« Merci de ne pas toucher » casse les codes de l'analyse d'œuvres d'art

  • Arte.tv diffuse Merci de ne pas toucher , une web-série documentaire de 10 épisodes de 3 à 5 minutes sur dix œuvres majeures de l’histoire de l’art.
  • Hortense Belhôte, autrice et interprète de la série, propose une lecture féministe, LGBTQI+ et contemporaine de ces œuvres.
  • L’originalité de la série se trouve dans son ton humoristique, mais aussi les mises en scènes triviales qui accompagnent chaque analyse de tableau.

Arte nous avait surpris avec la mini-série A Musée vous, A Musée moi, mettant en scène des œuvres d’art qui s’animaient et s’humanisaient pour mieux raconter leur sens et leur histoire. On se laisse séduire cette fois-ci par une nouvelle production sur l’histoire de l’art : 
Merci de ne pas toucher. Diffusée sur Arte.tv, la web-série confronte les toiles de grands maîtres à l’air du temps. Quel temps ? Le nôtre.

Merci de ne pas touche dévoile ainsi dans une analyse sans fard, un peu iconoclaste et toujours drôle les dessous de chaque œuvre, celles-ci allant de la fin du XVe siècle au XIXe. On découvre par exemple L’Origine du monde de Courbet sous-titré « 
Appelons un chat » ; Diane et Callisto du Titien alias « 
Dirty Diane » ; ou encore « 
Touch me » qui n’est autre que L’incrédulité de Saint Thomas du Caravage… On vous laissera découvrir pourquoi.

Une vision actuelle

Pour Hortense Belhôte, professeure d’histoire de l’art, actrice et autrice, l’idée de cette série est parti… d’un effeuillage lors d’une conférence performée sur l’érotisme dans l’art, au Festival du Film de Fesses en 2017. A partir de là, elle a décidé d’adapter le concept à un nouveau format : une web-série. Merci de ne pas toucher est né, avec ces 10 capsules de 3 à 5 minutes, proposant une analyse de 10 tableaux de maîtres explorant la thématique.

Exit la gravité et le ton académique des experts. Hortense Belhôte opte pour une posture pop, espiègle et légère qui n’enlève rien à la qualité de l’analyse – au contraire. « Je n’ai pas essayé de faire un truc moderne. Je me suis juste demandé comment chaque œuvre me parle et me touche moi, en tant qu’individu d’aujourd’hui – en ne reniant absolument pas les vérités historiques ou les recherches universitaires sur le sujet, explique-t-elle. Je n’ai rien inventé de ce que je raconte, j’ai juste lu des bouquins de gens qui ont bossé sur ces œuvres. J’aime ce que l’histoire de l’art raconte de notre regard et de comment, par l’histoire de l’art, on peut trouver des clés d’explications de notre culture actuelle ».

Un regard féministe, LGBT, queer et inclusif

Hortense Belhôte ne s’excuse pas de porter, sur ces œuvres, son propre regard, personnel et influencé par son époque. A savoir féministe, LGBT et queer. Il permet d’explorer différents courants de l’histoire de l’art et d’observer la pluralité des modèles sexuels. Pour chaque œuvre, une saynète a été tournée dans un contexte contemporain remettant l’œuvre en perspective.

On découvre par exemple une Vénus au miroir de Vélasquez sous les traits d’un homme en train de faire du voguing… « Vénus ne pouvait être que lui », nous explique l’autrice. Quant à l’Olympia de Manet, longtemps analysée comme une prostituée en train d’attendre un client avec sa servante, il s’agirait en réalité d’un couple de lesbiennes, « intellectuelles précaires, un dimanche après-midi dans un pavillon de banlieue, avec leur chat ». Et puis, il y a Hercule et Jésus : tout semble indiquer qu’ils sont gays – le premier ayant un penchant pour le travestissement et le second pour le BDSM.

« Si tes potes étaient des personnages d’œuvre d’art, ça serait qui ? »

Chaque capsule a été tournée dans un lieu du quotidien d’Hortense Belhôte. Terrain de foot pour L’Olympia, laverie pour
Hercule, soirée queer pour
Vénus… L’autrice est également à l’écran en tant qu’interprète, et joue avec les codes de la pop culture et de l’art classique en truffant chaque épisode de références, de symboles et d’humour.

Si les décors sont ceux de son quotidien, les acteurs, eux, sont « ses meilleurs copains ». Elle nous explique également qu’elle a réactualisé les tableaux en regard sa/leur vie : « L’épisode du garage je l’ai écrit pour ma moto… et pour ma copine, avec son môme qui nous fait chier ! ». Les feuilles de chou qui lui servent de
tenue d’Eve, viennent, elles, de chez un ami primeur qui a prêté ses fruits et légumes pour l’occasion ! Familière, parfois un peu provocante, Hortense Belhôte a trouvé son credo – la « contemporanéité par l’intime », selon ses mots – recréant ainsi un lien direct entre notre époque, l’art et la grande histoire.

Désacraliser les œuvres

« Mon but n’était pas de continuer à favoriser une sacralisation de ces objets-là mais de montrer ce qu’il y a de fascinants en eux du fait de ce qu’ils disent de nous. L’idée c’était de rendre accessible, de ne pas continuer à véhiculer des exclusions dans la circulation du savoir ».

Loin de chercher à exclure ou cliver, l’espièglerie d’Hortense Belhôte est plutôt une invitation à réactualiser notre vision de ces tableaux, en les rendant lisibles mais aussi plus proches de nous. Elle ajoute que son objectif et son plaisir « c’est me dire qu’un adolescent en plein coming out, citadin, très XXIe siècle puisse se reconnaître là-dedans et que ça lui fasse du bien. Et qu’en même temps une grand-mère hétérosexuelle complètement du XXe siècle puisse aussi trouver ça très chouette. »

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