Marcel Pagnol était notre madeleine de Marcel Proust ?
La Trilogie marseillaise de Marcel Pagnol raconte la Provence de l’entre deux-guerres. Aussi locale qu’universelle, universelle parce que locale, les aventures de Marius, Fanny et César, passionnent encore. Reprises par des metteurs en scène et réalisateurs de différentes générations, les tragédies de Pagnol traversent le temps. Mais comment font-elles, pour nous parler, encore, plus de 60 ans plus tard ?
Décryptage d’une mini-saga littéraire et cinématographique culte.
Pour l’amour de la Provence
Pour les débats enflammés au comptoir du bar de la Marine. Pour les parties de cartes au Pastis sur un coin de table, plus loin dans le bar. Pour celles de pétanques, aussi passionnées, et cette question existentielle devenue réplique culte, « Tu tires ou tu pointes ? ». Pour les négociations à tue-tête sur le marché du Vieux Port. Pour l’accent chantant, exagéré, jamais moqué.
Pour la manière dont l’auteur provençal a transformé du local en universel. Pour la nostalgie de sa terre natale, et la tendresse qu’il lui porte, que l’on ressent puissamment et qui nous parle, quelque soit notre point de départ et final.
Pour sa manière d’écrire, de décrire la Provence, comme s’il peignait une aquarelle colorée. Pour les sons, les odeurs, les goûts, qui s’éveillent, à la lecture comme au visionnage. Pour la Provence, terre du septième art, depuis 1895. Cette année-là, naissait Marcel Pagnol à Aubagne, et quelques kilomètres plus loin, à la Ciotat, le cinéma des frères Lumière.
Pour la passion shakespearienne qui unit Marius à Fanny
Marius travaille au comptoir du Bar de la Marine, qui appartient à son père, César, mais ne rêve que de prendre la mer. Épouser Fanny, qu’il aime follement, ou suivre enfin son rêve ? Fanny, impuissante face à l’obsession de Marius de sortir du port, l’encourage à embarquer à bord de « La Malaisie ».
Voilà deux mois que Fanny n’a plus de nouvelles de Marius, parti en mer, lorsqu’elle découvre être enceinte de lui. Il faut « sauver l’honneur », pense sa mère Honorine, qui la pousse à épouser Panisse. Panisse est veuf, riche, fou amoureux d’elle, et heureux de cette « descendance » qui lui tombe du ciel. Le bébé est à peine né que Marius pose les pieds sur la terre ferme : désormais, il ne veut rien d’autre que retrouver Fanny et récupérer leur fils.
Fanny, Panisse, et même et surtout son père César (parrain du nouveau-né) s’y opposent. Tragique : Marius doit s’incliner devant la femme qu’il aime, son nouveau conjoint, son père, pour préserver son enfant.
Vingt ans plus tard, à la mort de Panisse, Marius revient pour la première fois à Marseille. Il livre sa vérité devant son fils, qui comprend à quel point ses parents s’aimaient dans leur jeunesse. Sa mère, désormais veuve et libre, peut enfin retrouver ce père qu’on lui a caché, pense-t-il. Et il mettra tout en œuvre pour les réunir.
Faite de passion et déchirements, sur fond de terribles dilemmes à cause des mœurs de l’époque : l’histoire d’amour tragique entre Fanny et Marius séduit, toujours, de générations en adaptions.
Pour César, la troisième partie qui n’a failli jamais exister
La Trilogie marseillaise a failli ne jamais en être une. Mais c’était sans compter la rencontre providentielle de Marcel Pagnol avec une vielle dame, qui lui confia ne pas vouloir mourir sans connaître le dénouement de son histoire. L’écrivain et dramaturge, élu à l’Académie Française, bloqué jusque-là, à la moitié du scénario, retrouve l’inspiration en lui improvisant un récit. C’est Pagnol qui racontait lui-même cette anecdote.
Volterra, le producteur et propriétaire de théâtre, et Raimu, l’acteur qui joue César, sont brouillés, d’autres acteurs aux précédents castings sont devenus de grandes stars et se montrent indisponibles. Le projet s’annonce tout de même compliqué à concrétiser. Mais Marcel Pagnol ruse, fait un bond de vingt ans dans le temps et tourne l’intrigue autour de Césariot, le fils de Marius et Fanny, devenu grand garçon.
Il trouve une solution à chaque différend, chaque absence : il écrira directement son troisième volet pour le cinéma (les deux premiers ont d’abord été conçus pour le théâtre) et le réalisera lui-même. Le film sortira en novembre 1936. Merci Madame.
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