Le streetwear est-il en voie d’extinction ? | Vogue Paris
Le streetwear va-t-il définitivement disparaître ? Ce créneau se confirmait doucement ces deux dernières saisons et continue de s’accentuer pour l’automne-hiver 2020-2021.
L'hégémonie du streetwear va-t-elle laisser sa place à une autre tendance ? Éléments de réponse.
© Morgan O’Donovan
Virgil Abloh l'avait prédit
"Je dirais certainement que le streetwear va mourir. Son temps sera écoulé. Dans mon esprit, combien de t-shirts de plus pouvons-nous posséder, combien de sweats à capuche, combien de baskets ?". C'est en ces mots accordés à Dazed & Confused Magazine que Virgil Abloh a créé un raz-de-marée médiatique en décembre 2019, un mois avant la présentation de ses défilés Louis Vuitton et Off-White homme automne-hiver 2020-2021. Avec cette annonce, le créateur souhaite-t-il bousculer et faire réagir ? Décryptage.
Avec des marques comme Aries, Palace ou encore Union NYC, le streetwear et ses sous-cultures se sont fait une place de choix dans la mode et sont devenus intrinsèques à son histoire. Un label en particulier rayonne depuis de longues années : il s'agit de Supreme. James Jebbia, son fondateur, a tout compris : éditions limitées, branding intense, logo hurlants…, le hype de Supreme reste réservé à un cercle d’initiés pendant environ deux décennies, avant de se déployer avec fracas, comme Stüssy, à une plus large audience avec l’avènement des réseaux sociaux. Devenu un véritable culte et objet d’analyse sociologique donnant lieux à plusieurs ouvrages et des documentaires viraux, la marque excelle à créer le désir chez les "kids", en offrant le sentiment d’appartenir à une élite toute droit sortie de la rue – idée totalement assumée par le fondateur. Les pièces griffées Supreme, reconnaissables par une couleur rouge vibrante, suscitent l’engouement en faisant l’apologie du "cool". Plus qu'une tendance, le streetwear devient donc un véritable état d'esprit, et les maisons de luxe l'ont bien compris.
© Andreea Macri
Flashback : Louis Vuitton x Supreme
Il faut retourner en 2017 pour se rendre compte de l'engouement et de l’impact du streetwear sur l’ensemble de la mode et du luxe. Pour l’automne-hiver 2017-2018, Louis Vuitton, alors sous la direction artistique de Kim Jones, dévoile un défilé homme qui fait l’effet d’une bombe : une collaboration surprise entre le malletier français et le titan du street, Supreme. Et pour cause, c’est la première fois qu’une maison de luxe prête le savoir-faire de ses ateliers à une marque street pour réaliser une collection de prêt-à porter et d’accessoires.
Depuis, les maisons de luxe utilisent les marques street comme un de leurs fers de lance, à l'image de Dior qui, pour sa collection pre-fall présentée à Miami, confirmait sur le podium ses collaborations avec Shawn Stussy et Jordan Brand. Il signait pour l'occasion une paire de sneakers baptisée Air Jordan I High OG Dior en cuir italien qui fusionne les logos des deux marques. Autre exemple de taille, Balenciaga qui, depuis la nomination de Demna Gvasalia à la tête des collections, insuffle un twist underground à la maison, bien qu'il ne fasse pas des collaborations son leitmotiv : doudoune aux volumes exagérés, manteau à épaules dramatisées, cuissardes militaires… Le créateur réinterprète les archives dans une version grand luxe, mais en s'inspirant toujours de la rue afin de créer une nouvelle esthétique dont lui seul a le secret.
© GoRunway
La folie des sneakers
Désormais, les baskets s'invitent absolument partout : dans le milieu du sport bien entendu mais aussi dans le monde du travail où l'on n'hésite pas à les faire trôner aux pieds. Cette pièce sportswear a contribué au boom du street. Les maisons s'en sont emparé et l'ont détourné pour les insuffler d'inflexions normcore, de logos hurlants et de détails intrigants.
Côté luxe, Balenciaga demeure maître en l'art d'imaginer les It-sneakers chaque saison. Exemple avec les Triple S, ces OVNI très 90's repérés sur le podium de l'automne-hiver 2017-2018 que l'on voit partout dans les rues des quatre coins du monde. D'ailleurs, la maison portée par Demna Gvasalia se place quatrième derrière Off-White, Nike et Alexander McQueen, dans le classement des marques de sneakers les plus convoitées en 2019, selon un rapport de Stylight, et les hommes déboursent en moyenne 302€ pour une paire de sneakers de designer, toujours selon ce même rapport.
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Retour vers le tailoring classique
Plusieurs maisons riche en héritage et savoir-faire ont décidé de miser sur des designers au background street : Virgil Abloh chez Louis Vuitton homme, Kim Jones chez Dior Men, Demna Gvasalia chez Balenciaga… De quoi surfer sur cette tendance qui fait vendre. Mais lors de la dernière Fashion Week homme automne-hiver 2020-2021, on a pu assister à un véritable retour aux sources.
La prédiction de Virgil Abloh est-elle fondée ? Pour son Louis Vuitton, exit les hoodies XXL et sneakers OVNI, cette saison, le designer multidisciplinaire s'est plongé dans les archives du malletier français pour sortir de sa zone de confort et prendre le contre-pied du streetwear en se penchant sur les dress codes traditionnels. En résulte une pléthore de modèles à l'élégance classique sublimés de détails novateurs : une moitié de veston en patchwork sur une veste tailleur, des pièces intégralement réalisées en découpes pour un style déconstruit, une chemise/cravate directement cousue à même un manteau ou encore un total look cuir ponctué d'élégance.
À ce moment présent, il est impossible d'affirmer la mort du streetwear. S'il n'est plus au centre des inspirations des créateurs, il reste bel et bien présent, infusé à juste dose, subtilement réinterprété ou complètement métamorphosé via des vêtements au style plus classique. On assiste donc à un retour en force du tailoring, à coups de costumes bien taillés, manteaux oversized et cravates. Le streetwear a été un tremplin et a permis aux maisons de luxe de se frayer un chemin pour parler aux Millennials, mais aussi de briser les frontières.
© GoRunway
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