M6 lanceur d’alerte sur « le nouveau scandale des enfants placés »
- Diffusé ce dimanche 16 octobre, à 21h10 sur M6, le documentaire de Zone interdite s’intitule Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés.
- Il a été réalisé par Jean-Charles Doria, déjà auteur en 2020 d’un documentaire sur les défaillances de l’Aide sociale à l’enfance. Pour ce nouveau reportage, il s’est notamment intéressé à la prise en charge hôtelière des mineurs.
- « J’ai la conviction que l’Etat doit plus que jamais remettre les pieds dans cette politique portée par les départements », plaide la secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance Charlotte Caubel. Ce dimanche, elle fera ainsi plusieurs annonces en plateau.
Préparez-vous à être ulcérés. Dimanche, à 21h10, Zone interdite se penchera sur « le nouveau scandale des enfants placés ». « Nouveau » car, il y a deux ans, le magazine de M6 avait déjà enquêté sur les inquiétantes défaillances de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le reportage avait eu les honneurs d’une projection à l’Assemblée nationale mais, malgré la vive émotion provoquée à l’époque, peu de choses ont changé depuis.
Les journalistes sont retournés dans les foyers qu’ils avaient épinglés. « Dans celui de Dijon (Côte-d’Or), cela a été une très belle surprise. Tout avait été métamorphosé, les procédures étaient appliquées et un des gamins a même dit au reporter que c’était le paradis », raconte Jean-Charles Doria, qui a réalisé les deux documentaires.
Il s’agit là du seul motif de réjouissance constaté. « Dans le foyer de garçon en Seine-Saint-Denis, en revanche les murs ont été repeints mais rien n’est proposé aux adolescents », poursuit le réalisateur. Seul un des mineurs qui y réside est scolarisé, les autres vont « travailler », comme ils disent, alors qu’en réalité ils participent au trafic de drogue de la cité d’à côté.
L’enquête diffusée ce dimanche s’élargira notamment aux jeunes placés dans des hôtels. Ils seraient 10.000 à être logés dans des chambres sommaires, pratiquement cloîtrés, sans perspective à court terme. Les caméras suivent ainsi particulièrement, à Paris, le quotidien de deux adolescentes dans cette situation, en grande détresse.
« Des images et des situations qui ne peuvent que choquer »
En découvrant leurs histoires, Dominique Versini, adjointe à la Maire de Paris chargée de la protection de l’enfance, est tombée des nues. « Il a fallu qu’elle mette elle-même la pression à ses équipes pour que ça bouge, relate Jean-Charles Doria. Elle me disait avoir visité des hôtels lors de sa prise de fonctions et savoir comment les choses s’y passaient. Mais ne lui a été montré que ce que l’on voulait bien lui montrer. Il y a une grande ignorance de la part des vrais responsables qui ont le final cut [le pouvoir de décision finale]. »
Charlotte Caubel, la secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre en charge de l’Enfance, affirme quant à elle ne pas découvrir la situation. « On y voit des images et des situations qui ne peuvent que choquer et que je qualifie d’inacceptables », confiait-elle, à chaud, fin septembre, après avoir visionné une heure du reportage au siège de M6. Elle a passé la pommade à l’équipe de Zone interdite : « Ce rôle de lanceur d’alerte est essentiel. Grâce à vous, au moins, tous les deux ans, la France s’intéresse à la protection de l’enfance. » Puis elle l’a caressée au gant de crin : « Il y a un biais journalistique, mais c’est votre liberté éditoriale. Depuis le tournage des choses ont changé. Une loi est passée en février pour interdire la prise en charge hôtelière. »
« L’hémorragie a commencé »
Sauf que 10.000 jeunes logés en hôtel ne peuvent être pris en charge ailleurs en un claquement de doigts. Charlotte Caubel se défend en avançant qu’il y a « une période transitoire parce qu’il faut construire des foyers » et suggère que cela prend du temps car « personne ne veut de ce type de structures à côté de chez eux. »
« Il faut du temps pour que ça s’applique, admet Jean-Charles Doria. Mais, entre le moment où la loi est mise en application et aujourd’hui, rien ne s’est passé. Quand on appelle les intérimaires [embauchés comme éducateurs], il ne leur a pas été demandé de sortir des hôtels, d’arrêter de s’occuper des enfants… » Le journaliste est inquiet. Il avance que « presque des 50 % des familles d’accueil vont partir à la retraite d’ici à cinq ans. L’hémorragie a commencé et dans les foyers, avec les éducateurs spécialisés, c’est la même chose. »
La secrétaire d’Etat en rendrait presque M6 responsable. « Le reportage d’il y a deux a constitué un électrochoc mais il a aussi conduit à fragiliser l’attractivité du métier », se hasarde-t-elle. Son réalisateur assure avoir eu un « bon retour » des concernés après la diffusion du premier documentaire. « Je m’attendais à en prendre plein la tête car c’est un milieu très corporatiste. C’est le contraire qui s’est passé. Les éducateurs m’ont remercié de dire tout haut ce qui n’allait pas. Même les gens filmés à leur insu étaient heureux d’avoir participé à dénoncer ce système qui tourne en rond », relate-t-il.
« La caméra cachée est indispensable »
La plupart des séquences du reportage de dimanche ont également été tournées en caméra cachée et en infiltration. « On l’a coupé au montage mais, dans l’un des foyers, quelqu’un dit : « On s’est fait harponner une première fois, on ne veut pas que ça recommence » », sourit le producteur Tony Comiti.
« Si on demandait les autorisations, on ne verrait pas les mêmes choses. La communication des départements contrôle tout. Quand on va filmer avec leur feu vert, on est toujours dupés, déplore Jean-Charles Doria. C’est pour cela que le procédé de la caméra cachée est indispensable. Aucun des départements contactés pour le sujet de la prise en charge hôtelier, par exemple, n’a accepté nos demandes. »
« Je ne m’attends pas à changer le monde »
« Les départements n’ont aucune obligation de vous produire des chiffres, des statistiques. Il n’y a aucune transparence », continue-t-il, soulignant que, par rapport à eux, « la secrétaire d’Etat a très peu de pouvoir ». « J’ai la conviction que l’Etat doit plus que jamais remettre les pieds dans cette politique portée par les départements », plaide pour sa part Charlotte Caubel. Ce dimanche, à la fin de Zone interdite, elle fera ainsi plusieurs annonces en plateau.
« Je ne m’attends pas à changer le monde, mais je suis ravi qu’il se passe quelque chose de positif. En tant que journalistes, notre rôle est important mais, en plus, des exemples comme celui du foyer de Dijon montrent que quand l’énergie est là, qu’il y a la trouille d’être démasqué et que des contrôles sont menés, il y a moyen de faire des choses efficaces », souligne Jean-Charles Doria. Il n’en est pas pour autant naïf. Il précise qu’il pourrait réaliser un documentaire par an sur le sujet : « il suffit de se baisser pour trouver de la misère ».
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