Le Roaccutane, un anti-acnéique aussi efficace que controversé
- Dans quel cas le Roaccutane est-il prescrit ?
- Des effets secondaires à surveiller de près
- La prise d’isotrétinoïne, formellement interdite pendant la grossesse
- Un traitement qui nécessite un réel investissement
On parle couramment du Roaccutane, mais ce médicament est aussi décliné en génériques comme comme Curacné, Procuta ou Contracné. Derrière ces noms, il y a avant tout l’isotrétinoïne, dérivé de la vitamine A, qui est présent naturellement dans le corps.
Produite par le foie en faible quantité, cette molécule agit sur l’ensemble des mécanismes à l’origine de l’acné kystique et des comédons en diminuant l’inflammation, en atrophiant les glandes sébacées à l’origine de l’hyper séborrhée et en régulant la production de kératinocytes.
Il faut dire que cette molécule se révèle très efficace pour faire disparaître les boutons qui gâchent la vie et le moral de millions de personnes, au bout de quatre à cinq semaines de traitement. Le bémol : les effets secondaires, pouvant pour certains se révéler très graves, dont on parle beaucoup.
Dans quel cas le Roaccutane est-il prescrit ?
L’acné touche quinze millions de personnes, selon la Société française de dermatologie (SFD), devenant la première maladie de peau, bien avant l’eczéma (2,5 millions) ou le psoriasis (2,4 millions). Et cela ne concerne pas que les ados ! « L’acné de l’adulte touche 40 à 50% de femmes en milieu urbain dans nos sociétés occidentales, assure la Dre Nina Roos, dermatologue et auteure de La peau de mon ado* (éd. Solar, 2017), qui les voit affluer dans son cabinet, dont certaines sont en grande souffrance. Il ne faut pas négliger les conséquences psychologiques de ce dérèglement cutané. Pour ces patients, l’isotrétinoïne s’avère une solution vraiment efficace pour retrouver une jolie qualité de peau. »
Suivant l’autorisation de mise sur le marché, les dermatologues prescrivent ce traitement dans le cadre d’acné sévère avec risque de cicatrices et d’acné résistante aux traitements de type antibiotiques par voie orale. « Au cas par cas, avec des doses adaptées à chaque patient, il est possible d’en proposer pour traiter une acné qui s’étire sur la longueur chez la femme adulte, une hyperséborrhée sur une peau sensible qui ne supporte plus d’autres traitements ou encore pour une rosacée, mais cela reste à la discrétion du médecin », souligne la dermatologue.
De son côté, l’Agence Nationale des Produits de Santé et du Médicament précise que « les médicaments à base d’isotrétinoïne ne peuvent être prescrits qu’en dernière intention pour le traitement d’acnés sévères, uniquement en cas d’échec des traitements classiques (antibiothérapie et traitements locaux). »
Des effets secondaires à surveiller de près
Jugé efficace, le Roaccutane peut tout de même entraîner des effets secondaires loins d’être anodins. En premier lieu, le traitement provoque une sécheresse de la peau, des lèvres, des yeux et des muqueuses, et peut engendrer des rougeurs cutanées qui nécessitent des soins adaptés, hydratants et doux pour la peau. Sur le plan psychologique, on peut constater une baisse de moral voire, c’est indiqué dans la posologie, une tendance au suicide. Anxiété, agressivité, troubles de l’humeur, dépression… Ces effets secondaires signalés sont aussi probablement liés à l’état du patient, dont l’estime de soi est mise à mal à un moment de la vie parfois difficile à passer : l’adolescence.
Cependant, de très rares cas de tentatives de suicide ont été rapportés sous traitement par isotrétinoïne, même si aucun lien entre ce traitement contre l’acné et ces troubles n’a été établi en France et à l’international. « Dès l’apparition de ces symptômes, le médecin qui suit le patient chaque mois peut ajuster la dose journalière prescrite ou décider d’arrêter le traitement », indique la Dre Nina Roos qui insiste sur l’importance du suivi régulier des patients sous traitement anti-acnéique.
Malgré toutes les précautions prises, « des troubles psychiatriques continuent d’être rapportés », regrette l’ANSM dans un communiqué publié le 21 octobre 2020. Elle indique que des représentants des professionnels de santé et des patients se réuniront début 2021 « pour discuter d’actions à mettre en œuvre afin de poursuivre et de renforcer la réduction des risques liés à la prise de ces médicaments. »
La prise d’isotrétinoïne, formellement interdite pendant la grossesse
Autre mise en garde : les femmes doivent absolument éviter une grossesse sous traitement car elles exposent les enfants à naître à des risques de malformations foetales graves. « Or, malgré les mesures mises en place, le nombre de grossesses exposées à l’isotrétinoïne n’a pas diminué depuis 2010 (environ 175 grossesses chaque année) », alerte l’ANSM.
« Il faut être sous contraception (pilule ou stérilet) depuis plus d’un mois et s’astreindre à un test de grossesse chaque mois, à montrer au pharmacien pour obtenir son renouvellement », rappelle donc la dermatologue. Globalement, son utilisation chez les filles et les femmes en âge de procréer doit respecter les conditions définies dans le Programme de Prévention des Grossesses. En cas de découverte d’une grossesse ou si la patiente pense être enceinte, le traitement doit être immédiatement arrêté et la patiente doit être adressée à un médecin spécialiste ou compétent en tératologie pour évaluation et conseil.
Ce médicament est aussi contre-indiqué pendant l’allaitement, mais aussi chez les personnes souffrant d’insuffisance hépatique, d’un excès de vitamine A, d’un excès de lipides dans le sang, de cholestérol ou de problèmes rénaux. D’où la prescription d’un bilan sanguin avant de démarrer tout traitement. Enfin, photosensibilisant, il nécessite une protection stricte contre les UV.
Un traitement qui nécessite un réel investissement
Le traitement peut être renouvelé en cas de récidive, mais il existe une dose cumulée totale à ne pas dépasser au cours d’une vie, au risque que le foie ne le tolère plus. « Nous pouvons alors adopter une stratégie d’épargne, surtout chez un ado qui risque de refaire de l’acné à l’âge adulte, explique le médecin. On jouera alors sur le dosage en délivrant une dose minimale efficace au cas par cas, plutôt qu’un traitement de choc. »
C’est ce qu’a fait Laura, une jeune femme de 30 ans. « J’ai été sous Roaccutane à 21 ans pendant 9 mois pour traiter une acné sévère sur le dos et le visage. Peau ultra sèche, interdiction de soleil, prises de sang mensuelles, baisse de moral… J’ai trouvé ce moment difficile mais extrêmement efficace. L’acné est revenue quelques années plus tard, juste après une grossesse, donc j’en ai repris trois mois à plus petite dose. Aujourd’hui, je le sais, les bouleversements hormonaux seront toujours pour moi un cap à passer alors j’essaie d’anticiper les poussées par d’autres biais (traitements cosmétiques, naturopathie…) pour éviter d’avoir à reprendre un tel traitement. »
Ce type de doutes est parfaitement compréhensible. « Il est normal qu’un patient hésite et se pose des questions avant de se lancer, mais nous avons des années de recul qui nous permettent de prescrire ce traitement extrêmement efficace, en mesurant bien chaque risque et chaque contrainte. Les rendez-vous sont des temps d’échange sans jugement de la part du professionnel de santé, afin d’initier une réassurance chez des patients sensibles au regard des autres, explique Nina Roos. Et dans tous les cas, c’est le choix du patient qui prime, et celui-ci peut arrêter à tout moment s’il en ressent le besoin. »
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