Le syndrome prémenstruel, un mal avéré trop souvent tourné en dérision

Ballonnements, sautes d’humeur, fatigue, nausées… Ces troubles font partie des symptômes du syndrome prémenstruel, qui touche de nombreuses femmes, quelques jours avant leurs règles. Le Pr. Philippe Descamps nous en dit plus.

Non, non et non, ce n’est pas dans notre tête. « Le syndrome prémenstruel (SPM) est un ensemble de manifestations cliniques apparaissant les jours précédant les règles pour disparaître au début de celles-ci », nous explique le Pr. Philippe Descamps, gynécologue-obstétricien au CHU d’Angers*.

Le site Sexplique, le service d’information en contraception et sexualité de Québec, donne, lui cette définition : « ensemble de manifestations physiques, cognitives et émotionnelles ressenties par certaines femmes dans les 2 à 10 jours précédant les menstruations et qui diminuent graduellement avec l’arrivée de celles-ci. La définition du SPM se base sur le caractère cyclique de ces manifestations, puisque celles-ci sont en lien avec le cycle menstruel. Ainsi, c’est l’apparition d’une série de manifestations à chaque mois, ou presque, et avec plus ou moins d’intensité. »

SPM : un mal féminin aux contours flous

Méconnu, relégué à l’état d’amalgame de clichés grossiers, souvent tourné en dérision, le syndrome prémenstruel, bénin, touche 25 à 77 % des femmes et, « dans 5 à 10 % des cas, on retrouve des troubles sévères », détaille le Pr. Descamps. Toutes les femmes sont concernées, lorsqu’elles sont en période d’activité génitale. Et de préciser : « le SPM est indépendant de la parité, du nombre de grossesses antérieures. »

Les origines du syndrome prémenstruel sont floues, déplore le médecin. « Sa physiopathologie est mal connue mais on pense qu’il est causé par une augmentation de la perméabilité capillaire, c’est-à-dire à un passage de plasma à travers la paroi des vaisseaux… »

Des symptômes différents selon chaque femme

Le SPM se manifeste par des troubles, plus ou moins bénins, les plus courants étant : tension mammaire, tension abdomino-pelvienne avec nausées, ballonnement abdominal, constipation ; ainsi que des signes neuro-psychiques comme des troubles de l’humeur (irritabilité, fatigabilité), diminution des performances intellectuelles, pouvant allez jusqu’au trouble du comportement.

C’est ce dont témoigne Caroline, victime d’un SPM depuis quelques années : « Le syndrome prémenstruel, je n’y croyais pas vraiment. Je n’avais rien constaté depuis mes premières règles à 12 ans. À 24 ans, j’ai eu des problèmes sous pilule donc je l’ai arrêtée. À 27, j’ai repris la pilule et c’est là que j’ai commencé à ressentir des symptômes du SPM : une semaine et demie avant mes règles, je me sentais irritée par tout (…). Dans ces moments-là, je devenais susceptible sur tout : mes amis me saoulaient, mon petit ami me semblait insupportable. Je savais que j’avais tort de ressentir tout cela, mais n’arrivais pas à le contrôler. Pour ne rien arranger, je me sentais crevée et j’avais des insomnies.

Et de poursuivre : « À 31 ans aujourd’hui, rien n’a changé. J’ai arrêté la pilule mais les effets ont persisté. Maintenant, je sais quand je vais avoir mes règles, c’est un curseur dont je me serais bien passée. » D’abord je me sens agacée, puis je vois tout en noir, je suis émotive, je me sens grosse et moche.

Un état qui apparaît et disparaît à tout moment

« Le diagnostic est clinique avec un interrogatoire minutieux, détaille Philippe Descamps. On recherchera l’association des symptômes cliniques avec leur apparition 7 à 10 jours avant les règles et leur évolution cyclique. L’examen clinique est souvent normal et aucun bilan biologique n’est nécessaire pour confirmer le diagnostic. » Ce qu’il est important de garder en tête, c’est que le syndrome prémenstruel peut arriver à tout moment, à toutes les femmes et peut aussi être passager. Personne n’est prédestiné à en être victime, mais personne n’est à l’abri non plus.

C’est d’ailleurs le cas de Sandrine, qui a vu apparaître soudainement un SPM : « Je n’ai jamais eu de syndrome prémenstruel jusqu’à présent, si ce n’est me sentir un peu fatiguée et de mauvaise humeur quelques jours avant mes règles – mais comme une grande partie des femmes. »

En revanche, depuis plusieurs mois, ce sont des symptômes beaucoup plus importants et gênants qui sont apparus chez Sandrine. « Dès l’ovulation et surtout 10 jours avant mes règles, je gonfle énormément du bas ventre, des hanches et un peu de la poitrine, je digère et dors très mal et mes humeurs font les montagnes russes. C’est un état assez insupportable pour moi – la modification de mon corps et le fait de me sentir déprimée ou angoissée, c’est franchement pénible – mais aussi pour mon entourage. J’ai fait un bilan hormonal qui est revenu normal, donc rien n’explique ce syndrome soudain, si ce n’est éventuellement une ovulation de mauvaise qualité en ce moment, sans raison et sans gravité. »

Quels traitements ?

En premier lieu, le Pr. Philippe Descamps insiste sur l’importance de rassurer les patientes sur le caractère bénin de ce trouble du cycle menstruel.

Pour autant, pas question de minimiser la souffrance des femmes ! On met en place des règles hygiéno-diététiques : « restriction hydro sodée modérée (régime alimentaire adapté pour lutter contre la rétention d’eau), limitation des sucres rapides ainsi que des excitants », explique le gynécologue-obstétricien. Ainsi pendant le SPM, on évite café, tabac, alcool… On essaie aussi de maintenir une activité physique.

Les symptômes sont ensuite traités au cas par cas : laxatifs lors d’une constipation, AINS s’il y a des céphalées… « Parfois, le traitement s’accompagne d’un traitement local des mastodynies (douleurs mammaires) lorsque celles-ci sont invalidantes ; on applique alors un gel de progestérone », poursuit le Pr. Descamps. En cas d’œdème important, des diurétiques sont proposés. Enfin, un traitement global est possible « lorsque les symptômes sont sévères et invalidants dans la vie de tous les jours. On prescrit un traitement hormonal par progestatifs en 2e partie de cycle ou une pilule oestro-progestative ».

Les problèmes hormonaux, des cas difficiles pour la médecine

Dans le cas de Sandrine, de nombreux traitements ont été mis en place, sans résultat concluant : « on m’a proposé un diurétique léger et un traitement hormonal en progestatif pour la 2e partie du cycle, mais les symptômes perdurent malgré tout. Ce qui est frustrant, c’est de sentir les limites de la médecine en ce qui concerne les problèmes hormonaux. Toutes les femmes sont différentes et ont des problématiques qui leur sont propres, voilà pourquoi il est si compliqué pour les médecins de définir un traitement efficace pour tout le monde. »

« Je me suis donc tournée vers des médecines plus naturelles, comme l’acupuncture, l’ostéopathie et certaines plantes connues pour réguler les troubles hormonaux, mais visiblement mon souci est passager, donc il faut attendre et espérer que ça passe. »

« Dans le cas du SPM, il faut surtout relativiser ; le mal reste bénin », explique le Pr. Philippe Descamps, qui insiste néanmoins sur la nécessité de parvenir à identifier l’origine des troubles pour s’y attaquer au cas par cas. Ce syndrome n’a cependant rien à voir avec d’autres maladies gynécologiques, plus graves, comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques, des mots féminins eux aussi longtemps passés sous silence.

*auteur de Docteur, j’ai encore une question – tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la gynécologie sans jamais oser le demander, éd. Larousse, février 2017.

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