Pédocriminalité dans l’Église : un quart des victimes avaient entre 6 et 10 ans

Depuis la publication accablante en octobre 2021 du rapport de la commission Sauvé, la reconnaissance de la pédocriminalité commence à faire son petit bout de chemin dans l’Église. Notamment pour l’indemnisation et la reconnaissance des victimes.

Début 2022, l’Instance nationale de reconnaissance et de réparation (Inirr) est entrée en activité. Ce mercredi 6 avril 2022, elle a rendu son premier rapport face à une assemblée générale à Lourdes (Hautes-Pyrénées), composée d’évêques français, puis lors d’une conférence de presse, rapporte Le Parisien.

« 526 personnes se sont adressées à l’Inirr entre le 17 janvier et le 5 avril », a précisé Marie Derain de Vaucresson, la présidente de l’Instance nationale de reconnaissance et de réparation. 

Une majorité d’hommes et de mineurs

Grâce aux chiffres et données rendus publics ce mercredi soir, le profil des victimes a pu être affiné. Si le rapport Sauvé estimait que 80% des victimes étaient des hommes, le nombre de dossiers reçus par l’Inirr concernent à 68% des hommes.

« La part de femmes est plus élevée que dans le rapport de la Ciase [La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, NDLR], ce qui montre peut-être leur plus grande facilité à faire cette démarche », constate la juriste Marie Derain de Vaucresson.

Ce premier état des lieux de l’Instance nationale de reconnaissance et de réparation révèle aussi « un petit rajeunissement (…), avec une majorité de personnes âgées de 56 à 70 ans. » « Des moins de 30 ans s’adressent aussi à nous ces dernières semaines, le plus souvent victimes d’agresseurs laïcs dans le cas de mouvements de jeunesse », décrit la présidente de l’Inirr.

Dans 70% des cas les violences sexuelles ont été vécues entre 11 ans et 15 ans.

Cette dernière observe aussi la tranche d’âge moyenne des victimes au moment des faits : « Dans 70% des cas les violences sexuelles ont été vécues entre 11 ans et 15 ans. Et pour presque un quart des victimes, entre 6 et 10 ans. Sur la durée, on a 15% de situations où les violences ont été vécues sur des périodes extrêmement longues, de 3 à 20 ans ».

Manque de référents pour l’accompagnement 

Mais parmi les 526 personnes qui se sont adressées à l’Inirr, uniquement « 54 situations ont été accompagnées ». Un chiffre faible et insuffisant que la présidente reconnaît.

« Ce n’est pas satisfaisant, je l’ai dit aux évêques. Cela démontre la difficulté à structurer et à recruter des salariés et des référents de situation. On ne peut pas uniquement fonctionner avec des bénévoles. » L’Inirr travaille actuellement avec un seul référent salarié. La présidente estime qu’il faudrait que ce chiffre passe rapidement à 5.

« Les référents sont les personnes qui accompagnent les victimes, après une prise de contact et le renseignement informatique du dossier, afin d’assurer une traçabilité des demandes et des échanges », explique Le Parisien. « Après deux ou trois rendez-vous en moyenne », l’accompagnement est finalisé. 

Leur rôle est donc indispensable et leur nombre insuffisant au vu du nombre de personnes qui font leur demande à l’Instance nationale de reconnaissance et de réparation. 

Indemnisations et reconnaissance

Les référents doivent permettre un accompagnement et une finalité. Les victimes qui se sont fait connaître à l’Inirr demandent à l’Église une reconnaissance et/ou une réparation financière. Certaines demandent aussi une rencontre avec un évêque ou un autre acteur de l’Église.

Un quart des personnes qui nous sollicitent ne demandent pas de réparation financière.

« Un quart des personnes qui nous sollicitent ne demandent pas de réparation financière. Mais il faut nuancer, parce que cette donnée concerne l’entrée dans la démarche. Elle peut évoluer dans un sens ou dans l’autre », estime Marie Derain de Vaucresson.

Mais la question de l’indemnisation n’a toujours pas été tranchée.

« Nous travaillons sur cette question avec la Corref [Conférence des religieux et religieuses de France, NDLR]. […] Elle envisage de réaliser une échelle, avec des niveaux, un plancher et un plafond. Notre option est, de la même manière, de pouvoir arriver à une évaluation de la gravité et des conséquences pour apprécier un niveau de réparation financière qui ne sera qu’une contribution. Évidemment, on ne fait jamais assez pour les victimes. »

En charge de recueillir l’argent nécessaire pour l’indemnisation et l’accompagnement des victimes, le fond Selam a assuré en janvier 2022 avoir récolté 20 millions d’euros, indique Le Parisien. Deux enveloppes ont déjà été prévues, comme le précise son président, Gilles Vermot-Desroches. 

Une première de « 5 millions d’euros », affectée à « l’accompagnement financier » des victimes. Et une seconde de « 1 million d’euros » destinée aux « démarches de prévention et de mémoire. »

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