Odile Gautreau : "Tout le monde doit être représenté"

Odile Gautreau, alias @o.g.queen, n’est pas cool, elle est « woke ». Une attitude, plus qu’un adjectif. Ce mot d’argot afro-américain, qui incarne l’éveil des consciences face au racisme et aux injustices sociales, sied à la mannequin française comme un vêtement sur mesure.

Woke donc, sa bouille juvénile et solaire coiffée d’une afro rousse conquérante, son corps confort. À l’affût des tendances, les marques l’ont évidemment repérée. Nike d’abord, pour sa campagne « Bra » (brassières de sport) automne-hiver 2017, puis L’Oréal, qui la filme pour sa pub de mascara.

Body positive

Dérouiller l’imaginaire, rafraîchir la page, ou l’effet Odile Gautreau. Elle est, en France, l’un des visages du mouvement « body positive », dont l’enjeu est de valoriser et donner une visibilité aux corps sous toutes leurs formes.

Une enfance passée à essayer d’entrer dans le moule de Limours, petite ville rurbaine de l’Essonne où elle a grandi, une adolescence affamée par les régimes de Femme Actuelle recopiés dans son journal intime, la jeune femme, née d’une mère ivoirienne et d’un père vendéen, raconte son parcours du combattant vers l’acceptation de soi, rythmé par l’hyperphagie et les défrisages.

Bref, elle sait d’où elle parle. Et se dit délestée des normes pesantes de l’extrême minceur et du cheveu lisse. Fille de maintenant et de demain, la jeune femme rêve d’une société délivrée du racisme et des discriminations, éduquée au respect de l’autre dès l’école.

  • Elles prônent la skin positivity sur Instagram, et ça fait du bien !
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L’inclusivité au coeur de son combat

Inclusivité, « curve », sororité, elle balance les mots de l’époque en rafale avec une confiance désarmante. Ce fatras linguistique digéré sans hoquet par les réseaux sociaux ne parvient pas à occulter la bonne nouvelle : avec des filles comme Odile Gautreau, le corps politique remonte sur scène.

On n’avait pas vu ça depuis les luttes féministes des années 70. Corps vivant contre corps fiction, libéré des normes étouffantes d’un imaginaire aussi blanc qu’osseux, on respire mieux.

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Marie Claire : Vous êtes contente de faire la couverture de Marie Claire ?

Odile Goutreau : Trooop contente ! Cette couverture, c’est un peu un accomplissement, en vérité. D’habitude, une telle opportunité est réservée aux beautés un peu standard, je n’imaginais pas que c’était possible. D’un côté, je suis fière parce que cela incarne les valeurs que je défends personnellement, et de l’autre, ça va me permettre de toucher un spectre plus large, de parler davantage de l’inclusivité.

Ça recouvre quoi, pour vous, l’inclusivité ?

C’est arrêter de mettre de côté des personnes qui existent, arrêter de les invisibiliser du fait de leur ethnicité, leur morphologie ou leur spécificité physique. On peut y faire entrer le spectre du handicap aussi, jamais mis en avant dans la presse ou dans la mode. Au final, c’est inclure toutes les personnes qui composent la société. Tout le monde a le droit d’être représenté.

L’appropriation marketing de ces principes

Le mouvement « body positive » a le vent en poupe. Y voyez-vous un vrai marqueur d’évolution de la société ou un alibi marketing utilisé par les marques pour se doter d’une image « inclusivement correcte » ? Une sorte de « body washing » comme il y a le « green washing » ?

J’ai l’impression que depuis une dizaine d’années, et encore plus avec la nouvelle génération, on est dans une ère où les combats visent le long terme. Je ne pense pas que ça va s’évaporer. Le changement s’installe lentement mais sûrement.

C’est vrai que, souvent, les directeurs de casting cherchent à cocher les cases de la diversité, caucasienne, d’origine africaine, asiatique, maghrébine, je le vois souvent en fashion week ou dans des campagnes qui prônent l’inclusivité…

(…)

Retrouvez l’entretien intégral dans le numéro 823 de Marie Claire, daté avril 2021, en kiosque à partir du 4 mars. Un numéro collector avec huit interviews de femmes engagées (Leïla Bekhti, Juliette Binoche, Annie Ernaux, Odile Gautreau, Grace Ly, Aïssa Maïga, Elisa Rojas, et Lous and the Yakuza), qui font chacune la couverture de notre magazine, photographiées par Charlotte Abramow.

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