Les NFT vont-ils changer la vie des adeptes de Pokémon ?

Les Pokémon ont 25 ans, mais n’en finissent pas de se réinventer. En 2016, la frénésie Pokémon Go a permis de capturer les petits monstres en réalité augmentée et poussé la réédition d’un paquet de cartes à collectionner. En 2022, voilà que des adeptes de jetons non fongibles (NFT) appellent à la dématérialisation de cartes ou produits dérivés Pokémon pour les échanger en ligne. Même des jeux vidéos basés sur la blockchain Ethereum, comme Axie Infinity, sont qualifiés d’équivalents de la franchise Nintendo. Mais dans le fond, les NFT changent-ils vraiment quelque chose pour les adeptes de Pikachu ?

Les collectionneurs en folie

Depuis le début du confinement, les collectionneurs sont en folie : sur eBay, les ventes de cartes Pokémon ont bondi de 574 % entre 2019 et 2020 tandis qu’en mars 2021, une carte Dracofeu était vendue pour la modique somme de 418.000 euros. Ces transactions ont fait beaucoup parler d’elles sur YouTube, où des créateurs ont mis en scène leur quête et leurs achats de cartes rares. L’an dernier, le rappeur français Lorenzo en a par exemple cédé quinze pour 300.000 euros, tandis que début 2022, le youtubeur américain Logan Paul s’est fait arnaquer 3,5 millions de dollars pour de fausses cartes. Il en a ensuite dépensé 5,3 millions (4,5 millions d’euros) pour devenir propriétaire de la carte Pokémon la plus chère au monde.

Chez les fans de la franchise, tout le monde ne regarde pas d’un très bon œil cette frénésie qui fait monter les prix, alimente la fraude, voire pousse les investisseurs à vider les stocks des magasins spécialisés au détriment des enfants. Mais elle s’inscrit relativement bien dans la passion des Français pour les collections – 4 sur 5 en ont entamé une dans leur vie –, que celles-ci soient lancées pour le plaisir ou pour spéculer.

Sur la blockchain, spéculation, création, ou les deux ?

Ce sont sur ces deux usages – la collection et la spéculation – que les NFT permettent de changer les choses, estime la fondatrice de la galerie d’art KAZoArt Mathilde Le Roy. « Les NFT ne sont pas forcément accessibles pour tout le monde, admet-elle, que ce soit pour des raisons techniques, parce que certains – notamment les femmes – s’y projettent moins… » Mais ils viennent tout de même recomposer les marchés, « réinventer le rôle d’intermédiaire entre artiste et acheteur, permettre à l’espace des cartes à collectionner de se transformer. Il y a encore peu de temps, les cartes Panini étaient dépassées. Et puis Sorare est arrivé. »

Le succès de l’entreprise française, qui permet d’échanger des vignettes de joueurs de football via la blockchain, a de quoi faire rêver : après sa levée record (en France) de 680 millions de dollars en septembre 2021, elle se lance désormais sur le territoire américain. Mais ne semble pas avoir prévu de s’aventurer du côté de la pop culture pour le moment – elle reste spécialisée dans le sport. Habsro, l’éditeur de Magic : the Gathering, un autre jeu mythique de cartes à collectionner, s’est en revanche déclaré intéressé par la possibilité d’investir le monde des NFT. Côté comics, Warner Bros. a dévoilé le 26 avril « Bat Cowl », une collection de NFT dédiés à Batman. Ceci explique peut-être que des adeptes de Pokémon lancent des pétitions pour que ceux-ci soient rendus disponibles et échangeables sur la blockchain.

Risques d’arnaques et opportunités gaming

En attendant que les vœux des fans soient exaucés, des artistes ont commencé à proposer leur propre interprétation de l’univers – ainsi du français Onemizer, qui a mis à la vente des NFT du Pokémon Lugia en décembre dernier. Si cette initiative a été plutôt bien reçue, d’autres, comme le projet Pixelmon, se sont avérées plus rocambolesques. Si celui-ci a permis à son auteur de lever 9.000 dollars, il s’est avéré composé… d’œuvres très laides et pixelisées, bien loin de l’esthétique de Bulbizarre, Salamèche et consorts.

Finalement, l’espace où les NFT seraient le plus susceptibles d’apporter des nouveautés à l’univers Pokémon est peut-être celui dont ils sont issus : le jeu vidéo. Axie Infinity et Illuvium, deux titres installés sur Ethereum, sont ainsi régulièrement comparés à la franchise Nintendo. Qualifiés de Play-to-earn, ceux-ci permettent d’acheter des monstres, puis de les faire évoluer et se battre dans le jeu. Le phénomène est tel qu’aux Philippines ou au Venezuela, le nombre de joueurs a explosé, qui cherchent à arrondir les fins de mois. Ceci a fini par attirer l’attention de la banque centrale de Philippines, qui, après qu’Axie Infinitiy se soit fait voler 625 millions de dollars, rappelle le risque inhérent à tout investissement réalisé sur des blockchains.

Nintendo en observateur

S’il assure suivre les évolutions en cours, Nintendo ne se déclare pour le moment pas très convaincu par l’usage des NFT. Dans une conférence, l’éditeur des Pokémon a expliqué n’avoir pas encore trouvé « quelle joie il pourrait procurer » grâce au metaverse et aux jetons non fongibles. Tout de même : entre son ancien PDG, qui a montré des signes d’intérêts pour le Play-to-Earn, et le passage d’un ancien de Pokémon Go chez l’éditeur d’Axie Infitnity, rien ne dit qu’il ne sera jamais possible d’attraper des Pokémon sur la blockchain.

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