Néophobie alimentaire : quand la peur panique de goûter de nouveaux aliments s’invite à table

  • Qu’est-ce que la néophobie alimentaire ?
  • Une peur panique qui remonte à l’enfance
  • Un poids au quotidien
  • La nécessité d’un accompagnement adapté pour sortir de la néophobie alimentaire

Au fond, nous sommes peut-être tous un peu néophobes (soit la peur de ce qui est nouveau) en ce qui concerne notre alimentation. Au restaurant par exemple, nous restons dans notre zone de confort en commandant souvent les mêmes plats pour ne pas être déçus. 

Cependant, une personne souffrant d’une réelle néophobie alimentaire va avoir une peur panique de goûter à ces nouveaux aliments. Anxiété, angoisse, et par ricochet, de potentiels problèmes de socialisation peuvent alors apparaître. 

Qu’est-ce que la néophobie alimentaire ?

« La néophobie alimentaire est une réticence ou un rejet total à manger des aliments nouveaux », définit Karen Demange, psychologue spécialiste des troubles du comportement alimentaire (TCA).

On peut nommer cette phobie de différentes façons : néophobie alimentaire, trouble alimentaire sélectif (TAS) ou ARFID – Avoidant Restrictive Food Intake Disorder pour le diagnostic anglo-saxon.

« Il y a des personnes qui vont rester dans une néophobie flexible. Elles vont avoir des réticences à manger certaines choses, hésiter, triturer l’assiette, séparer les aliments, mais il n’y a pas de réel handicap. C’est l’enfant capricieux ou l’adulte difficile, ajoute la psychologue. Puis, il y l’hyper sélectivité alimentaire. On tombe alors dans un trouble psychiatrique, car il va y avoir de véritables répercussions quant à l’humeur ou à la socialisation. Le danger est, qu’à terme, on puisse dériver vers un trouble du comportement alimentaire. »

Une peur panique qui remonte à l’enfance

Cette phobie peut se déclarer dès l’âge de 6 mois et va ensuite se figer autour des 18 mois lors de la période de la diversification alimentaire chez l’enfant. Cela a été le cas de Marie, néophobe de 33 ans et autrice du livre Néophobie alimentaire et troubles de l’oralité chez l’ado et l’adulte.

« Je n’ai pas fait le passage aux morceaux vers mes 18 mois. Plus tard, je me suis rendue compte que cette néophobie était présente depuis la naissance puisque l’allaitement et la prise de biberons ont été compliqués. Il n’y a que la période des petits pots qui s’est bien passée. Peut-être parce que les goûts et les textures étaient très similaires », détaille la jeune femme.

Pourtant, les patientes que reçoit la psychologue n’ont posé le terme de néophobie alimentaire que très récemment alors qu’elles ont entre 25 et 35 ans. « Je savais que j’avais un problème, mais je ne connaissais pas le nom. J’ai découvert ce terme de néophobie alimentaire seulement en 2012. J’avais 25 ans », confirme Marie.

Un poids au quotidien 

« Il y a une vraie souffrance quant à l’incidence que cette phobie peut avoir sur les rapports sociaux ou familiaux. Des problèmes aussi au niveau du poids ou des carences alimentaires, mais aussi au niveau de l’estime de soi. En dehors de l’alimentation, cette phobie peut amener à des troubles plus importants », souligne Karen Demange.

Heureusement, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Marie, par exemple, a appris très tôt à prendre les devants et à expliquer sa phobie aux personnes qu’elle ne connaît pas pour éviter toutes questions trop insistantes.

« Le fait de pouvoir en parler, cela fait que je suis très à l’aise avec ça. Après, il n’y a pas un repas avec de nouvelles personnes où je ne dois pas l’expliquer. C’est omniprésent, mais j’ai fait en sorte que cela n’ait pas trop d’impact sur ma vie sociale », explique-t-elle.

La nécessité d’un accompagnement adapté pour sortir de la néophobie alimentaire 

La bonne nouvelle est que les néophobes peuvent combattre leur phobie. En revanche, il faut faire preuve de patience avant de pouvoir y pallier. Contrairement à un enfant, « un adulte va rester plus ancré. Cette phobie est archaïque et lointaine. Elle n’a presque plus de légitimité. C’est pour cela qu’on est plus proche de la phobie, de la peur ou de l’anxiété que d’un vrai problème mécanique », souligne Karen Demange.

Pour un accompagnement adapté, il faut d’abord comprendre les attentes des patient.es et découvrir ce qui pose problème – le goût, la texture, l’odeur, la couleur ou la sensation quand l’aliment est avalé.

Pour Marie, « c’est principalement la texture qui me pose problème et cela je l’ai compris bien plus tard. Petite, j’étais paralysée face aux aliments, je ne pouvais même pas les toucher. La première fois que j’ai touché de la viande pour aider ma mère à cuisiner, j’avais 18 ans », détaille-t-elle.

L’objectif d’un accompagnement est d’élargir petit à petit le nombre d’aliments qui peuvent être mangés par la personne néophobe. Ce sont des étapes de diversification alimentaire.

« Quand j’étais petite, je mangeais du riz, des pâtes, des frites, des yaourts, des gâteaux, des crêpes au sucre. Aujourd’hui, j’arrive à manger un peu de viande, des œufs sous plusieurs formes – avant je ne mangeais que des œufs à la coque – des fruits, des légumes (tomates, champignons, carottes, poivrons, poireaux…). C’est vraiment le jour et la nuit par rapport à avant », raconte Marie.

Si aujourd’hui la jeune femme arrive à diversifier son alimentation de manière autonome, elle est d’abord passée par « de la thérapie comportementale et cognitive (TCC), de l’hypnose, un traitement à base d’antidépresseurs à forte dose qui m’ont permis de vaincre l’angoisse de goûter un nouvel aliment. J’ai aussi travaillé avec des orthophonistes avec lesquels j’ai appris à me faire des massages de désensibilisation au réflexe nauséeux, car j’ai des hauts le cœur quand j’approche des aliments de ma bouche ou même simplement à cause de l’odeur. Tout cela a permis une approche progressive des aliments. »

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