« On a tous besoin d’une thérapie » , considère Frédéric Pierrot

Retour sur le divan. Après avoir fait un carton sur Arte  en saison 1, En thérapie, l’adaptation du format israélien d’  Hagai Levi par Olivier Nakache et Éric Toledano, revient pour de nouvelles séances ce jeudi sur  Arte.tv. Dans cette saison 2, qui se déroule au sortir du premier  confinement, Philippe Dayan, toujours incarné par Frédéric Pierrot, reçoit de nouveaux patients : Inès (Eye Haïdara), une avocate solitaire, Robin (Aliocha Delmotte), un adolescent en surpoids victime de harcèlement scolaire, Lydia (  Suzanne Lindon), une étudiante et Alain (Jacques Weber), un chef d’entreprise pris dans une tourmente médiatique. Le psychanalyste navigue dans le flou vis-à-vis de sa pratique analytique, mise à mal par un procès et va consulter une nouvelle contrôleuse, Claire (  Charlotte Gainsbourg). Analyse des nouveaux enjeux avec Frédéric Pierrot.

Illustration

L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires

Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n’hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton « J‘accepte pour aujourd‘hui » dans le bandeau ci-dessous.

Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.

Le succès de la saison 1 d’« En Thérapie » a-t-il créé une proximité particulière avec les spectateurs ?

C’est possible, mais je bénéficiais déjà un peu de cela avant de faire la série. Les gens ne connaissent pas forcément mon nom, mais exprimaient une sensation de proximité. C’est très agréable, cela me convient tout à fait. Sans doute, la série, parce qu’elle a été très suivie, a accentué cela. Je suis toujours épaté de la délicatesse des gens. C’est toujours bienveillant et discret. Je ne suis pas trop abordé, je peux me promener dans la rue et avoir le bon sentiment de solitude qui convient.

Est-ce que vous avez regardé « BeTipul » ou d’autres adaptations ?

Quelques années avant de faire la série, par hasard, j’étais tombé un soir sur un épisode d’In Treatment. J’ai regardé un ou deux épisodes de BeTipul, parce qu’Emmanuel Finkiel, je crois, m’a parlé d’un moment particulier.

Au moment de la saison 1, vous avez évoqué l’impossibilité de filmer le travail analytique. De nombreux spectateurs disent avoir eu l’impression de revivre leur analyse…

Tant mieux ! Moi, pareil. En Thérapie revisite des thèmes universels dans un temps suffisamment long et à une fréquence particulière. Certains regardent toutes les semaines à la télévision, les plus avides plongent quarante-huit heures dedans. Effectivement, il y a une sensation étrange de l’écoulement du temps. Une analyse peut être longue, parfois sur plusieurs années. On arrive à atteindre à des moments des effets de vérité. Tout d’un coup, on se rend compte que, ce qui vient d’être dit, a une importance particulière. Et on laisse ce temps-là exister. Je comprends que ça puisse fonctionner, mais on se doute bien aussi que ce n’est pas en sept séances que les choses se font. Cela peut donner cette impression, évidemment fausse.

En parlant de temps, la saison 2 démarre après une ellipse de cinq années, comment avez-vous abordé ce nouveau Philippe Dayan ?

Il y a eu un an entre les deux saisons. En cinq ans, il peut ne rien se passer comme se passer beaucoup de choses. Dayan a déménagé, il s’est séparé de sa femme, etc. Une chose qui ne change pas cependant : il continue de faire le même métier de manière amendable ou critiquable. Je ne me suis pas énormément posé beaucoup questions en dehors du fait de proposer un aspect physique un peu différent, moins bien rasé, les cheveux un peu plus longs. Il n’y a pas besoin de tellement plus. Et, d’une façon délicate et discrète, au début et à la fin des séances, on a un peu plus d’indications qu’en saison 1 sur ce qui pourrait éventuellement le tourmenter.

Cette saison post-confinement semble paradoxalement un peu moins en vase clôt que la précédente…

Il a emménagé dans une maison avec jardin. La thématique du procès l’emmène forcément à l’extérieur, puisqu’il va au tribunal. Dans le premier épisode, il rencontre ses avocats. Il y a aussi ses retrouvailles chez sa contrôleuse avec cette ancienne amie d’enfance. On a l’impression qu’effectivement, il y a un peu plus d’extérieur.

Jacques Weber, qui joue l’un des nouveaux patients de Dayan, a déclaré : « on est obligé de passer par le cœur de soi-même quand on tourne cette série », partagez-vous son ressenti ?

Bien sûr, de la même façon. De même qu’un psy au travail revisite constamment ses propres thèmes. Ce qui se passe chez ses patients le renvoie inévitablement à des choses qu’il a connues ou qu’il a traversées. Le procédé et le fait de tourner rapidement en quinze jours, c’est très intense. Cela suppose de lâcher prise, de tomber les masques et de se retrouver un peu nu. Ce n’est plus le comédien, mais la personne que je suis au travail, dans cette proposition d’échange sur un texte pas directement de ma propre expérience, mais qui a à voir de près ou de loin. C’est ce qui fonctionne si bien aussi chez les spectateurs, c’est que ça à voir, de près ou de loin, avec des choses qu’on connaît. Et on n’évacue pas trop les sujets, on creuse, on fait donc le travail qu’on essaie de faire dans un travail analytique ou psychothérapeutique, c’est-à-dire d’affronter les problèmes et ne pas les éviter.

« En Thérapie » offre aussi un espace de parole rare dans notre société moderne…

Éric [Toledano] a employé le mot « cacophonie ». C’est bizarre, mais je vis un peu comme un moine. Je n’écoute plus la télé, je ne lis plus les journaux ou très peu. Je fais le minimum parce que j’ai cette impression de bruit, de paroles creuses, un peu vide de sens. C’est assez effrayant. Il faut essayer de se recentrer. La série rompt cette cacophonie d’une façon qu’on peut trouver austère, mais, moi, j’ai toujours trouvé que c’était assez joyeux tout ça. Je me réjouis d’apprendre que cela a incité des gens à consulter. C’est épatant parce que je trouve qu’on en a tous besoin.

Comment voyez-vous la relation entre Dayan et sa nouvelle contrôleuse ?

Au début, il va la voir pour une mauvaise raison. Il n’est pas dupe de ça. La possibilité d’un dialogue commence à se faire, petit à petit, d’égal à égal. En saison 1, cela partait sur un conflit assez fort avec Esther, jouée par Carole Bouquet. Au fond, ce qui est intéressant dans cette saison 2, c’est qu’il n’y a pas de conflit d’emblée. Il arrive avec une petite pointe curiosité parce que Claire a eu un gros succès éditorial. Petit à petit, il y a une vraie écoute, comme l’a très bien dit Emmanuel Finkiel, quelque chose circule entre les deux très naturellement. Il y a des résonances patentes entre eux comme deux musiciens qui cherchent à vibrer ensemble.

Comment s’est passé la collaboration avec Arnaud Desplechin, Emmanuel Bercot, Agnès Jaoui et Emmanuel Finkiel, les nouveaux metteurs en scène de la série aux côtés d’Eric Toledano et Olivier Nakache ?

Ils disaient tous, a priori : « On n’a rien à t’apprendre, tu as fait la saison une, c’est plutôt toi qui dois nous expliquer, chacun avec des formules très délicates. Arnaud [Desplechin], va envoyer des mails délicieux en disant : « J’ai tout à apprendre de toi pour cette série, et cetera ». Ce n’est pas le regard qu’ils ont sur moi qui compte, mais celui sur le travail en cabinet analytique, les partenaires et les contraintes de ce projet. Comment à la fois on y échappe, on le renouvelle et on reste dans ce cadre. C’est une sacrée jonglerie. Je fais partie des balles avec lesquelles ils jonglent. Arnaud a beaucoup découpé le travail. Par moments, je n’arrivais pas forcément à avoir toute la dimension de la durée de la séance, mais il a eu beaucoup d’égards vis-à-vis de Susanne [Lindon] et moi pour nous expliquer ce qu’il était en train de faire, et finalement, on s’y retrouvait. J’ai demandé à Emmanuelle [Bercot] de faire des longues prises de vingt minutes pour retrouver cette sensation de la durée de la séance, ce qui faisait dire à Jacques [Weber], à un certain moment : « J’avais l’impression d’être vraiment une séance ». [Agnès Jaoui] avait une attitude physique sur le tournage, très différente des autres. Agnès, au bout d’un moment, se mettait hors champ, bien sûr, mais pratiquement en tailleur sur le tapis devant Eye [Haïdara] pour la soutenir, pas tout le temps, mais souvent. Eric [Toledano] et Olivier [Nakache] avaient l’expérience de la première saison. Ils ont été proches d’[Aliocha] Delmotte. Honnêtement, ils me fichent un peu la paix. Quand ça se renverse sur moi, ils ont 23 variations à proposer qui sont généralement intéressantes et réjouissantes à faire, moi, je veux juste ne pas les gêner dans ce qu’ils sont en train d’essayer de faire. Au fond, c’est assez simple, comme pour une thérapie, il suffit d’être là à l’heure !

Source: Lire L’Article Complet