Maman lesbienne, papa gay : l’incessante pression à être un parent irréprochable
- Contrer les détracteurs homophobes
- Une famille comme les autres
- L’importance de l’apparence ou le besoin de tout bien faire
- Une image d’Épinal face à la réalité de la vie
« J’ai vite senti qu’en tant que parents nous aurions moins le droit à l’erreur que les autres couples. Que nous allions être jugées dans notre capacité à élever un enfant.”
À la naissance de son fils, il y a seize ans de ça, Magali a commencé à lui écrire un journal, qu’elle prévoit de lui transmettre un jour. En 2013, alors que la Manif pour tous défile dans les rues contre la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, Magali écrit ces quelques lignes, qui se poursuivent ainsi : « Comme si pour être acceptées par la société, il allait falloir faire ses preuves en éduquant un enfant qui soit la vitrine de l’équilibre et du bonheur ».
L’expression d’une pression sous-jacente ressentie par de nombreuses familles homoparentales et encore trop peu exprimée.
Contrer les détracteurs homophobes
Magali évoque notamment une peur du jugement extérieur. Son fils, maintenant adolescent, a été diagnostiqué Haut Potentiel Intellectuel (HPI) et ayant un Trouble du Déficit de l’Attention (TDAH).
Il a eu, selon ses mots, une « scolarité chaotique ». « Combien de fois j’ai cru lire dans les regards, que cet enfant qui semblait faire fi de toute règle, n’avait pas de père à la maison pour poser un cadre ? », relate sa mère.
Un ressenti partagé par Maud, mère de jumeaux de 4 ans, suite à un parcours PMA effectué en Espagne avec sa compagne. À chaque difficulté rencontrée dans l’éducation de ses enfants, une pensée infondée l’a traversée : « Les gens vont penser qu’ils manquent d’un père ».
Martine Gross, sociologue, qui a travaillé pendant une vingtaine d’années sur l’homoparentalité, constate cette crainte. Celle que la moindre défaillance, dans le couple ou dans le fait d’élever des enfants, puisse être rapportée à la structure de ces familles : « Les parents se disent que si ça ne se passe pas bien, on rejettera la faute sur l’homosexualité ».
Une famille comme les autres
Au-delà d’une pression personnelle ou extérieure, c’est donc le reflet d’un enjeu bien plus grand : celui de la légitimité de l’existence de ces familles. Chose bien lourde à porter pour les personnes concernées.
Pourtant, elles n’ont de cesse de paver le chemin et d’endosser un rôle de pédagogue : « Beaucoup de familles prennent le temps de rencontrer les équipes éducatives, les soignant.es, afin d’expliquer la structure familiale. C’est une stratégie pour se prévenir de l’homophobie et des maladresses. Mais c’est également un moyen de souligner aux yeux des autres que l’on est une famille comme une autre », explique Martine Gross.
J’ai eu l’impression d’être jugé, que l’on mettait en doute notre capacité à être parent alors que les parents hétéros ne sont jamais confrontés à ce type de questions.
Montrer patte blanche, c’est également ce que s’est senti obligé de faire Vivian, avant même l’arrivée de ses deux filles. Afin de pouvoir entamer une procédure de GPA au Canada avec son compagnon, ils ont d’abord dû passer un entretien avec une correspondante de l’agence.
“Elle a eu des questions assez intrusives et intimes », regrette Vivian. « J’ai eu l’impression d’être jugé, que l’on mettait en doute notre capacité à être parent”, ajoute-t-il, encore touché, “alors que les parents hétéros ne sont jamais confrontés à ce type de questions”.
L’importance de l’apparence ou le besoin de tout bien faire
« Inconsciemment, nous avons toujours voulu montrer le meilleur de nous-même”. À force de vouloir tant ressembler à une famille comme une autre, certains parents LGBT+ peuvent aller jusqu’à forcer le trait pour devenir de vrais parents modèles. C’est ce qu’a traversé Maud après la naissance de ses jumeaux : “Je voulais être la maman lesbienne, femme épanouie, qui allaite ses jumeaux, fait ses petits pots maisons, ses produits ménagers zéro déchet, et qui travaille”.
Une multitude de facettes à endosser qui l’a menée à vivre un baby blues avant de réaliser qu’elle pouvait s’autoriser à être faillible, comme tout parent. C’est également ce qu’a vécu Vivian, à la naissance de sa première fille. Il a fait le choix d’arrêter de travailler pendant huit mois pour “ne rater aucun moment de son développement”.
Il passe alors tout son temps auprès de son nouveau-né, parfois même au détriment de sa vie sociale et de couple. “La pression je me la suis mise tout seul”, analyse-t-il. »Je m’interdisais beaucoup de choses, en partie parce que je craignais qu’on puisse penser que j’étais un mauvais parent ».
Une image d’Épinal face à la réalité de la vie
Dans son article Les familles homoparentales : entre conformité et innovations, Martine Gross note justement que “les homoparents ne mettent pas en place un fonctionnement familial très différent, voire mettent en place un modèle idéalisé. Pour contrer les risques de la stigmatisation, des couples homosexuels se mettent —volontairement ou non — en scène en tant que famille”.
Une image d’Épinal qui se heurte à la réalité des parcours de vie. Comme un divorce par exemple.
Nous devons accepter, collectivement, qu’en tant que couple homoparental, nous sommes confronté.es aux mêmes difficultés que les couples hétérosexuels.
Cette envie de bien faire découle aussi de l’idée reçue que dans ces familles où les enfants ont été très désirés (de par le recours à des techniques de procréation assistée ou l’adoption), ils et elles seraient, de fait, particulièrement épanouis.
Pourtant, comme le rappelle Maud, “chaque enfant est différent et chaque enfant a des besoins spécifiques”, peu importe la composition de la cellule familiale.
“Nous devons accepter, collectivement, qu’en tant que couple homoparental, nous sommes confronté.es aux mêmes difficultés que les couples hétérosexuels et cela n’a rien à voir avec le genre des parents, mais seulement avec le fait que nous sommes une famille”.
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