Pour Disiz, « le rap est comme une ex » avec qui on s’entend toujours
- En mars dernier, le rappeur Disiz a dévoilé son nouvel album L’Amour, qui a depuis été certifié disque d’or.
- Alors que sa tournée sillonne actuellement la France, l’interprète de Rencontre fait salle comble. Pour ses dates à Paris, la billetterie a même été liquidée en quelques minutes.
- 20 Minutes a rencontré Disiz pour revenir sur ce succès, mais aussi sur le thème de l’album, l’amour. L’occasion également de discuter de sa relation avec le rap, dont il s’affranchit un peu plus à chaque album.
25 ans de carrière et plus une dizaine d’albums plus tard, le rappeur Disiz est revenu en force au printemps dernier avec l’album « L’Amour ». Un retour remarqué désormais disque d’or qui remplit les salles de concert cet automne. Un retour encore plus remarquable alors que l’artiste ne cache pas avoir dû lever le pied face au chaos post-divorce dont il a dû faire face dans sa vie personnelle, en témoigne son titre Poids lourd : « C’est le bordel dans ma vie, dans ma tête, je veux me refaire le portrait ». Dans un café de l’est parisien, 20 Minutes rencontré Disiz pour revenir sur sa vision de l’amour, mais aussi sur sa relation avec le rap.
La tournée du dernier album « L’Amour » a repris cet automne. Comment se passent les premières dates ?
Ça se passe super bien, j’en suis très content. C’est une sorte de printemps dans ma carrière où le succès refleurit. Ça se transpose par des salles pleines de gens qui chantent les morceaux de A à Z, même ceux qui ne sont pas sortis en single. C’est hyper agréable de vivre ça. J’ai déjà eu cette chance dans ma carrière, mais là c’est particulier parce que j’ai justement toute cette expérience derrière moi et je l’apprécie d’autant plus parce que je sais que c’est difficile à obtenir.
Est-ce un nouveau public dans la salle ou reste-t-il quelques fidèles même après 25 ans de carrière ?
C’est impressionnant parce qu’il y a une partie du public qui me suit depuis longtemps, une autre qui m’a découvert avec l’album « Pacifique ». Mais la grande majorité du public, peut-être les deux tiers, vient parce qu’ils ont vraiment apprécié le dernier album et ils ne savent pas forcément que j’ai toute une carrière derrière.
Il y a quelques semaines, la billetterie pour la Salle Pleyel a ouvert à Paris. Phénomène assez dingue, les deux premières dates ont été remplies en seulement quelques minutes. Une troisième date a finalement été rajoutée. Vous vous attendiez à ce succès ou au départ ou vous vous étiez dit qu’une seule date suffirait ?
Au départ, nous nous disions que nous allions remplir la première date et poser une option sur la seconde. Nous pensions la remplir en un ou deux mois, pas moins. Et puis la deuxième est partie plus vite que la première, alors nous avons décidé d’en rajouter une troisième. Ce n’était pas absolument pas prévu et je ne savais pas qu’il y aurait autant d’intérêt.
Le succès, c’est aussi celui de l’album « L’Amour », désormais disque d’or. Le public a pu découvrir un nouveau Disiz, plus sensible, plus sincère. Qu’est-ce que vous avez voulu montrer avec cet album ?
J’ai toujours été sensible, mais ce qui est différent cette fois, c’est le masque qui tombe. Avant, j’étais sincère, mais pas totalement sincère. Sur certains sujets, j’avais encore de la pudeur qui provenait en partie de la vie dans laquelle j’étais. J’étais marié et je savais qu’aborder certains thèmes, ça allait avoir certaines répercussions dans ma vie personnelle. Il a fallu d’abord que j’assume et que j’arrête de contourner la réalité dans ma propre vie pour pouvoir aborder certains sujets dans ma musique et dans mes textes.
Vous consacrez un album entier à l’amour – ce qui est plutôt rare dans le rap – mais aussi à d’autres sujets peu habituels dans ce style musical : le divorce, les ruptures, ou encore la santé mentale. Cet album, c’était une sorte de thérapie ou une façon de sensibiliser à ces sujets à travers la musique ?
Au départ, j’avais surtout envie de faire le plus beau disque et la plus belle musique que je pouvais faire à mon niveau, mon expertise, avec mon expérience. Dans la musique, ce que j’aime au-dessus de tout c’est la soul avec des artistes comme Marvin Gaye ou Nina Simone, ou encore Prince même si ce n’est pas de la soul. Ce sont des artistes qui me touchent profondément parce qu’ils sont optimums partout : dans l’interprétation, dans l’émotion, dans l’écriture, dans la musicalité. Sauf que moi j’avais plein de barrières qui m’empêchaient de m’essayer à ce registre-là, parce que j’ai l’âge que j’ai, parce que je viens du rap qui a un cahier des charges compliqué à respecter. Il fallait s’affranchir de tout pour enfin y arriver, c’était mon seul but. Mais je n’avais pas la prétention de me positionner en grand maître de l’amour.
Ce qui intéressant dans cet album, c’est qu’il n’y a pas une seule vision de l’amour, pas uniquement « le beau, le sublime ». Il y a des ruptures dévastatrices dans Tue l’amour, mais aussi des relations plus futiles dans Week-end lover, des rencontres dans le feat avec Damso. Cet album vous a-t-il fait grandir sur votre vision de l’amour ?
Je suis encore dans ma thèse sur l’amour, dans une sorte de période de recherches. Il y a des choses qui sont désenchantées, d’autres qui sont encore renforcées. Je continue d’analyser, de chercher, d’essayer de comprendre. Nous sommes un peu éduqués à une vision idéalisée de l’amour, à trouver une partie qui nous complète. C’est dans l’inconscient collectif, une sorte de pression sociale. J’essaye de faire la part des choses, voir ce que ça représente un peu pour moi. J’ai fait des choix très jeunes, très engageants. Mais ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas envie de devenir un vieil aigri de l’amour, donc je fais attention.
Il y a aussi la relation avec le rap qui change dans cet album, avec beaucoup plus de musiques chantées que dans les précédents albums. Si le rap était une de vos relations, ça serait plutôt une ex ou plus une vieille amie avec qui on ne partage plus grand chose ?
C’est une ex, mais une ex avec qui il y a eu tellement d’amour qu’on ne se veut pas de mal. On peut toujours se revoir pour discuter, faire un petit morceau, il n’y a pas de souci. Mais ce n’est plus de mon âge en vrai. J’aurais l’impression d’être ridicule à 44 ans à essayer de raper et avoir un champ lexical de jeune, parler le ghetto. Je peux très bien le faire, je le connais et j’ai grandi là. Mais moi personnellement, j’aurais l’impression de devenir ridicule.
Le nouveau Disiz s’affranchit des codes, ça va désormais plus que loin que le rap et la pop. Comment on arrive à ce travail-là après toutes ces années ?
Désormais, je fais ce que je veux comme je l’entends. Par le travail que j’ai fait, j’ai réussi à trouver ma texture sonore à moi, ma manière de faire du son, qui est emprunt de plein de choses. Il y a beaucoup de funk, de soul, de musiques des années 1980, beaucoup de musiques expérimentales. J’ai réussi à trouver ma marque de fabrique… et je la cherchais depuis très longtemps. Ce mélange, c’est le même travail que va fournir un peintre ou un sculpteur dans un atelier. C’est que de l’essai. Tu essayes, tu essayes, tu essayes… puis tu mets à la poubelle et tu refais. C’est trois, voire quatre années de travail.
De cet album, est né aussi le label « Sublime ». C’était quoi la volonté de créer ce label, une sorte d’indépendance ?
J’ai toujours eu une indépendance, mais je voulais créer le label dans lequel j’aurais aimé être à 20 ans afin de mettre à profit mon expérience. La première raison, c’est de protéger l’environnement psychologique d’un jeune artiste. Moi, ça m’a énormément affecté et heureusement que j’avais cette mentalité-là et que j’avais été éduqué par ma mère qui a qui a un arsenal psychologique et une volonté incroyable. Mais j’ai vu plein de gens dans ma carrière arriver dans l’industrie du disque, être au top et un an après ne plus exister. Il y a même eu des suicides. J’ai donc créé un label où les bonnes choses étaient placées au centre : l’artistique et la santé mentale des artistes. Pour l’instant, ils sont deux Rounhaa et Luther et ils sont très forts. Deux autres devraient arriver.
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