Le congé "santé mentale", un geste salvateur encore méprisé en entreprise

  • Le stress encore trop peu considéré comme un danger pour la santé 
  • Un congé pour prévenir et pas pour panser
  • Déstigmatiser les arrêts pour soigner sa psyché
  • Les bénéfices du jour de congé psychique

Alors que certains n’osent toujours pas s’arrêter quand ils sont malades, il est presque impensable d’imaginer qu’un congé pour préserver (et non pas soigner) sa santé mentale puisse un jour trouver sa place dans les entreprises françaises. 

Pourtant, outre-Atlantique, le “congé santé mentale” devient peu à peu la norme. En 2021, plusieurs géants comme Bumble, Mozilla ou encore Linkedin ont ainsi « offert une semaine du bien-être mental » à leurs employé.es, comme le relayait Forbes. Le but ? Contrer et apprendre de l’épidémie de burn-out actuelle, exacerbée par la crise sanitaire. 

En parallèle, dans l’Hexagone, si 9 Français sur 10 assurent que leur travail a un impact sur leur santé mentale*, peu, voire pas de moyens sont mis en place pour préserver la psyché des salariés. 

Le stress encore trop peu considéré comme un danger pour la santé  

Pour Mélissa Pangny, psychologue du travail, il est encore trop tôt pour évoquer de telles aides, car le stress et la santé mentale sont encore peu compris en entreprise. 

« Je dispense beaucoup de formations pour expliquer les méfaits du stress au travail sur notre santé. Je vois bien que beaucoup n’ont pas encore acquis l’idée que certaines angoisses peuvent nous fragiliser ou nous mettre en danger. Donc prendre un jour off pour cela, ça paraît impossible”, témoigne la spécialiste.  

Et souvent, l’argument “les deux jours de repos hebdomadaires servent à ça”, rend la discussion difficile. Pourtant, Mélissa Pangny souligne que si l’on ressent le besoin de prendre du recul pour panser sa santé mentale, il est généralement déjà trop tard. 

Un congé pour prévenir et pas pour panser

“L’idée de ces congés spéciaux, c’est surtout de prévenir. Toujours être dans le curatif, c’est trop dangereux”, explicite la psychologue. 

Selon elle, l’idéal serait de mettre à disposition des salarié.es une réserve de jours (distincte des cinq semaines de congés payés, ndlr). “Savoir que l’on peut faire appel à ces journées est salvateur, mais aussi déstigmatisant. Qui en ressent le besoin puise dedans et c’est tout”, propose-t-elle, ajoutant qu’une pause psychique tous les deux mois pourrait être intéressante

“Les ‘jours santé mentale’ à l’échelle de l’entreprise sont généralement l’option la plus sûre, surtout si certains travailleurs hésitent à admettre qu’ils ont besoin d’une pause. Allouez deux ou trois jours par an aux employés pour qu’ils puissent souffler, sans avoir à se justifier”, recommande même le site de recrutement Monster, sur sa plateforme américaine.

Déstigmatiser les arrêts pour soigner sa psyché 

En effet, l’important est de ne pas avoir à légitimer ce jour loin du bureau et de ses tracas

Car, quand c’est votre corps qui tire la sonnette d’alarme à cause d’un trop grand état de stress, il est alors nécessaire de consulter et de s’arrêter, pour ne pas aller jusqu’à l’épuisement professionnel.  

“Votre entreprise peut ne pas spécifier que les jours de maladie peuvent être utilisés à cette fin, mais la santé mentale est la santé, les deux sont inséparables”, appuie Schroeder Stribling, présidente du groupe Mental Health America auprès du New York Times. 

Seulement, selon Mélissa Pangny, être absent.e du bureau après avoir saturé mentalement n’est toujours pas accepté. « On est vu comme tire-au-flanc, car on n’a pas une jambe cassée ou une grippe pour montrer qu’on va mal. Parfois même, le manager va ramener la faute sur le salarié en avançant un manque d’organisation », précise-t-elle. 

Les bénéfices du jour de congé psychique 

Voilà pourquoi avant d’arriver à ce point de rupture, les jours de congé psychique peuvent être bénéfiques. 

« Quand on a une période de travail intense pendant quelque temps, c’est bien de pouvoir souffler, pour repartir sur des bases saines et ne pas empiler les angoisses« , commente Mélissa Pangny.

Si notre environnement de travail est toxique et que le stress est chronique, il faut s’interroger sur les choses à mettre en place, mais dans un second temps. « L’intérêt de ce temps mort, c’est aussi de se reposer, parce que le corps en a besoin. Ces moments calmes peuvent aussi nous aider à sortir la tête de l’eau et de mettre des mots sur un mal-être flagrant, mais inhibé ». 

Alors, si vous ressentez le besoin d’une pause psychique, n’hésitez pas à en parler à votre manager, recommande la psychologue du travail. Car parfois, ce besoin peut être un signe avant-coureur du burn out. 

« Aujourd’hui, il n’existe pas de mesure précise, mais en parlant on fait déjà avancer les choses. Dans tous les cas, il est bon de consulter un professionnel de santé, qui saura gérer le pan physique et psychique, quand le supérieur hiérarchique pourra, s’il est à l’écoute, faire des ajustements dans l’environnement direct », termine-t-elle. 

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*Selon une étude Moka.Care, publiée en mai 2022 et relayée par 20 Minutes

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