Le crâne d’un roi malgache décapité va-t-il enfin rentrer au pays ?
Tête à tête entre Madagascar et la France. Cela fait au moins vingt ans que la grande île de l’océan Indien réclame que lui soit restituée trois crânes Sakalaves, un peuple vivant dans l’ouest de l’île, conservés au musée de l’Homme, à Paris. Parmi ces reliques, se trouverait la tête du roi Toera, décapité en 1897, à Ambiky, ancienne capitale royale du Menabe, lors d’une attaque des troupes coloniales françaises pour mater une rébellion.
Klara Boyer-Rossol, historienne de l’Afrique, se trouvait au Menabe, en 2004, lorsqu’elle a entendu parler de l’histoire du crâne du roi Toera. A l’époque, celui-ci faisait déjà l’objet d’une demande de restitution auprès de l’ambassade de France à Tananarive. En effet, ce personnage revêt une haute importance chez les Sakalaves, Toera ayant été le dernier roi d’une dynastie remontant au XVIIe siècle. Au-delà du Menabe, il est aussi devenu un symbole de la résistance malgache à la colonisation, honoré chaque année lors de cérémonies au cours desquelles des ossements de son squelette sont sortis de son tombeau. Sauf que le crâne, lui, manque toujours à l’appel.
Une enquête entre Madagascar et Paris
Alors la chercheuse a mené l’enquête pour localiser le crâne du roi. Ses investigations l’ont amenée, en 2011 aux collections d’anthropologie du musée de l’Homme. Elle a pu retrouver le fil, grâce aux carnets de Guillaume Grandidier, un naturaliste qui débarqua au Menabe pour une expédition scientifique quelques mois après la mort du roi Toera. Guillaume Grandidier avait rapporté en France deux crânes de guerriers de la région, dont un qu’il décrivait simplement comme « un »illustre » chef », relate Klara Boyer-Rossol. Un faisceau d’indices lui laisse penser qu’elle a bien affaire à celui du roi Toera.
En 2018, des analyses ADN ont été menées en comparant des échantillons d’os prélevés dans la sépulture royale à Madagascar, et de l’ADN prélevé sur le crâne conservé au musée de l’Homme. Sauf que l’ADN récupéré sur les ossements est en trop mauvais état pour une comparaison robuste avec le crâne. « Dans l’état actuel de ce qu’on sait faire en génétique, on ne peut pas attester qu’il s’agit du crâne du roi Toera », déplore Christine Lefèvre, archéologue et directrice des collections naturalistes du musée de l’Homme.
Certes, le crâne du roi Toera n’a pu être formellement identifié, « mais des rituels Sakalaves l’ont reconnu comme tel », et les deux autres crânes réclamés « sont ceux de guerriers Sakalaves de la résistance », avance Klara Boyer-Rossol. Une commission mixte franco-malgache devrait statuer bientôt sur son sort. « La demande malgache de restitution des trois crânes est tout à fait recevable », estime la chercheuse.
Pour que le crâne retrouve enfin sa terre d’origine, elle mise aussi sur l’adoption par le parlement français, lundi, d’une loi sur la restitution à des Etats étrangers de restes humains appartenant aux collections publiques.
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