Léna Situations ne s'imaginait pas devoir « apporter une parole politique »
- Tous les vendredis, 20 Minutes propose à une personnalité de commenter un phénomène de société, dans son rendez-vous « 20 Minutes avec… ».
- Léna Situations, qui publie une vidéo par jour sur sa chaîne YouTube au mois d’août, représente une nouvelle génération d’influenceurs.
- Racisme, sexisme, Léna Mahfouf raconte sa façon de faire bouger les lignes grâce à sa caméra et ses réseaux sociaux.
Depuis le 1er août, Léna Situations est en plein marathon et publie chaque jour une vidéo sur Internet. Pour la quatrième année consécutive, l’influenceuse et vidéaste partage son quotidien à son million et demi d’abonnés sur sa chaîne
YouTube. Ses amis, sa famille, son chéri, son déménagement, Léna Mahfouf, de son vrai nom, ne cache rien à celles et ceux qui la suivent.
Véritable modèle pour des milliers de personnes qui la suivent, la jeune femme de 22 ans prône l’acceptation de soi, la bonne humeur permanente et la tolérance. Pourtant, elle a été la cible d’attaques sexistes il y a quelques mois, après la publication d’une photo d’elle vêtue d’une robe. De cette haine est née une vague de témoignages de femmes, ravies de s’accepter telles qu’elles sont. Léna Mahfouf se confie à 20 Minutes à propos de son quotidien, de ses propres combats et de son influence sur Internet.
Dans votre première vidéo du confinement, vous expliquiez mal vivre cette période. Finalement, quel bilan en tirez-vous ?
Avec des hauts et des bas. Au début, j’étais un peu en panique parce qu’on n’avait aucune visibilité sur l’avenir. Au final, je ne vais pas dire que j’ai pris du plaisir, mais c’était quand même assez agréable que tout le monde soit sur pause. J’étais en sécurité chez moi, je n’ai pas été malade, je n’ai pas eu de proches malades. Ça te met un peu les idées en place en te montrant ce qu’est le privilège. J’ai essayé d’en faire quelque chose de positif, j’ai pris le temps de faire des choses que je n’ai jamais faites auparavant. Mais j’étais quand même contente quand ça s’est terminé.
On se dit qu’une Youtubeuse n’a besoin que d’une caméra pour travailler. Pourtant, vous n’avez pas publié plus de vidéos que d’habitude pendant le confinement. Pourquoi ?
Pour travailler, il me faut un ordinateur, une caméra et une bonne connexion, donc j’aurais pu faire plus. Mais au niveau inspiration quand il y a une pandémie, est-ce que tu as envie de faire un haul [une vidéo dans laquelle une personne discute des articles qu’elle a récemment achetés, ndlr] en disant « voilà mes dernières tenues » ? J’avais aussi envie d’utiliser mon influence pour faire des choses plus utiles. Il y a beaucoup de gens qui ont complexé les autres. Par exemple, quand je voyais que des meufs avaient fait trois cours de yoga et six gâteaux à 9 heures du matin, j’essayais de rassurer les gens en disant que chacun allait à son rythme. J’ai montré mon confinement comme il était en essayant de décomplexer les gens parce que je ne faisais pas non plus des trucs de ouf. C’était ma vraie vie. Le but, c’était de créer du contenu très bienveillant plutôt que de faire du « putaclic » pour me faire de l’argent sur le confinement.
Mi-mai, vous postez une photo de vous vêtue d’une robe d’été. Vous recevez alors des messages d’insultes. À ce moment-là, qu’est-ce que vous vous dites ?
Je n’ai même pas vu la chose arriver. J’ai posté la photo sur Instagram et sur Twitter et il n’y avait rien de fou. Quand je vois le truc, je me dis que c’est la honte de m’insulter sur ma petite poitrine. Pendant le confinement, il y a eu une hausse de la haine sur Twitter. Je vois la chose et je poste un message sur Instagram en disant que ça ne me touche pas quand j’ai des attaques contre mon physique. Je les ai déjà entendus, ces commentaires de mecs qui se permettent de juger ma poitrine. Ça m’embête parce qu’il y a des petites nanas en train de se construire, de développer leur corps, qui vont tomber sur ces commentaires. Elles vont peut-être être complexées à cause de personnes qu’on ne connaît pas sur les réseaux sociaux qui se sont permis de faire des commentaires déplacés. Puis une abonnée a lancé le hashtag où chaque fille postait une photo de son corps en disant « voilà mon corps et je vous emmerde. » C’est un ras-le-bol collectif qui s’est passé sous ma photo. C’était un appel à la bienveillance et j’ai trouvé ça fou.
Quels sont vos combats personnels ?
Je n’ai pas l’impression de me battre contre quoi que ce soit parce que ça relève de l’évidence pour moi. C’est évident que tout le monde peut porter ce qu’il veut, qu’un homme peut se maquiller, que la sexualité n’est pas un sujet de discussion. Je peux représenter une génération qui ne se pose pas de questions. Pour nous, la fin du débat, c’est que chacun fait ce qu’il veut tant qu’il n’embête pas les autres. Je n’ai pas l’impression de porter un message complètement révolutionnaire. Je pense que je n’ai pas peur d’ouvrir ma gueule, ça ne me dérange pas de dire quelque chose. Je peux comprendre les influenceurs qui ne le font pas parce que c’est difficile d’avoir une certaine responsabilité du jour au lendemain. À la base, quand on a décidé de faire ce taf, ce n’était pas pour apporter une parole politique ou engagée. On a juste commencé à faire des vidéos dans notre chambre parce qu’on s’ennuyait. C’est difficile pour un influenceur de comprendre sa parole, l’influence qu’il a et comment l’utiliser parce qu’il n’y a pas d’école pour nous l’apprendre.
Vous avez reversé la monétisation de l’une de vos vidéos au mouvement Black Lives Matter. Comment vous est venue cette idée et pourquoi l’avoir fait ?
C’est un combat qu’on m’a expliqué. J’aime bien apprendre et j’aime bien quand on m’éduque sur de nouvelles choses. Je suis une rebeu, donc le racisme, je le vis quand même. Quand je réserve une table au restaurant avec mon nom de famille, il n’y a plus de place. Mais quand j’appelle au nom de Léna Situations, il y en a. Il faut mettre la lumière sur le sujet de Black Lives Matter parce qu’il y a toute une communauté qui souffre et une autre qui ne s’en rend même pas compte parce qu’elle ne le vit pas. Ça me paraissait évident d’apporter mon soutien et d’accompagner mon audience à comprendre le sujet. Je voulais expliquer ce que c’était réellement et c’est pour cela que j’ai fait une story pédagogue et pas moralisatrice. Je pense que le secret pour qu’on avance, c’est la pédagogie et que chacun explique pourquoi ce n’est pas bien de dire certaines choses. Je ne dis pas comment il faut penser mais j’explique ce qu’il est en train de se passer. Chacun fait ce qu’il veut de ces informations.
Est-ce que vous avez l’impression que les lignes peuvent bouger et que les jeunes peuvent prendre le pouvoir avec TikTok et YouTube ?
Les réseaux sociaux permettent à des communautés moins écoutées dans la société de raconter leur histoire, d’expliquer pourquoi c’est important à leurs yeux, pourquoi ils souhaitent que des gens se rallient à leur cause. S’il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas les [personnes] noir [e] s, tant pis, je ne peux plus rien faire pour eux. Quand j’ai fait ma story sur Black Lives Matter, j’ai perdu 13.000 abonnés sur Instagram en une journée. Je ne veux pas de ces gens-là sur ma plateforme. Ce sont des problèmes importants à mes yeux et ça devrait l’être aux yeux de tout le monde. Quand je parle d’un pays qui vient d’autoriser le mariage homosexuel, je perds aussi des abonnés. C’est une des raisons pour lesquelles les influenceurs ne veulent pas trop en parler.
Est-ce que vous pensez qu’en tant que Léna Mahfouf, vous avez plus de difficultés à percer sur YouTube que d’autres ?
En shooting, on me demandait de me lisser les cheveux ou on me blanchissait la peau sur des photos. Maintenant que j’ai beaucoup d’abonnés, plus personne ne me dit rien. Quand on le dit une fois, les marques le savent. Peut-être que j’aurais plus d’opportunités si je m’appelais Léna Martin, mais je pense que je m’en suis très bien sortie. Je le vois quand je veux faire des réservations dans des restaurants chics. Mais maintenant, mon nom me fait entrer dans des endroits cool. (Rires)
Vous êtes une influenceuse mais ce mot a plutôt une connotation négative dans l’esprit de la plupart des gens. Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?
Les gens pensent d’abord au côté matérialiste des influenceurs. Moi, j’aime bien quand quelqu’un va venir te décomplexer, te rassurer. J’adore les influenceurs de voyage parce que je m’évade à travers leurs vidéos. Quand j’étais étudiante, je n’avais pas de vacances mais je voyageais à travers leur contenu. L’influence n’est pas que matérielle, elle va au-delà de ça. On est des créateurs de contenus, ça peut influencer sur des choses, et ça peut te donner envie de consommer quelque chose mais aussi de penser de telle ou telle manière. Dès que tu enlèves le côté matériel, je trouve que ça fait sens.
En juillet, vous avez fait vivre votre déménagement en quatre épisodes. Est-ce que ça fait partie de votre ligne éditoriale que de dévoiler à vos abonnés ces moments personnels de votre vie ?
Jamais je n’ai eu de raison marketing en tête en me disant que c’est ce que devait être ma ligne éditoriale. Il n’y a pas eu de réflexion. J’ai commencé à montrer un peu ma vie, et quand j’étais à l’aise, j’en ai montré un peu plus. Ensuite, j’ai montré mes potes, puis mon papa. Ça s’est fait quand j’étais plus à l’aise sur la plateforme. Je n’ai pas trop de pudeur pour montrer mes sentiments, je trouve ça agréable d’en parler avec des gens. C’est comme si tu avais un souci et que tu pouvais en parler avec tous tes potes. Avec mon audience, qui est extrêmement bienveillante, je peux partager des moments de vie positifs ou négatifs. De l’extérieur, ça peut paraître chelou en mode « pourquoi elle montre sa vie celle-là ? » mais c’est parce que je suis à l’aise. J’aime aussi le côté de ne pas avoir de secret. Les gens m’acceptent, regardent ce que je fais, pour la « vraie moi. » Psychologiquement, ça me fait du bien que les gens m’acceptent sans faire semblant. Il n’y a pas de rôle à jouer.
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