L’appétit vient-il vraiment en mangeant ?

Quand la faim n’est pas là, il est courant d’entendre qu’il faut tout de même se mettre à table, parce qu’après tout, c’est bien connu « l’appétit vient en mangeant ».  Mais se forcer à manger pour retrouver l’appétit, au détriment de l’écoute du corps et de ses sensations est-il vraiment une bonne idée ?

Pour tirer le vrai du faux, trois diététiciennes-nutritionnistes nous donnent leurs avis sur la question.

« Ne pas confondre faim et appétit »

L’avis Alexandra Melin, diététicienne-nutritionniste à Belfort

« Ce proverbe datant du XVIe siècle, sous-entend, que même sans faim, le plaisir gustatif peut venir en mangeant. Ce qui pousse malheureusement certaines personnes à ne pas être à l’écoute de leur corps.

En effet, il ne faut pas confondre « faim » et « appétit ». La faim est un ensemble de signaux corporels indiquant que notre corps a besoin d’énergie. L’appétit va plutôt être lié à nos cinq sens (l’odeur, la vue ou le goût d’un aliment par exemple) qui vont nous donner l’envie et le plaisir de manger sans forcément avoir faim.

Ainsi, l’appétit peut venir en mangeant un aliment qu’on apprécie car lorsqu’on mange, on fait intervenir tous nos sens. Mais à ne pas confondre avec la sensation de faim, et ne pas se forcer à manger si la faim n’est pas présente, car l’organisme n’a pas besoin d’énergie. »

Plus d’informations sur le site d’Alexandra Melin

« C’est vrai pour les extrêmes »

L’avis de Fabienne Pommera, diététicienne-nutritionniste à Paris.

« Pour moi, l’appétit, l’envie de manger va refléter nos besoins, à la fois les caloriques, qui nous permettent de réguler notre poids, les nutritionnels qui nous amènent à manger équilibré et les émotionnels qui nous amènent du réconfort.

Idéalement, c’est plutôt la faim qui enclenche l’envie de manger et quand on mange, l’appétit diminue. On mange, et ce que l’on ingurgite a beaucoup de saveurs parce qu’on avait faim et que ça nous faisait envie à ce moment-là. Au cours de la dégustation, les saveurs diminuent et on s’arrête parce que nous n’avons plus envie de manger.

Donc, l’appétit pour moi c’est l’envie de manger. Il peut venir en cas d’exposition à la nourriture, voir de la nourriture peut stimuler les sens et c’est pour ça que même en cuisinant, ça donne envie. L’odeur d’un steak, le crépitement du pain, tout ça réveille nos sens et peut nous donner l’envie de manger. En cas de grande faim si on ne peut pas manger parce que l’on est occupé, la sensation va disparaître au profit d’autres symptômes comme le froid ou une difficulté à se concentrer, si bien que l’on a l’impression qu’on n’a plus faim. Mais quand on se met à table, là ça réveille les sens et l’appétit semble revenir en mangeant.

Malgré tout, si l’on n’a pas faim, ça ne sert à rien de manger parce qu’il n’y aura pas de plaisir puisque le corps n’en a pas de besoin. Je pense que ce n’est vrai que pour les extrêmes. Par exemple, une personne qui cherche à faire attention à son poids mais qui est dans la restriction : l’exposition aux aliments interdits entraîne d’autant plus l’envie de manger et donc là, l’appétit vient en mangeant puisque dès qu’elle consomme ces aliments, elle a l’impression de ne plus pouvoir s’arrêter. Chez les personnes dénutries aussi, manger peut faire renaître l’appétit. »

Plus d’informations sur le site de Fabienne Pommera   

« Ne pas avoir faim signifie que notre corps a encore suffisamment de ‘carburant’ »

L’avis de Laurence Huwig, diététicienne-nutritionniste à Saint-Julien

« L’appétit correspond à un désir de manger. Pour moi, il est différent de la faim car la faim correspond à un besoin physiologique de manger. En effet, l’appétit peut être influencé par les sens : un visuel, une odeur ou un contexte particulier : des amis qui mangent donc je mange avec eux et cela peut être indépendant de la sensation de faim, donc cette idée vient sûrement du fait qu’il peut arriver que lorsque nous commençons à manger, cela stimule parfois l’envie de manger davantage.

C’est en partie vrai, car dans certaines situations, il peut nous arriver d’être très pris par notre mental, ce qui nous éloigne des perceptions de notre corps et de notre sensation de faim. Ainsi, nous avons l’impression de ne pas avoir faim et c’est lorsque nous nous installons pour manger et que nous voyons la nourriture que nos sens sont stimulés et que la sensation de faim apparaît. D’autres fois, c’est le fait d’être entouré d’amis ou au restaurant, et de voir une multitude de choses à manger, pleins de couleurs, différentes odeurs… Ce qui peut nous donner envie de goûter les choses et nous sommes alors moins conscients de notre rassasiement. C’est ce qui peut se passer lorsque nous sommes face à un apéritif ou un buffet, par exemple.

A d’autres moments où nous n’avons pas faim, nous n’avons pas envie de manger et cette expression s’avère fausse car l’appétit ne nous vient pas en mangeant, au contraire, cela peut nous dégoûter de voir la nourriture et nous couper encore plus l’appétit. Également lorsque nos sens nous renvoient un stimuli négatif (une mauvaise odeur, un plat qui n’est pas beau visuellement…), cela peut également nous couper l’appétit.

La sensation de faim est le signal physiologique de notre corps pour nous signaler qu’il a besoin d’énergie. Ainsi, ne pas avoir faim signifie que notre corps a encore suffisamment de « carburant ». Manger sans avoir faim risque donc d’apporter plus d’énergie que notre corps a besoin et il semble plus efficace de ne pas manger. Il peut cependant exister des situations où il va être plus confortable de manger même si la faim est légère ou pas encore présente. Il s’agit de la notion d’appétit prévisionnel que je pourrais mettre en parallèle avec le « pipi de sécurité » que nous faisons avant un long trajet en voiture, par exemple. Dans cette situation, notre envie d’uriner n’est pas encore présente ou légère mais si elle apparaît dans le trajet, elle risque d’être inconfortable voire problématique pour nous. Nous prévoyons donc d’aller uriner avant que cela ne se produise, puis la régulation corporelle se refera naturellement. Il en est de même pour des situations où nous savons que nous n’allons pas avoir la possibilité de manger pendant longtemps. Si nous mangeons trop, la régulation pourra se faire par la suite car nous aurons moins faim. »

Plus d’informations sur le site de Laurence Huwig

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