L’ultimatum amoureux, un coup de poker risqué pour l’avenir du couple

  • Une privation de liberté peu engageante
  • La tentation du quick fix
  • Le spectre d’une rupture non assumée
  • La possibilité d’une (nouvelle) idylle

Dans la grande famille des programmes de télé-réalité aussi affligeants qu’ addictifs, je demande The Ultimatum, dernier-né made in Netflix qui recycle contre toute attente des candidats de son précédent opus – Love is Blind – sous un nouveau concept toujours plus voyeuriste : 6 couples dont l’un des partenaires rêve de se faire passer la bague au doigt et l’autre qui – SPOILER – opte pour un moonwalk émotionnel face à l’idée de passer devant le.la maire.

S’il est inutile de préciser que la manière dont le show tente de résoudre cette indécision latente – aka faire vivre les deux partenaires avec une autre personne pendant trois semaines – a de quoi laisser sceptique, The Ultimatum ravive la passion de la pop culture pour cette injonction péremptoire dont l’utilisation dans la sphère amoureuse fait rarement l’unanimité.

Une privation de liberté peu engageante

Désignant historiquement la dernière proposition d’un État à l’égard d’un autre avant qu’il ne décide de lui déclarer la guerre, le terme d’ascendance diplomatique évoque moins un état de passion inconditionnelle que celui d’une crispation au dénouement peu engageant, l’ultimatum étant souvent présentée comme un recours risqué en cas de différend.

De Carrie Bradshaw à Blair Waldorf, la pop culture n’a en effet cessé de présenter cette option comme la porte de sortie la plus directe vers une rupture-sanction, les héroïnes contemporaines posant un ultimatum à l’homme auquel elles enjoignent de s’engager et prendre ses responsabilités se retrouvant généralement face à une personnalité au mieux décevante, au pire fuyante.

La personne qui le pose oblige l’autre à prendre une décision importante rapidement, à lui faire remettre en perspective ses comportements.

« Un ultimatum constitue une privation de liberté, c’est pour ça qu’il est mal reçu », commente Florence Escaravage, fondatrice de Love Intelligence, une plateforme de coaching amoureux. “La personne qui le pose oblige l’autre à prendre une décision importante rapidement, à lui faire remettre en perspective ses comportements, ses projets, ses envies. Or c’est une contrainte pour l’individu qui le reçoit, qui doit peut-être aménager ses souhaits personnels pour le bien de la relation », poursuit-elle, précisant que la survenue brusque d’une telle mise en demeure crée généralement de la résistance au changement si le partenaire visé est peu enclin à la remise en question.

Spoiler : tel Mr Big ou Chuck Bass, le partenaire en question l’est rarement et tend généralement moins à changer qu’à fuir et se braquer. Alors pourquoi s’obstine-t-on à tenter ce coup de poker, relation foireuse amoureuse après relation foireuse amoureuse ?

La tentation du quick fix

“Cela peut mettre en lumière la perte de patience vis-à-vis d’une situation problématique qui se répète et se répète sempiternellement. Alors, la personne qui veut « avancer » le pose car elle n’en peut plus, car elle a l’impression que rien d’autre, à part le risque de les perdre, ne fera bouger les choses chez l’autre. C’est une forme de “quick fix”, une manière d’essayer de régler un problème de fond rapidement. Tu dis OUI ou tu dis NON mais tu te positionnes !”, résume la coach en relations amoureuses, soulignant le paradoxe d’une personne qui veut construire et faire progresser la relation tout en menaçant d’y mettre fin.

Officialiser une relation aux contours flous, mettre fin à une addiction ou un comportement un brin clivant, fonder une famille ou l’agrandir : les motifs justifiant l’ultimatum amoureux se révèlent généralement aussi divers et variés que leurs protagonistes, bien qu’il existe (et persiste) certains clichés en la matière.

« Il peut s’agir d’être en couple avec un homme qui a une maitresse et il doit la quitter, ou au contraire : être avec un homme marié et lui demander de quitter sa femme (mais nous n’allons jamais dans ce sens là !). Je rencontre des gens qui souhaitent réaliser des projets de vie de famille, se marier, avoir un enfant. L’envie d’emménager ensemble peut faire lieu d’un ultimatum ou encore l’arrêt de consommation de drogue ou d’alcool », énumère Florence Escaravage.

Le spectre d’une rupture non assumée

Toutefois, la professionnelle note que l’ultimatum peut être l’indice d’un désir de rupture non assumé. “La décision est difficile à prendre car on aime la personne avec qui on vit, alors on force le changement en en donnant la responsabilité à l’autre. On pose un ultimatum alors qu’en fait, c’est nous même qui avons une difficulté à accepter les choses, l’autre et ses envies, ses besoins, ses maladresses », résume-t-elle, tout en rappelant qu’il faut bien garder en tête que l’éventualité d’une rupture est inextricable de l’ultimatum, l’autre pouvant y répondre par la négative et refuser de changer. « Il se peut que vous non plus vous ne vouliez pas changer d’avis et que la fin de la relation s’en suive. »

Autre conséquence possible de l’ultimatum ? La création d’un climat d’incertitude au sein du couple, ou pire encore, le renforcement des défauts et comportements litigieux du principal concerné qui peut voir l’ultimatum moins comme un acte d’amour qu’une menace pour son individualité.

S’il perçoit que vous revenez sur votre décision car vous n’êtes pas capable de vivre sans lui, il n’essaiera pas de changer.

« Et s’il perçoit que vous revenez sur votre décision car vous n’êtes pas capable de vivre sans lui, il n’essaiera pas de changer, conforté dans l’idée que malgré ces divergences, vous ne pouvez pas le quitter », ajoute Florence Escaravage.

Mais selon la coach, l’ultimatum présente parfois un risque insoupçonné : celui que l’on obtienne gain de cause.

La possibilité d’une (nouvelle) idylle

“Certaines personnes réagissent bien aux ultimatums car ce sont de grands indécis. Cela permet de leur faire prendre des décisions importantes, rapidement, qu’ils ne prennent pas d’habitude car ils préfèrent se laisser porter par le courant. Ou seul ce choc les amène à réfléchir profondément à leurs choix de vie », raconte-t-elle, tout en précisant que cet électrochoc doit être amené selon une approche communicationnelle fine et bienveillante pour se révéler fructueuse.

Elle donne ainsi l’exemple d’une de ses coachées, une femme avec enfants en bas âge dont le conjoint lui a posé un ultimatum malgré leur situation parentale : ne se sentant pas respecté pour sa différence, tout le temps critiqué, jamais accueilli pour ce qu’il est, il est parti de la maison et attend qu’elle revienne vers lui avec une feuille de route claire qui marquerait un vrai changement dans sa manière d’interagir avec lui et de l’accueillir tel qu’il est.

“Je suis confiante car la démarche de cet homme est saine, constructive. Et cette femme se sent perdue car elle n’arrive pas à faire autrement. Mais le choc de la séparation et son intelligence à se remettre en question vont évidemment être salutaires pour savoir comment se redonner une chance en comprenant tant de choses sur la dynamique de la relation », résume-t-elle.

Autre perspective envisageable ? Celui d’une épiphanie aussi souhaitable qu’inattendue nous incitant à nous rendre compte que la relation doit (vraiment) se terminer, les projets de vie de chacun étant trop différents pour faire l’objet d’une (re)conciliation.

« Poser un ultimatum permet donc l’évolution vers du mieux : soit un changement de votre partenaire, une mise au clair de ce que vous attendez vraiment et impérativement de la relation, soit une rupture, qui sera bénéfique car elle vous permettra de construire votre projet de vie avec une personne qui sera sur la même longueur d’onde que vous à ce sujet.”

Et qui vous évitera peut-être de rejouer le mauvais scénario d’une télé-réalité.

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