Le syndrome du puîné ou quand l'éternel second de la fratrie a du mal à trouver sa place
- Au milieu de la fratrie, difficile de trouver sa place
- Le puîné ou le mal-aimé de la famille
- Entre frictions et éloignement, l’équilibre familial en péril
- Syndrome du puîné : comment s’en défaire ?
Le 10 janvier 2023, le Prince Harry publiait son autobiographie Spare ou Le Suppléant en français. Alors que le monde se délectait des anecdotes les plus improbables dévoilées par le fils de Charles III, de multiples experts y allaient de leurs interprétations.
Parmi ces dernières, un constat semblait partagé par tou.te.s : le mari de Meghan Markle souffrirait de sa place dans la fratrie royale.
« En général, les deuxièmes enfants peuvent être touchés par le syndrome du deuxième enfant. Le second né devient mal à l’aise avec la présence de ses frères et sœurs en raison du manque d’importance ou d’attention lorsque celle-ci est accordée aux frères et sœurs plus âgés », assurait Abdullah Boulad, spécialiste du comportement, au micro de The Express.
Syndrome du puîné, du deuxième enfant ou encore mythe de l’enfant sandwich, plusieurs dénominations sont attribuées au mal-être que peut ressentir celui ou celle né.e après l’ainé.e. Et Saverio Tomasella*, psychanalyste et auteur de Faire la paix avec sa famille (Ed. Eyrolles), confirme : la famille royale d’Angleterre en est l’illustration parfaite.
« Ici, ce qui est très difficile c’est que le premier sait qu’il va hériter de la couronne, il a une place à part, pour préserver la dynastie. Mais cela peut peut se décliner dans de nombreuses familles, notamment dans celles avec une entreprise. Au-delà de la place d’aîné, il y a ce devoir de préservation de la ‘dynastie’ et cela peut empoisonner les relations fraternelles« , argue-t-il.
Au milieu de la fratrie, difficile de trouver sa place
Mais nul besoin d’être écrasé par le poids d’une couronne ou d’une affaire familiale pour souffrir de sa place « sandwich » dans sa famille. “Ma grande soeur, c’était l’enfant parfaite et mon petit frère l’enfant mignon. Moi j’étais comme l’enfant neutre”, raconte Marie, 25 ans aujourd’hui.
Pendant des années, la fillette se sent “plus seule” que sa soeur et son frère. “J’avais du mal à comprendre pourquoi ils s’entendaient si bien alors que j’étais littéralement entre eux. Avec mes parents, c’était difficile aussi parce qu’ils étaient beaucoup dans la comparaison avec ma grande soeur”, poursuit-elle.
Entre les vêtements et jouets de son aînée récupérés et les ‘pourquoi tu n’es pas aussi sage que ton frère ?’ lancés, Marie peine à trouver sa place.
“La place du milieu est la moins enviable parce que le premier enfant est chargé des idéaux des parents, ils l’ont rêvé comme une prolongement idéal de leur moi et beaucoup d’attentes pèsent sur lui. C’est l’enfant parfait… et le puîné arrive après”, complète Saverio Tomassella.
Le puîné ou le mal-aimé de la famille
Et si ce second enfant émerveille parfois un peu moins, c’est parce que toutes les “premières fois” sont raflées par l’aîné.e.
“Le puiné ce n’est pas un enfant autant attendu, la première grande euphorie n’est plus pareille, c’est la répétition, la monotonie. Il se positionne plus comme un compagnon de jeu. C’est plus une place fonctionnelle qui peut même passer un peu inaperçue”, explicite le psychanalyste.
Un sentiment de “valoir moins” qui peut être accentué par l’arrivée d’un (ou de plusieurs) petit.es frères ou soeurs. “Quand mon petit frère est né, j’ai compris que mes parents avaient presque une personnalité différente selon l’enfant à qui ils s’adressaient. Ils laissaient mon petit frère faire des choses pour lesquelles je me faisais réprimander plus jeune. Du coup c’était beaucoup de ‘pourquoi moi je ne pouvais pas’ qui passaient pour de la jalousie, alors que c’était de l’incompréhension et aussi le sentiment d’être la mal-aimée de la famille”, confie Emma, 28 ans.
Entre frictions et éloignement, l’équilibre familial en péril
Pour échapper à cet entre-deux, l’enfant peut avoir besoin de s’évader dans une autre cellule que le clan familial ou exprimer son mal-être via des frasques comportementales, comme ce fut le cas du Duc de Sussex au début des années 2000.
“Parfois, cette place défavorable nous pousse à exister ailleurs (école, sport, art…), on s’investit dans autre chose que la maison. Si on ne trouve pas comment s’épanouir et être valorisé, on peut aussi se faire remarquer autrement, faire des bêtises, moins obéir, récolter des heures de colle…”, liste Saverio Tomasella.
« J’étais la clown de ma classe, il fallait que je me fasse remarquer, donc je bavardais, je faisais la pitre… Par contre, mes parents râlaient quand il fallait signer mes mots d’indiscipline le soir. Encore ici j’avais le droit à ‘mais ta soeur ne nous a jamais fait ça' », se souvient Marie.
Une manière de se distinguer étudiée par la science. Des recherches, menées par la Management Sloan School en 2017 démontraient que « les deuxième-nés sont de 20 à 40% plus susceptibles d’être indisciplinés à l’école ou même d’avoir des problèmes avec la justice, par rapport au reste de la fratrie ».
Pour le psychanalyste, il s’agit là d’un phénomène en cascade. « L’enfant va avoir tendance à se dévaloriser et donc à s’auto-saboter, à déprimer, à ne pas être sympa avec ses frères et soeurs. Et les parents vont créer le rôle de cancre dans la famille. Cette image, souvent mise en évidence peut créer des dysfonctionnements à l’intérieur de la famille et l’enfant va s’imaginer comme une mauvaise personne”.
Syndrome du puîné : comment s’en défaire ?
Voilà pourquoi, selon l’auteur, il est primordial de désamorcer le mal-être en en parlant et ce, même si les parents ou les autres membres de la fratrie ont du mal à l’entendre.
« C’est très important de le faire, même adulte, parce que les non-dits sont dangereux pour l’équilibre de la famille. Alors, à chaque fois qu’une occasion se présente, on en parle. Même si au début ça ne passe pas très bien, on le répète en gardant le cap au fur et à mesure des discussions », recommande l’expert.
Parce que Saverio Tomasella appuie : il n’est jamais trop tard pour rétablir un peu d’équité. « Ce sont des disparités souvent relayées au second plan, mais qui empêchent le dynamique familiale d’être fluide. Alors c’est toujours bien de le dire », termine-t-il.
- Grandir dans l’ombre d’un frère ou d’une soeur célèbre
- Être l’aîné.e de la fratrie, une charge mentale insoupçonnée
*Saverio Tomasella vient de sortir un nouvel ouvrage, Les pouvoirs insoupçonnés de l’intuition (Ed. Eyrolles).
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