Paris : les pièces de théâtre coups de cœur à découvrir au printemps

Au fil du printemps et jusqu’au début de l’été 2023, la rédaction a soigneusement sélectionné cinq pièces de théâtre aussi détonantes que passionnantes.

Dans Angels in America, la mise en scène d’Arnaud Desplechin bouleverse et raconte le lien qui unie quatre hommes, dont deux atteints du Sida (Syndrome de l’ImmunoDéficience Acquise). Si la maladie est évoquée, l’homophobie qui l’accompagne y est également décriée. Questions existentielles et réflexions spirituelles alimentent aussi les 44 tableaux de la pièce.

Dans Drive Your Plow Over the Bones of the Dead, une retraitée mène l’enquête après la disparition de son voisin. Le chef d’œuvre aborde pêle-mêle : l’astrologie, le rapport entre l’humain et l’animal, l’écoféminisme… et remet l’humanité au coeur du sujet.

Café Müller, elle, philosophe à travers la danse et les chaises de café qui l’animent. Tandis que Périmètre de Denver de Vimala Pons interroge le réel en lui-même. Loufoque et transcendante, la circassienne joue sept personnages et crée à elle seule un univers au-delà de tout imaginaire.

Pour finir en beauté, Hen est la pièce LGBTQIA+ à voir au mois de mai 2023. Celle qui signifie « iel » en suédois est un hymne au simple fait d’être soi.

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"Angels in America", mise en scène par Arnaud Desplechin

Voilà trente ans, Angels in America de Tony Kushner, « fantaisie gay » et grande fresque des années sida, montée dans son intégralité (sept heures), secouait les planches de San Francisco. Le temps a passé, la réalité de l’épidémie est autre. Pourtant l’œuvre, ici concentrée en trois heures et quarante-quatre tableaux, ne perd rien de son acuité et de l’émotion suscitée par les destins croisés de ses héros : quatre hommes, un quinquagénaire et trois trentenaires homosexuels dont deux, malades.

Metteur en scène, Arnaud Desplechin en tire un drame intime et classique avec plateau divisé, projections pour figurer les différents décors, scènes alternant réalisme et onirisme, crudité des situations et prophéties. Il réunit vivants et fantômes et embrasse tour à tour les thèmes de l’homophobie, de la spiritualité, de la corruption.

Sa version, créée en 2020 et de retour au Français, vaut par son éblouissante distribution : Dominique Blanc, épatante dans six rôles, Michel Vuillermoz, odieux mais vivant Roy Cohn, Clément Hervieu-Léger, sensibilité à fleur de peau, et surtout Jérémy Lopez, ambigu et poignant dans le rôle de l’amant qui s’échappe inexorablement.

De Tony Kushner, avec aussi Florence Viala, Jennifer Decker, Julien Frison, Gaël Kamilindi, jusqu’au 14 mai à la Comédie-Française, salle Richelieu.

A.S

"Le Périmètre de Denver", de Vimala Pons

Seule en scène dans son nouveau spectacle, l’actrice et circassienne se livre à un ahurissant tour de force, interprétant pas moins de sept personnages dans une sorte de jeu de Cluedo un peu dingo et délicieusement attachant. C’est une Vimala bibendum qui ouvre la soirée : au début du Périmètre de Denver, son solo créé l’an dernier, l’actrice Vimala Pons porte des couches de vêtements, des prothèses faciales, des cuisses augmentées et se livre à un abracadabrant effeuillage, entre tour de magie et tour de force : comment fait elle, qui plus est, pour poser sur sa tête un menhir ou une voiture grandeur nature comme qui rigole ?

Avec Grande, spectacle culte de 2016, le public découvrait combien elle savait mêler haute voltige et bizarreries. Combien elle avait l’art des pirouettes. Rien de très linéaire non plus dans ce que raconte ce Périmètre : à partir d’une intrigue infime – un homme est mort, une enquête est menée –, l’artiste nous embarque dans un centre de thalasso où s’ébrouent un hydrothérapeute pour chiens, un agent de sécurité ou encore une Angela Merkel, accent allemand à l’appui, qui énonce de fausses citations du dalaïlama. Un Cluedo barjo, pour le moins.

Le « périmètre de Denver », paraît-il, désigne la zone de notre cerveau qui s’active lorsque nous mentons : chez Pons, qui plus elle s’effeuille, plus elle nous gruge, cette zone est merveilleusement sans limite.

De et avec Vimala Pons. Du 12 au 23 avril au Centre Pompidou, Paris 4e.

T.J

"Drive Your Plow Over the Bones of the Dead", une mise en scène de Simon McBurney

La Polonaise Olga Tokarczuk a commis le génial Sur les ossements des morts, roman écolo-féministo-policier. Le pape anglais de la mise en scène Simon McBurney en tire un conte de fées technoïde sur notre rapport au vivant.

De Simon McBurney avec Thomas Arnold, Johannes Flaschberger, Amanda Hadingue, Kathryn Hunter… Du 7 au 17 juin au Théâtre de l’Odéon, Paris 6e.

T.J

"Café Müller", de Pina Bausch

Des palanquées de chaises de café : on s’y affale, on les renverse. Des arias de Purcell déchirants. Une danse entre marche funèbre, statuaire religieuse et précipitations. Le ballet phare de Pina Bausch, créé en 1978, ressuscite à La Villette et nous promet bien des émois.

De Pina Bausch avec Didon d’Henry Purcell… Du 6 au 12 juillet à la Grande Halle, Paris 19e.

T.J

"Hen" de Johanny Bert

Hen, c’est une sorte de « iel » en suédois. C’est aussi le nom de la cabaretière queer à qui le metteur en scène et marionnettiste Johanny Bert donne vie. Révélation du Off d’Avignon 2019, cette ode au hors-norme n’en finit pas de tourner.

De Johanny Bert avec Olivia Burton… Du 9 au 27 mai au Théâtre de l’Atelier, Paris 18e.

T.J

Ces critiques ont été initialement publiées dans le magazine Marie Claire numéro 848, daté mai 2023.

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