« Money Jungle », l'étonnante histoire du trésor du millardaire russe
Elle vous tient en haleine depuis début novembre. Money Jungle, la série imaginée pour
David d’Equainville (éditeur et auteur) et
Pascal Henry (journaliste d’investigation et réalisateur) pour le compte de NBE éditions se dévoile, épisode par épisode, dans notre journal.
Si vous avez raté un épisode ou si vous préférez tout lire d’un trait, vous retrouverez ci-dessous les sept premiers épisodes de l’aventure. Money Jungle, une série librement inspirée de faits réels, narre l’histoire d’une jeune avocate, fascinée par les complaisances achetées par l’argent, qui a choisi de suivre les appétits de son employeur milliardaire.
INTRODUCTION
Lors d’une belle soirée en bord de mer, sur une terre d’exception fiscale, Anna Amakhtova, avocate du milliardaire russe Oleg Chestov, entreprend le paparazzi espion Georges Derringer. Elle souhaite recruter Eliane Bara, une des nièces du Prince, afin de lancer une rumeur sur les infidélités de Chestov. C’est la première offensive contre la femme de l’oligarque, Lydia Chestova, le début d’un vaste plan visant à détruire le couple.
EPISODE 1 : Une fête de traîtres presque parfaits
Les convives se pressent à l’entrée de l’appartement le plus convoité du royaume, pays de cocagne à la densité en milliardaire inégalée dans le monde. « Avez-vous déjà vu la salle de marché, glisse un invité à son voisin ? » L’envie attache les conversations au même piquet. Chacun aspire à se tenir le plus près possible de la mangeoire.
Anna Amakhtova avise Georges Deringer, un ancien paparazzi à la solde du Prince. Anna le sait en délicatesse financière. Georges est trop brouillon. Mais celui-ci s’en moque, persuadé de rattraper son crédit auprès du souverain avec l’opération Séraphin : sous prétexte de rédiger une biographie non autorisée, un enquêteur interroge amis et connaissances, autant de crash‐test pour évaluer les fidélités de l’entourage princier.
Georges, apostrophe Anna !
La grosse tête de Georges ne s’embarrasse pas des habituels salamalecs. Il envisage surtout de renflouer sa cassette. La transaction est simple : Anna est prête à payer les talents d’Eliane Bara, une demi-mondaine proche du Prince, pour accentuer le climat de méfiance fracturant le couple depuis l’été. Une indiscrétion des gardiens a révélé à Lydia Chestova les ordres donnés par son mari au personnel de ménage, changements des draps du lit tous les jours en fin d’après-midi. Prudente, Lydia a préféré ignorer l’information pour ne pas laisser son imagination soulever la couette et y découvrir son mari en compagnie d’une ou deux jeunesses.
Eliane a la confiance du Prince, dit Georges, elle saura rendre l’anecdote assez méchante pour la rendre irrésistible à colporter.
EPISODE 2 : Toujours de ton smartphone tu te méfieras
Le bruit des invités fêtant à la russe le printemps, en brûlant un épouvantail de chiffons et de mauvais souvenirs, arrive jusqu’au maître de maison. Réfugié dans le salon-bibliothèque de l’appartement aux 2002 m², avec terrasse géante et vue sur mer, Oleg Chestov est inquiet. Le ministre de la justice lui a discrètement annoncé la découverte par la police du royaume de SMS le compromettant.
Sa conseillère, Anna Amakhtova, formée au pays du secret bancaire, dans le giron KGB de l’ancienne union soviétique, a trébuché sur la mémoire du Cloud. Le smartphone de l’avocate, pourtant préalablement nettoyé, a livré au juge, grâce à un virtuose de l’extraction de données, de nombreux SMS révélant l’influence de Chestov dans les affaires du royaume. Toute une partie des ficelles nouées avec les hauts dignitaires, entre autres de la police et de la justice, est désormais en pleine lumière.
Chestov aperçoit sur la table basse le catalogue de la collection de chefs-d’œuvre acquis au marchand d’art Nicolas Haller. Rothko, Modigliani, Leonard de Vinci. Hier, il se voyait héritier des grands collectionneurs russes, les Morozov, Chtchoukine, lui, le vendeur de minerais. Aujourd’hui, son plan est éventé. Resserrer le piège autour de son marchand à cause de l’argent, en faisant parler et en enregistrant à son insu l’amie qui le lui avait présenté, n’était pas une bonne idée. Certains SMS racontent mieux que quiconque la nature des relations humaines.
« Je les connais en France, textait Anna, la presse va dire que Chestov a recruté un commissaire pour arrêter Haller. Ils vont forcément s’en offusquer. »
ÉPISODE 3 : Il n’y a pas de passé sans feu
Les célèbres signatures, Klimt, Van Gogh, Picasso, composant la collection de Chestov, pas loin de 2 milliards d’euros d’investissement, ignorent forcément les motivations de leur propriétaire. Même le pope dans l’ombre de l’oligarque, attaché à absoudre ses égarements, n’en a aucune idée. Alors pourquoi rassembler un tel trésor ? Faut-il être en mal de puissance pour feindre ainsi une histoire d’amour consacrée à l’art d’un autre siècle ?
Dans le calme du salon-bibliothèque, Chestov repense au jour où il s’était confié à Anna Amakhtova. « Les appétits de ma femme m’inquiètent, avait-il dit. Je dois mettre à l’abri ma fortune, la rendre aisément transportable. » Il l’avait sentie jubiler. Cela faisait si longtemps qu’elle rêvait d’intimité avec lui. Avant qu’elle ne devienne indispensable, il ne lui avait jusqu’alors jamais révélé ses stratégies de joueur d’échecs. Après le fiasco du smartphone, il avait peut-être eu tort de le faire.
Sans en avoir la clé, Anna se doutait que la collection de Chestov, constituée avec l’acharnement d’une fièvre suspecte, était comme un meuble à secret ou un conte de Perrault, en tirant la chevillette, la bobinette ouvrait bien la porte à d’autres desseins, mais à la condition que le loup mange le petit chaperon rouge à la fin de l’histoire, et que la valeur du tout garde le cap sur un total à 9 zéros. Les vierges que Chestov avait pris l’habitude de déflorer, par crainte de souiller sa femme avec des rapports adultes, avaient enfin bousculé les faux-semblants, s’était imaginée Anna. L’hiver russe allait sûrement finir par figer le sourire de Lydia Chestova.
ÉPISODE 4 : Quel mouchard, ce smartphone !
« Quelle idiote ! » s’emporte Chestov, parlant tout haut, furieux de voir ses plans compromis par les textos de son avocate récupérés par le juge Simon. Il enquête sur la corruption du Royaume. L’un d’entre eux, envoyé au ministre de la Justice et à sa femme : « Je suis triste que vous ne puissiez pas venir le 24. Oleg également. Je comprends bien sûr. La vie n’est pas toujours juste. Je vous embrasse tous les deux. Anna. » Un autre, reçu de la part d’un commissaire de Police : « remerciez chaleureusement M. Chestov pour la bouteille ». Toujours des grands crus, bouteille normale ou magnum, au pluriel ou non, selon le rang du destinataire, se souvient l’oligarque. Le reste est à l’avenant.
« J’aurais dû faire bénir le smartphone par le pope, comme les tableaux de la collection » enrage Oleg Chestov, avant que le joueur d’échecs ne reprenne le contrôle sur la part mystique, connue seulement de ses proches. Les cadeaux ne suffiront pas à faire oublier que la maladroite, mais très entreprenante Anna, donne des ordres en son nom aux autorités du Royaume. Sa place de présidente des amis de la philharmonie, son mandat d’administratrice du club de football choyé par le Prince, ainsi que son omniprésence à tous les bals de charité, sous la forme de généreux dons chestoviens, ne plaideront pas en sa faveur. Racheter son innocence coûtera forcément cher.
Chestov estime les risques de la manœuvre. Trop élevés, avant d’être incriminés, il lâche son avocate, raisonnables, il la garde dans le jeu. Inutile de s’opposer en même temps à deux femmes dangereuses.
ÉPISODE 5 : Passeport pour l’impunité
Dans les geôles de Moscou, lorsqu’il était accusé du meurtre de son associé dans les mines, à ses débuts de milliardaire, Oleg n’a pas oublié combien lui a coûté sa sécurité. Il n’est pas question de compromettre sa chance d’obtenir un passeport aux armes du Royaume, son sauf-conduit pour se tenir à l’abri du pouvoir russe. Il a perdu la confiance du Kremlin. Seules de grosses additions l’attendent là-bas.
Chestov ne veut pas tenter le destin. Il repense aux vers de Pouchkine disant dans son Festin pour la Peste, « Il est une ivresse au combat/À voir le gouffre en contrebas ». La catastrophe écologique provoquée par la surexploitation de ses mines pourrait devenir une bombe à retardement. « L’anomalie géologique imprévisible » a bon dos. Les montages financiers en forme de poupées russes ont leurs limites.
Il gardera l’avocate polyglotte. Les traducteurs de confiance sont rares. Formée dans sa jeunesse à l’espionnage par son père, alors honorable correspondant des Soviétiques en Suisse, Anna Amakhtova est un bon soldat, prêt à servir de fusible. Les accusations de trafic d’influence, de corruption, qui ne manqueront pas de tomber après la révélation des SMS, passeront d’elles-mêmes, tant une nouvelle chasse l’autre.
« En Suisse, la police et la justice ne seront jamais à ma botte, s’énerve Chestov. Les pays de Cocagne dirigés par les banques et l’argent, où il est possible de faire ce que l’on veut, ne sont pas nombreux. Quelques îles et le Royaume, finalement le seul à être à la fois assez stable et opaque. Il me faut absolument ce passeport ! »
ÉPISODE 6 : Mimi Mao à la manœuvre
La rencontre avait eu lieu à Paris à la demande de Chestov. Mimi Mao, dents du sourire en éventail sous un nez connu pour son affairisme, avait affronté l’apparente indifférence du russe. Elle ignorait les premiers signaux de mésentente entre l’oligarque et sa femme, mais elle avait compris qu’il voulait rapidement s’installer ailleurs qu’en Suisse.
La biographie préparée par les enquêteurs d’Oleg détaillait les clés du parcours du petit napoléon de la communication. Une intimité ministérielle avec un certain Patelin, qui avait lancé la dame dans le monde politique et industriel. Un goût pour les formules simples et culottées. « La confiance est essentielle, avait-elle coutume de dire en faisant la leçon à ses interlocuteurs, il ne faut jamais mentir ».
Elle était parfaite.
Elle regardait Chestov avec l’affection d’une consultante s’apprêtant à faire partir une belle facture à un de ses clients. Dans la confidence de l’entourage du Prince, elle avait appris les graves complications financières du club de football. Mimi avait décidé de présenter Chestov comme un chevalier blanc capable d’investir trois cents millions d’euros pour tenir une des clés du Royaume, celle donnant de l’influence sur les autorités.
En voyant dans l’œil du russe les milliards impassibles, elle avait eu la certitude que le Prince ne ferait aucune difficulté. Au premier rendez-vous ils s’étaient reconnu un même goût pour la chasse au gros et les additions salées. Le club serait sauvé. Le Prince et Chestov deviendraient amis et les deux factures de Mimi seraient réglées dès réception.
ÉPISODE 7 : Joyeux anniversaire Monseigneur
Les habitants du Royaume avaient pavoisé leurs fenêtres aux armoiries de la famille. « Longue vie au Prince » avaient-ils crié à son passage, tandis qu’il rejoignait le parvis de la cathédrale, escorté par une compagnie de miliciens en tenue d’apparat, dont il était l’officier supérieur. Ce jour était le jour anniversaire de son accession au trône, sa fête et celle du Royaume, deux destins n’en faisant qu’un.
Devant un parterre d’invités d’honneur et de diplomates venus du monde entier, un Te Deum célébré par l’archevêque ouvrait les festivités. Au premier rang, Oleg Chestov, le tout nouveau propriétaire du club de football du Royaume. Les petits chanteurs aux rossignols dans la gorge pépiaient des miserere nostri Domine – ayez pitié de nous, Seigneur – à faire acquitter toute l’assemblée. Mais le chant s’éteignit avant l’absolution.
De son cœur en marbre de Carrare, l’archevêque fit signe à ses fidèles de se lever. Seuls le Prince, à l’honneur, et Chestov, restèrent assis en se dévisageant. L’oligarque, fidèle à sa tradition, estimait qu’un orthodoxe priait mieux assis. L’oraison démarra. Domine, salvum fac principem nostrum – Seigneur, sauve notre Prince.
Oleg n’avait toujours pas obtenu de passeport. Maintenant qu’il avait renfloué les caisses du club, le Prince le faisait lambiner, lui réclamant toujours plus de fonds pour acheter de nouveaux talents. Comme il aimait aussi tirer la grosse bête dans la savane, Chestov avait en tête de lui faire parvenir une invitation pour un safari en Namibie. Avec un fusil Mauser 98K, la chasse est toujours un moment propice à la réflexion.
(À suivre)
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