Les films à voir au cinéma en octobre
Laissez-vous transporter par le talent jumelé des frères Dardenne, envahir par la tension insoutenable d’Une femme de notre temps ou saisir par l’histoire vertigineuse de Simone Veil avec cet essentiel biopic signé Olivier Dahan. Sélection non-exhaustive des réalisations qui nous ont bouleversés ce mois-ci.
- Les séries à ne pas manquer en octobre
- Le jour où Simone Veil défendait le droit à l’IVG devant l’Assemblée nationale
La prouesse de "Simone, le voyage du siècle"
Quand la salle obscure de cinéma devient une machine à remonter, distordre le temps. C’est une traversée de presque sept décennies en deux heures vingt. Du vingtième siècle et de ses glaçantes heures. De Birkenau à Science Po (où elle rencontre Antoine Veil), des bancs de l’Assemblée nationale à ceux du Parlement européen… Le maître du biopic Olivier Dahan – on lui doit le spectaculaire La Môme et Grace de Monaco – retrace le destin hors-norme d’une femme d’exception.
On pleure avec Elsa Zylberstein – à l’initiative du projet – lorsque cette Simone Veil avec une force saisissante évoque la mort accidentelle de sa sœur Milou, avec qui elle avait survécu à l’enfer des camps et tentait de se reconstruire. On pleure avec Rebecca Madler, si bouleversante dans ce rôle, si ressemblante aux photos d’archives de Simone Veil adolescente aussi, lorsqu’elle découvre sa mère morte dans leur baraquement de deportées.
On se révolte avec Elsa Zylberstein lorsque les députés insultent la ministre de la Santé dans l’Hémicycle, et on se révolte avec Rebecca Marder lorsqu’Antoine Veil refuse que sa jeune épouse devienne avocate.
Cette odyssée rend hommage au tempérament de Simone Veil, déterminée, ferme, il dévoile aussi ses doutes et ses larmes derrière son regard franc.
Parce que Simone Veil n’aimait pas l’expression « devoir de mémoire », ce film est un « devoir de transmission ». À projeter devant toutes les paires de yeux.
De Olivier Dahan, avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Judith Chemla, Philippe Lellouche, Philippe Torreton, Sylvie Testud, Élodie Bouchez et Olivier Gourmet… En salles le 12 octobre.
J.H
L’eldorado cruel de "Tori et Lokita"
Les frères Dardenne frappent un grand coup avec un thriller social implacable sur le sort inhumain réservé à des enfants qui ont fui leur pays. Magistral.
À chaque long métrage, il se simplifie – mise en scène plus sèche, intrigue qui file à toute allure, épure du jeu des comédiens. Comme si, avec l’âge, les deux Belges allaient à l’essentiel.
Mais au lieu de perdre en force ou de tomber dans le piège du manichéisme, chaque fois, ils accouchent d’un film météorite.
Une œuvre qui vient percuter notre regard et y laisser une empreinte indélébile. Une blessure. Cette fois, nos yeux brûlent pour Tori et Lokita, deux jeunes exilé·es du Bénin.
Le premier, gamin débrouillard, a obtenu ses papiers en échappant au destin des enfants accusés de sorcellerie. Mais Lokita, grande fille grave, sa sœur d’adoption, se heurte aux enquêteurs d’immigration. Pour survivre – et payer leur dette au passeur –, ils refourguent la drogue d’un restaurateur qui, par ailleurs, viole Lokita à plusieurs reprises.
Celle-ci échoue dans le sous-sol d’une usine à cannabis, dont elle doit arroser les plants. Enterrée vivante, c’est là que le cauchemar redouble…
De Luc et Jean-Pierre Dardenne, avec Pablo Schils, Joely Mbundu, Alban Ukaj… En salles le 5 octobre 2022.
E.B
"Une femme de notre temps", un thriller au féminin
Sophie Marceau ajoute une corde à son arc de comédienne avec un film policier psychologique à la beauté sombre. Mais qu’y voit-on exactement ?
Juliane est une commissaire de police confrontée quotidiennement au crime et à la corruption, traumatisée par le suicide de sa sœur, il y a des années. Elle découvre un jour que son mari mène une double vie… Commence une filature intime qui va ébranler sa morale et remettre en cause ses convictions.
Exit le sourire solaire : c’est une Sophie Marceau à la mine ombrageuse qui nous entraîne dans sa descente aux enfers.
Passant de la douleur à la colère, au désir de vengeance, l’actrice campe une sorte d’amazone remontée à bloc, entre héroïne mythologique (Diane chasseresse) et Jennifer Lawrence armée de son arc dans Hunger Games.
Reprenant l’univers visuel du cinéma romantique noir (dont le mètre étalon serait Rebecca), le film n’est pas avare en demeures isolées, forêts épaisses et nuits inquiétantes… Une série d’atmosphères nocturnes sublimées par une somptueuse photographie, qui font oublier les quelques petits égarements et maladresses du scénario.
De Jean-Paul Civeyrac, avec aussi Johan Heldenberg. En salles le 5 octobre 2022.
E.B
L’obsédant "L’origine du mal"
Stéphane en est sûre : Serge est bien ce père qu’elle cherche depuis tant d’années, un inconnu qui l’invite dans sa villa où cohabitent sa femme, sa fille et une gouvernante… Mais quelque chose cloche.
Façon Cluedo, le film se livre à un jeu de massacre du cocon familial. Vénéneux.
De Sébastien Marnier, avec Laure Calamy, Doria Tillier, Jacques Weber… En salles le 5 octobre 2022.
V.C
"EO", une odyssée animalière qui nous emballe
Envie de passer 1h30 avec un âne soumis à la cruauté des hommes ?
EO est une odyssée animalière où, derrière les images iconoclastes et décapantes, tout tient au regard doux d’un quadrupède. Une fable animiste et antispéciste.
De Jerzy Skolimowski, avec Sandra Drzymalska, Isabelle Huppert, Lorenzo Zurzolo… En salles le 19 octobre.
E.B
"R.M.N"
Cristian Mungiu poursuit avec R.M.N (IRM, en roumain) sa radioscopie de la société roumaine en agrafant la xénophobie d’un village où le héros tente de reconquérir un amour passé.
À travers la beauté des décors, filmés en plans séquences parfois empesés, le portrait âpre et habité d’une humanité.
De Cristian Mungiu, avec Marin Grigore, Judith State… En salles le 19 octobre.
E.B
Cet article a été initialement publié dans le magazine Marie Claire du numéro 842 publié en novembre 2022.
Source: Lire L’Article Complet